Papierfabrik August Koehler AG (C-322/07 P), Bolloré SA (C-327/07 P) and Distribuidora Vizcaína de Papeles SL (C-338/07 P) v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:216
CourtCourt of Justice (European Union)
Date02 April 2009
Docket NumberC-338/07,C-327/07,C-322/07
Celex Number62007CC0322
Procedure TypeRecurso de casación - inadmisible

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 2 avril 2009 (1)

Affaires jointes C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P

Papierfabrik August Koehler AG (C‑322/07 P),


Bolloré SA (C‑327/07 P),


Distribuidora Vizcaína de Papeles SL (C‑338/07 P)


contre


Commission des Communautés européennes

«Pourvois – Ententes – Marché du papier autocopiant – Article 81 CE – Défaut de concordance entre la communication des griefs et la décision – Violation des droits de la défense – Conséquences – Durée raisonnable de la procédure devant le Tribunal – Dénaturation des éléments de preuve – Participation à l’infraction – Durée de l’infraction – Règlement n° 17 – Article 15, paragraphe 2 – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes – Principe de proportionnalité – Principe d’égalité de traitement – Devoir de motivation»





1. La présente affaire a pour objet les pourvois formés par trois producteurs de papier autocopiant, Papierfabrik August Koehler AG (C‑322/07 P, ci‑après «Koehler»), Bolloré SA (C‑327/07 P, ci‑après «Bolloré») et Distribuidora Vizcaína de Papeles SL (C‑338/07 P, ci‑après «Divipa»), à l’encontre de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission (2).

2. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté les recours en annulation introduits par les requérantes à l’encontre de la décision 2004/337/CE de la Commission (3) par laquelle celle‑ci a constaté leur participation à un ensemble d’accords et de pratiques concertées sur le marché du papier autocopiant, contraires à l’article 81 CE.

3. Dans les présents pourvois, les requérantes remettent tout d’abord en cause la légalité de la procédure devant le Tribunal. En particulier, Bolloré reproche au Tribunal de ne pas avoir tiré toutes les conséquences qui s’imposaient quant à la légalité de la décision litigieuse compte tenu de la violation commise par la Commission des Communautés européennes de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

4. Les requérantes reprochent, ensuite, au Tribunal d’avoir violé l’article 81, paragraphe 1, CE, en dénaturant certains éléments de preuve relatifs à leur participation à l’infraction et à la durée de celle‑ci. Elles contestent également son appréciation relative au calcul du montant des amendes infligées par la Commission en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil (4) en faisant notamment valoir une violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité. Enfin, l’une des requérantes critique l’arrêt attaqué en tant qu’il serait entaché d’un défaut de motivation en ce qui concerne l’appréciation des circonstances atténuantes.

5. Dans les présentes conclusions, nous proposerons à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué en tant que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne tirant pas toutes les conséquences qui s’imposaient de la violation par la Commission des droits de la défense de Bolloré. En effet, nous soutiendrons que, dans la mesure où Bolloré n’a pas pu se défendre concernant le grief tiré de son implication personnelle et directe dans les activités du cartel, le Tribunal aurait dû annuler la décision litigieuse en tant qu’elle était fondée sur ce grief.

6. En revanche, nous proposerons à la Cour de rejeter les pourvois introduits par Koehler et Divipa.

7. Dans la mesure où le litige est, selon nous, en état d’être jugé, nous proposerons à la Cour de statuer elle‑même définitivement sur le moyen soulevé par Bolloré, tiré d’une violation des droits de la défense. À l’issue de cette évocation, nous inviterons la Cour à annuler la décision litigieuse en tant qu’elle est fondée sur des éléments mettant personnellement et directement en cause Bolloré dans la commission de l’infraction.

I – Le cadre juridique

8. L’article 81 CE interdit «tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun».

9. En cas de violation de cette disposition, la Commission peut, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, «infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes de [1 000 euros] au moins et de [1 million d’euros] au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction».

10. En vue d’assurer la transparence et le caractère objectif de ses décisions tant à l’égard des entreprises qu’à l’égard du juge communautaire, la Commission a publié, en 1998, des lignes directrices dans lesquelles elle énonce la méthode de calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 (5).

11. Les lignes directrices disposent, à leur point 1, que, pour le calcul du montant des amendes, le montant de base est déterminé en fonction des critères retenus à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, à savoir la gravité et la durée de l’infraction.

12. En premier lieu, l’évaluation de la gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné (point 1, A, premier alinéa, des lignes directrices). Dans ce cadre, les infractions sont classées en trois catégories, à savoir les «infractions peu graves», pour lesquelles le montant des amendes envisageable est compris entre 1 000 euros et 1 million d’euros, les «infractions graves», pour lesquelles ce montant peut varier entre 1 million d’euros et 20 millions d’euros, ainsi que les «infractions très graves», pour lesquelles ledit montant va au‑delà de 20 millions d’euros (point 1, A, deuxième alinéa, premier à troisième tiret, des lignes directrices).

13. En deuxième lieu, la gravité de l’infraction est analysée par rapport aux caractéristiques de chaque entreprise concernée. À l’intérieur de chacune de ces catégories, l’échelle des sanctions retenues permet de différencier le traitement appliqué aux entreprises selon la nature des infractions commises. La Commission prend alors en considération la capacité économique effective des entreprises concernées à créer un dommage et détermine le montant de l’amende à un niveau qui doit lui assurer un caractère dissuasif (point 1, A, quatrième alinéa, des lignes directrices). C’est à ce stade que la Commission peut classer les entreprises dans différentes catégories et pondérer le montant de départ de l’amende pour chaque entreprise.

14. En troisième lieu, la Commission prend en compte la durée de l’infraction.

15. En vertu des points 2 et 3 des lignes directrices, la Commission peut, ensuite, prendre en considération certaines circonstances aggravantes ou atténuantes pour augmenter ou diminuer le montant de base.

16. En outre, conformément au point 4 desdites lignes, la Commission peut appliquer sa communication du 18 juillet 1996 concernant la non‑imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (6).

17. En tant que remarque générale, le point 5, sous a), premier alinéa, des lignes directrices précise que le montant final de l’amende ne peut en aucun cas dépasser 10 % du chiffre d’affaires mondial des entreprises, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

II – Le cadre factuel

18. Les faits, tels qu’ils ressortent de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés de la manière suivante.

19. Les faits à l’origine du présent litige, tels qu’ils sont exposés aux points 1 à 21 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.

20. Informée de la prétendue existence d’une entente occulte entre entreprises dans le secteur du papier autocopiant, la Commission a effectué des vérifications auprès de plusieurs producteurs, au titre de l’article 14, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 17. En 1999, la Commission a également adressé des demandes de renseignements, conformément à l’article 11 du règlement n° 17, à plusieurs sociétés qui, pour certaines d’entre elles, ont reconnu leur participation à des réunions multilatérales d’entente.

21. Mougeot SA (ci‑après «Mougeot»), qui avait accepté de coopérer à l’enquête en application de la communication sur la coopération, a reconnu l’existence d’une entente ayant pour objet la fixation des prix du papier autocopiant et a fourni à la Commission des renseignements sur la structure du cartel, et notamment sur les différentes réunions auxquelles ses représentants ont assisté.

22. Le 26 juillet 2000, la Commission a engagé la procédure dans les présentes affaires et a adopté une communication des griefs qu’elle a adressée à 17 entreprises, dont Bolloré et sa filiale Copigraph SA (ci‑après «Copigraph»), Divipa et Koehler. La majorité des entreprises ont présenté des observations écrites en réponse aux griefs soulevés par la Commission. Une audition s’est tenue les 8 et 9 mars 2001 et la Commission a adopté, le 20 décembre 2001, la décision litigieuse.

23. À l’article 1er, premier alinéa, de cette décision, la Commission constate que onze entreprises ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord sur l’Espace économique européen, signé le 2 mai 1992 (7), en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le secteur du papier autocopiant.

24. À l’article 1er, second alinéa, de la même décision, la Commission constate, notamment, que Arjo Wiggins Appelton plc (ci‑après «AWA»), Bolloré, Koehler, Sappi Ltd (ci‑après «Sappi») et trois autres entreprises ont participé à l’infraction du mois de janvier 1992 au mois de septembre 1995, Divipa du mois de mars 1992 au mois de janvier 1995 et Mougeot du mois de mai 1992 au mois de septembre...

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