Petar Aladzhov v Zamestnik director na Stolichna direktsia na vatreshnite raboti kam Ministerstvo na vatreshnite raboti.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:547
Date06 September 2011
Celex Number62010CC0434
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-434/10

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 6 septembre 2011 (1)

Affaire C‑434/10

Petar Aladzhov

contre

Zamestnik director na Stolichna direktsia na vatreshnite raboti kam Ministerstvo na vatreshnite raboti

[demande de décision préjudicielle formée par l’Administrativen sad Sofia-grad (Bulgarie)]

«Restriction à l’exercice du droit à la libre circulation d’un citoyen de l’Union – Interdiction pour le représentant d’une société de quitter le territoire national en raison du non-recouvrement de créances publiques – Notion d’ordre public – Proportionnalité»





1. La problématique essentielle soulevée par le présent renvoi préjudiciel est celle de déterminer si et dans quelle mesure un État membre peut invoquer, comme justification à l’imposition d’une mesure dérogeant à la libre circulation de ses propres ressortissants, l’ordre public en raison du fait que ces ressortissants ne se seraient pas acquittés de leurs dettes fiscales. La Cour est donc appelée à se pencher sur l’interprétation de l’article 27 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (2).

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. La directive 2004/38

2. Le trente et unième considérant de la directive 2004/38 affirme que «[l]a présente directive respecte les droits et libertés fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne».

3. L’article 1er de la directive 2004/38 prévoit que ladite directive concerne:

«a) les conditions d’exercice du droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres;

b) le droit de séjour permanent, dans les États membres, des citoyens de l’Union et des membres de leur famille;

c) les limitations aux droits prévus aux points a) et b) pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.»

4. L’article 4, paragraphe 1, de la directive 2004/38 affirme que, «[s]ans préjudice des dispositions concernant les documents de voyage, applicables aux contrôles aux frontières nationales, tout citoyen de l’Union muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité […] [a] le droit de quitter le territoire d’un État membre en vue de se rendre dans un autre État membre».

5. L’article 27 de la directive 2004/38 est inséré dans le chapitre VI consacré aux limitations du droit d’entrée et du droit de séjour pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

6. L’article 27, paragraphes 1 et 2, de la directive 2004/38 énonce:

«1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques.

2. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues.»

B – Le droit national

1. La loi relative aux documents personnels bulgares

7. L’article 23, paragraphe 2, de la loi sur les papiers d’identité bulgares (Zakon za balgarskite lichni dokumenti, ci-après le «ZBLD») (3) prévoit que «[t]out ressortissant bulgare a le droit de quitter le pays avec une carte d’identité et d’y retourner avec celle-ci par les frontières internes de la République de Bulgarie avec les États membres de l’Union européenne ainsi que, le cas échéant, par celles prévues par des traités internationaux».

8. Le paragraphe 3 dudit article poursuit en précisant que «[l]e droit visé au paragraphe 2 n’est pas limité sauf si la loi prévoit le contraire dans un but de protection de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé des citoyens ou des droits et libertés des autres citoyens».

9. Aux termes de l’article 75, paragraphe 5, du ZBLD, il n’est pas permis de quitter le pays «aux personnes à l’égard desquelles il a été demandé le placement sous l’interdiction prévue à l’article 182, paragraphe 2, point 2), sous a) et à l’article 221, paragraphe 6, point 1, sous a) et b), du [code de procédure fiscale et des assurances sociales]».

2. Le code de procédure fiscale et des assurances sociales

10. L’article 182, paragraphe 2, point 2, sous a), du code de procédure fiscale et des assurances sociales (Danachno-osiguritelen protsesualen kodeks, ci-après le «DOPK») (4) prévoit que, «conjointement avec la lettre de mise en demeure prévue au paragraphe 1 ou à la suite de cette dernière, l’autorité visée au paragraphe 1 peut, lorsque le montant de la dette excède [5 000 BGN] et en l’absence de garantie d’un montant égal au principal majoré des intérêts (par ‘garantie’ il faut entendre une ‘provision’ ou une ‘caution’couvrant/garantissant le principal et les intérêts), demander aux autorités du ministère de l’Intérieur de ne pas autoriser le débiteur ou les membres de ses organes de contrôle ou de gestion à quitter le pays, mais aussi de leur retirer ou de ne pas leur délivrer de passeport ou autre document analogue permettant le franchissement des frontières nationales».

11. L’article 182, paragraphe 4, du DOPK précise que «[l]es mesures visées au paragraphe 2 peuvent, selon l’appréciation de l’autorité compétente, être prises simultanément ou séparément compte tenu du montant de la dette ou du comportement du débiteur jusqu’à l’extinction définitive de celle-ci».

12. L’article 221, paragraphe 6, du DOPK énonce que, «[d]ans les cas où les mesures visées au paragraphe 2, point 2, ou au paragraphe 4 de l’article 182 ne sont pas arrêtées par l’autorité compétente, l’agent public d’exécution peut, si le montant de la dette excède [5 000 BGN] et en l’absence de garantie d’un montant égal ou supérieur au principal majoré des intérêts:

1. demander aux autorités du ministère de l’intérieur:

a) d’interdire au débiteur ou aux membres de ses organes de contrôle de gestion de quitter le pays;

b) de retirer ou de ne pas délivrer de passeport ou autre document analogue permettant le franchissement des frontières nationales».

13. L’article 269 ter, point 4, du DOPK affirme qu’«aucune demande d’assistance mutuelle ne peut être formulée si le montant total de la créance ou des créances est inférieur à la contre-valeur de [1 500 euros] en BGN».

II – Le litige au principal et les questions préjudicielles

14. De nationalité bulgare, le requérant au principal, M. Aladzhov, est l’un des trois gérants d’une société commerciale dont la dette fiscale à l’égard du Trésor public bulgare s’élève à plus de 5000 BGN. Il occupe, par ailleurs, les fonctions de directeur des ventes d’une autre société, fonctions qui l’amènent à se déplacer souvent à l’étranger.

15. La dette fiscale en question semble avoir été contractée depuis le 10 octobre 1995, date de l’avis d’imposition relatif à la créance de l’État au titre de la taxe sur la valeur ajoutée et des droits de douane. Un ordre de recouvrement a été émis le 20 août 1999 avant qu’une mise en demeure ne soit effectuée le 10 avril 2000, notifiée le 26 septembre 2001. Une procédure d’exécution a été engagée en 2002, mais est restée sans succès. Le 17 juin 2010, les autorités fiscales bulgares indiquaient par lettre, dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, que la dette fiscale globale de la société commerciale s’élevait à 44 449 BGN, soit 7 721 BGN d’imposition initiale et 38 728 BGN d’intérêts. Elles indiquaient, en outre, que, dans le cadre de la procédure d’exécution forcée, les saisies effectuées sur les comptes bancaires de la société commerciale débitrice se sont révélées infructueuses, lesdits comptes n’étant pas approvisionnés. De même, faute d’avoir localisé les véhicules de la société, leur saisie n’a pu être réalisée.

16. Par lettre en date du 30 juillet 2009, l’agent public exécuteur de l’Agence nationale des recettes fiscales a, conformément à ce qu’il lui est autorisé de faire par le droit national, demandé au Zamestnik director na Stolichna direktsia na vatreshnite raboti kam Ministerstvo na vatreshnite raboti (directeur adjoint de la direction des affaires intérieures de la capitale auprès du ministère de l’Intérieur) d’imposer au requérant au principal, en sa qualité de gérant de la société commerciale fiscalement débitrice, une mesure administrative portant interdiction de quitter le territoire bulgare jusqu’au paiement ou à la pleine garantie de la créance de l’État.

17. Ainsi, le présent renvoi préjudiciel trouve-t-il son origine dans un recours en annulation introduit devant la juridiction de renvoi par M. Aladzhov à l’encontre de la décision litigieuse.

18. Se trouvant confronté à une difficulté liée à l’interprétation du droit de l’Union, l’Administrativen Sad Sofia-grad a décidé de surseoir à statuer et, par décision de renvoi en date du 6 septembre 2010, de saisir la Cour, sur le fondement de l’article 267 TFUE, des questions préjudicielles suivantes:

«1) L’interdiction de quitter le territoire d’un État membre de l’Union, faite à un ressortissant dudit État, en sa qualité de gérant d’une...

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