Gervais Larsy v Institut national d'assurances sociales pour travailleurs indépendants (INASTI).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2001:174
Date15 March 2001
Celex Number62000CC0118
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-118/00
EUR-Lex - 62000C0118 - FR 62000C0118

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 15 mars 2001. - Gervais Larsy contre Institut national d'assurances sociales pour travailleurs indépendants (INASTI). - Demande de décision préjudicielle: Cour du travail de Mons - Belgique. - Règlements (CEE) nº 1408/71 et 1248/92 - Pensions de vieillesse - Règles anticumul - Inopposabilité conformément à un arrêt de la Cour de justice - Limitation des effets - Violation caractérisée du droit communautaire. - Affaire C-118/00.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-05063


Conclusions de l'avocat général

1. La responsabilité des États membres en cas de violation du droit communautaire recouvre des situations très variées, même si toutes ont en commun de procéder d'une méconnaissance des règles de droit applicables. La violation d'une norme communautaire peut prendre la forme d'un défaut de transposition d'une directive ou d'une interprétation inexacte du droit. Dans cette dernière hypothèse, on reproche la plupart du temps aux États membres de faire une application erronée d'un texte.

2. Mais il peut aussi arriver que le débat porte sur le caractère applicable, en tant que tel, de la règle de droit. Ainsi, en l'espèce, une autorité nationale de sécurité sociale a limité les droits attachés à une pension de retraite en se fondant sur une disposition du règlement (CEE) n° 1408/71 dont l'applicabilité est contestée.

3. L'approche restrictive adoptée par cette autorité au moment de faire droit à la demande de pension est fondée, selon elle, sur l'article 95 bis, paragraphe 5, du règlement. L'interprétation par votre Cour de cette disposition doit permettre, selon la juridiction de renvoi, de déterminer le caractère fautif, le cas échéant, du comportement ainsi reproché par le bénéficiaire de la pension à l'autorité en cause.

I - L'article 95 bis du règlement

4. Ce texte, introduit dans le règlement par le règlement n° 1248/92 , dispose:

«1. Le règlement (CEE) n° 1248/92 n'ouvre aucun droit pour une période antérieure au 1er juin 1992.

2. Toute période d'assurance ou de résidence accomplie sous la législation d'un État membre avant le 1er juin 1992 est prise en considération pour la détermination des droits ouverts conformément aux dispositions du règlement (CEE) n° 1248/92.

3. Sous réserve des dispositions du paragraphe 1, un droit est ouvert, en vertu du règlement (CEE) n° 1248/92, même s'il se rapporte à une éventualité réalisée antérieurement au 1er juin 1992.

4. Les droits des intéressés qui ont obtenu, antérieurement au 1er juin 1992, la liquidation d'une pension peuvent être révisés à leur demande, compte tenu des dispositions du règlement (CEE) n° 1248/92.

5. Si la demande visée au paragraphe 4 est présentée dans un délai de deux ans à partir du 1er juin 1992, les droits ouverts en vertu du règlement (CEE) n° 1248/92 sont acquis à partir de cette date, sans que les dispositions de la législation de tout État membre relatives à la déchéance ou à la prescription des droits puissent être opposables aux intéressés.

6. Si la demande au paragraphe 4 est présentée après l'expiration du délai de deux ans suivant le 1er juin 1992, les droits qui ne sont pas frappés de déchéance ou qui ne sont pas prescrits sont acquis à partir de la date de demande, sous réserve de dispositions plus favorables de la législation de tout État membre.»

II - Les faits et la procédure au principal

5. M. Gervais Larsy est un ressortissant belge établi en Belgique, près de la frontière française. Il a exercé, comme pépiniériste, une activité non salariée en Belgique et en France.

6. Le 24 octobre 1985, M. Gervais Larsy a introduit auprès de l'Institut national d'assurances sociales pour travailleurs indépendants une demande de pension de retraite de travailleur indépendant.

7. Par décision notifiée le 3 juillet 1986, l'Inasti lui a alloué, avec effet au 1er novembre 1986, une pension de retraite de 45/45 sur la base d'une carrière complète s'étendant du 1er janvier 1941 au 31 décembre 1985.

8. M. Gervais Larsy ayant également versé, du 1er janvier 1964 au 31 décembre 1977, des cotisations de sécurité sociale auprès des autorités compétentes françaises, celles-ci lui ont accordé une pension de retraite à partir du 1er mars 1987.

9. Pour cette raison, l'Inasti a pris, le 21 décembre 1988, une nouvelle décision, réduisant, avec effet au 1er mars 1987, les droits à pension de retraite à la proportion de 31/45, par application du principe de l'unité de carrière inscrit à l'article 19 de l'arrêté royal n° 72, du 10 novembre 1967 .

10. Le 16 janvier 1989, M. Gervais Larsy a introduit devant le Tribunal du travail de Tournai (Belgique) un recours contre cette décision, faisant valoir que le montant initial des droits à pension devait être maintenu, nonobstant l'octroi de la pension de retraite française.

11. Le 24 avril 1990, ce tribunal a rejeté le recours comme non fondé. N'ayant pas été signifié, le jugement n'est pas devenu définitif.

12. Par la suite, le Tribunal du travail de Tournai a été saisi d'un recours introduit par M. Marius Larsy, frère de M. Gervais Larsy, qui se trouvait dans une situation de fait et de droit analogue à la sienne.

13. Au cours de la procédure, cette juridiction a décidé de poser à votre Cour des questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 12 et 46 du règlement, dispositions relatives au non-cumul des prestations et à leur liquidation par les institutions compétentes des États membres.

14. Dans son arrêt du 2 août 1993, Larsy , la Cour a dit pour droit: «[l]'article 12, paragraphe 2, et l'article 46 du règlement n° 1408/71 ne s'opposent pas à ce que soit appliquée, lors de la détermination d'une pension en vertu de la seule législation nationale, une règle anticumul nationale. Ces articles s'opposent, par contre, à cette application lors de la détermination d'une pension selon les dispositions de l'article 46. L'article 46, paragraphe 3, du même règlement doit être interprété en ce sens que la règle anticumul de cette disposition ne s'applique pas dans la mesure où une personne a travaillé pendant une même période dans deux États membres et a été obligée, pendant la même période, de verser des cotisations d'assurance vieillesse dans ces États membres».

15. En considération de cet arrêt, le Tribunal du travail de Tournai a, par jugement du 8 mars 1994, accueilli le recours de M. Marius Larsy.

16. Répondant à la demande de M. Gervais Larsy d'obtenir la régularisation de sa situation dans les mêmes conditions que son frère, l'Inasti lui a demandé, en invoquant l'article 95 bis, paragraphe 5, du règlement, de former une nouvelle demande de pension en vue de réviser ses droits.

17. À la suite de cette demande, l'Inasti a pris une nouvelle décision, le 26 avril 1995, octroyant à M. Gervais Larsy une pension de retraite complète avec effet au 1er juillet 1994.

18. Après avoir pris contact avec la Commission des Communautés européennes, M. Gervais Larsy a, par courrier du 8 août 1997, fait appel du jugement du Tribunal du travail de Tournai du 24 avril 1990 auprès de la Cour du travail de Mons (Belgique).

19. Devant cette dernière, l'Inasti a reconnu que les droits à pension de M. Gervais Larsy devait être revu avec effet au 1er mars 1987 et qu'il y avait lieu de réformer la décision administrative du 21 décembre 1988. L'Inasti a cependant considéré que, en l'absence de faute, il ne pouvait être condamné au paiement de dommages et intérêts.

20. Dans son arrêt du 10 février 1999, la Cour du travail de Mons a déclaré l'appel fondé quant au droit de M. Gervais Larsy à une pension de retraite de travailleur indépendant sur la base de 45/45, à partir du 1er mars 1987.

21. Dans la mesure où la demande de l'appelant portait également sur le versement de 1 BEF, à titre de dommages et intérêts, en réparation du dommage moral, et de 100 000 BEF, à titre de dommages et intérêts, en réparation d'un préjudice matériel complémentaire, la Cour du travail de Mons a estimé qu'elle n'était pas suffisamment éclairée. Elle a en conséquence posé aux parties une question portant, notamment, sur le point de savoir si l'Inasti devait être considéré comme ayant eu un comportement fautif en adoptant une décision nouvelle qui, bien qu'attribuant une pension complète à M. Gervais Larsy, fixait au 1er janvier 1994 sa date de prise d'effet, alors que la demande de pension initiale datait de 1985 et que les droits à pension litigieux avaient été réduits par l'Inasti dès 1987.

22. Elle a également repris les développements contenus dans l'avis écrit du ministère public du 13 janvier 1999. Celui-ci avait considéré que l'arrêt Larsy, précité, revêtait une autorité morale plutôt qu'une autorité de la chose jugée et que l'Inasti avait respecté cette autorité morale en révisant partiellement dans le temps sa décision du 21 décembre 1988. Le ministère public avait également précisé que la limitation dans le temps des effets de la nouvelle décision prise par l'Inasti paraissait découler de la législation communautaire, à savoir de l'article 95 bis, paragraphe 5, du règlement.

23. Devant la Cour du travail de Mons, l'Inasti fait valoir qu'il n'a pas commis de violation suffisamment caractérisée du droit communautaire dès lors que la réglementation applicable ne l'autorisait pas à prendre d'office une nouvelle décision avec effet au 1er mars 1987. Une demande en révision ayant été introduite hors du délai prévu par l'article 95 bis, paragraphe 5, du règlement, la révision devait prendre effet le 1er juillet 1994. En outre, l'Inasti souligne que M. Gervais Larsy n'a fait appel du jugement du 24 avril 1990 que le 8...

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