Commission of the European Communities v Republic of Finland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:431
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-246/08
Date07 July 2009
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62008CC0246

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Dámaso Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 7 juillet 2009 (1)

Affaire C‑246/08

Commission des Communautés européennes

contre

République de Finlande

«Manquement d’État – TVA – Notion d’‘activité économique’ – Services de conseil juridique public et services de conseil juridique privé – Rémunération en fonction des revenus – Autorité publique – Distorsion de concurrence»





I – Introduction

1. En 2002, la République de Finlande a décidé d’étendre l’assistance juridique gratuite, traditionnellement destinée aux citoyens à bas revenus, à un autre segment de la population disposant de ressources légèrement plus élevées, mais qui rencontrerait des difficultés à supporter intégralement les dépenses liées à ce service. Toutefois, en pareils cas, la loi prévoit que, par un montant qui varie en fonction de ses moyens financiers, le bénéficiaire rémunère partiellement le travail du conseil juridique, qui peut être un employé public ou un professionnel privé.

2. La législation finlandaise exonère de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») l’assistance juridique en question lorsque celle‑ci est fournie par l’un des bureaux publics créés à cet effet et lorsque le client la rémunère en partie. Dans la présente affaire, la Commission des Communautés européennes estime que cette règle du droit finlandais est contraire à plusieurs dispositions de la sixième directive 77/388/CEE (2).

3. L’analyse du régime fiscal applicable à ce type d’activités permet d’aborder la question du transfert vers le secteur privé de la prestation de certains services publics, une technique de plus en plus répandue dans des secteurs publics particulièrement surchargés tels que ceux de la santé ou de l’éducation.

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

4. Le recours de la Commission est fondé sur la sixième directive, bien que, le 1er janvier 2007, soit entrée en vigueur la directive 2006/112/CE (3).

5. L’article 2, paragraphe 1, de la sixième directive soumet à la TVA «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».

6. Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive, «[e]st considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité». Ces «activités économiques» englobent, selon ledit article 4, paragraphe 2, «toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées» ainsi que, notamment, l’«opération comportant l’exploitation d’un bien [...] incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence».

7. Ce même article 4 réglemente, au paragraphe 5, l’assujettissement à la TVA des organismes de droit public qui «ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, même lorsque, à l’occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions». Toutefois, le deuxième alinéa dudit paragraphe 5 précise qu’«ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non‑assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance».

B – Le droit national

8. Le système finlandais d’assistance juridique repose sur quatre textes adoptés en 2002, à savoir la loi sur l’assistance juridique (4), la loi sur les bureaux d’assistance juridique de l’État (5), le décret ministériel sur l’assistance juridique (6), et le décret ministériel sur les critères de rémunération de l’assistance juridique (7).

9. Conformément à cette réglementation, lorsqu’un individu a besoin de l’assistance d’un professionnel du droit, dans le cadre d’une procédure judiciaire ou en marge de son déroulement, mais que sa situation financière ne lui permet pas de supporter intégralement les dépenses liées à ce service, l’État garantit, sur les deniers publics, cet accès à un conseil juridique.

10. L’assistance juridique est accordée sur demande et peut être totalement gratuite ou fournie contre une rémunération partielle qui est déterminée en fonction des revenus mensuels et des actifs du demandeur (8). Cette assistance juridique «semi-gratuite» a été mise en place en 2002, étendant ainsi le bénéfice de l’aide aux individus disposant de ressources légèrement plus élevées. Le montant à la charge de l’intéressé comporte, en pareil cas, deux éléments, à savoir l’«apport de base» et l’«apport additionnel».

11. L’apport de base («perusomavastuu») oscille, en fonction des ressources du bénéficiaire, entre 0 % et 75 % des honoraires et frais courants du conseil auquel il est fait appel (9). En tout état de cause, l’assistance juridique n’est pas accordée lorsque les ressources d’une personne célibataire dépassent 1 400 euros par mois ou lorsque celles d’un couple marié excèdent 1 200 euros par personne (10).

12. L’apport additionnel («lisäomavastuu») n’est versé par le bénéficiaire de l’assistance juridique que s’il dispose d’actifs liquides ou facilement liquidables d’une valeur supérieure à 5 000 euros. Cet apport correspond à la moitié du montant de ces biens qui dépassent 5 000 euros (11).

13. En règle générale, l’assistance juridique est fournie par les conseils juridiques publics, qui sont employés par l’un des 65 bureaux d’assistance juridique existant en Finlande. Toutefois, dans le cadre d’une procédure judiciaire, il est possible de désigner un conseil juridique privé ayant donné son consentement à cet effet. Si le bénéficiaire de l’assistance juridique propose lui‑même, pour le représenter, un professionnel qui satisfait aux conditions requises, ce dernier doit être désigné, sauf si des raisons particulières s’y opposent (12).

14. Les bureaux d’assistance juridique publics sont financés majoritairement par des ressources publiques. Les montants versés par les clients à titre d’apport de base ou d’apport additionnel, selon les cas, sont inscrits en tant que recettes au budget de chaque bureau (13). Les conseils juridiques qui travaillent dans ces bureaux sont des employés publics et perçoivent un traitement de l’État.

15. Les conseils juridiques privés se voient garantir une rémunération raisonnable en contrepartie des interventions nécessaires et du temps qu’ils y consacrent, ainsi qu’une indemnisation de leurs frais. Lorsque la partie au litige a droit à l’assistance juridique gratuite, l’État paie intégralement le service. Dans le cadre de l’assistance semi‑gratuite, l’intéressé acquitte ce qui lui incombe selon la loi et l’État verse le reste.

16. Les honoraires d’un conseil juridique privé et ceux d’un bureau public sont calculés selon les mêmes critères (14). En conséquence, le montant à la charge du client est identique, quelle que soit la personne qui fournit le service.

17. La seule différence réside dans le régime de TVA, car un avocat privé, en application de la loi sur l’assistance juridique, est toujours assujetti à la TVA, alors que l’assistance juridique fournie par les employés publics, que ce soit à titre gratuit ou contre rémunération partielle, n’est pas soumise à ladite taxe (15).

III – La procédure précontentieuse

18. Le 13 octobre 2004, la Commission a adressé aux autorités finlandaises une première lettre attirant leur attention sur le traitement différent réservé, aux fins de la législation nationale en matière de TVA, à des services d’assistance juridique de même nature, selon qu’ils étaient fournis par des avocats privés ou par des juristes travaillant auprès d’un bureau public. La Commission ajoutait que, d’après les informations dont elle disposait, ce régime entraînait une distorsion de concurrence d’une certaine importance au détriment des professionnels privés.

19. Par lettre du 17 décembre 2004, les autorités finlandaises ont décrit le régime de TVA litigieux et fait valoir que, même s’il faussait la concurrence, c’était de manière négligeable, dès lors que le choix opéré par le bénéficiaire entre un conseil juridique public et un conseil juridique privé n’était pas seulement déterminé par l’assujettissement à la TVA, mais l’était également par d’autres facteurs tels que l’expérience professionnelle, les qualifications de la personne désignée ou l’importante charge de travail des bureaux publics.

20. Le 19 décembre 2005, tenant ces explications pour insuffisantes, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure à la République de Finlande, l’invitant à soumettre à la TVA les services d’assistance juridique fournis par des juristes publics dans le cadre d’une procédure judiciaire (services qui pourraient donc être prestés également par un avocat privé), pour autant que le bénéficiaire acquitte une contrepartie partielle. La Commission a estimé que, dans de tels cas, les employés de l’État n’exerçaient pas d’activités publiques pouvant être exonérées de la TVA au titre de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive, exonération qui entraînerait une distorsion de concurrence d’une certaine importance au sens dudit article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa.

21. Dans sa réponse du 16 février 2006, la République de Finlande a réitéré les arguments déjà exposés dans sa lettre de 2004, en qualifiant en outre d’artificielle la double prémisse de la Commission selon laquelle les bureaux publics d’assistance juridique agissent en tant qu’autorités publiques lorsqu’ils fournissent des conseils en marge d’une procédure judiciaire, mais pas s’ils interviennent en ce domaine, et selon laquelle ils opèrent en tant que tels lorsque leur mission d’assistance ne donne lieu à aucune rétribution, mais pas s’ils agissent en échange...

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