Hungary v Slovak Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:630
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC‑364/10
Date16 October 2012
Procedure TypeRecurso por incumplimiento - inadmisible
Celex Number62010CJ0364
62010CJ0364

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

16 octobre 2012 ( *1 )

«Manquement d’État — Article 259 TFUE — Citoyenneté de l’Union — Article 21 TFUE — Directive 2004/38/CE — Droit de circulation sur le territoire des États membres — Président de la Hongrie — Interdiction d’entrer sur le territoire de la République slovaque — Relations diplomatiques entre États membres»

Dans l’affaire C‑364/10,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 259 TFUE, introduit le 8 juillet 2010,

Hongrie, représentée par M. M. Z. Fehér et Mme E. Orgován, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République slovaque, représentée par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenue par:

Commission européenne, représentée par M. A. Tokár ainsi que par Mmes D. Maidani et S. Boelaert, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, MM. A. Tizzano (rapporteur), M. Ilešič, J. Malenovský, présidents de chambre, A. Borg Barthet, U. Lõhmus, J.-C. Bonichot, Mme C. Toader, MM. J.-J. Kasel, et M. Safjan, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er février 2012,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 mars 2012,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la Hongrie demande à la Cour de:

constater que la République slovaque a violé ses obligations au titre de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77), et de l’article 21, paragraphe 1, TFUE lorsqu’elle a, le 21 août 2009, refusé l’accès à son territoire au président de la Hongrie, M. Sólyom, en se prévalant de ladite directive, mais sans en respecter les dispositions;

déclarer qu’est contraire au droit de l’Union, et plus particulièrement aux articles 3, paragraphe 2, TUE et 21, paragraphe 1, TFUE, la position que la République slovaque a défendue jusqu’à l’introduction du présent recours, qui consiste à considérer comme conforme à la directive 2004/38 le fait d’interdire l’accès au territoire slovaque à une personne représentant la Hongrie, telle que le président de cet État, en maintenant de cette façon la possibilité d’une répétition de cette attitude illégale;

déclarer que la République slovaque a fait une application abusive du droit de l’Union lorsque ses autorités ont interdit l’accès à son territoire au président Sólyom, le 21 août 2009, et

à supposer que le champ d’application personnel de la directive 2004/38 puisse être restreint par une norme particulière de droit international, indiquer la portée et l’effet de telles dérogations.

Le cadre juridique

2

L’article 5 de la directive 2004/38 énonce, à son paragraphe 1:

«Sans préjudice des dispositions concernant les documents de voyage, applicables aux contrôles aux frontières nationales, les États membres admettent sur leur territoire le citoyen de l’Union muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité ainsi que les membres de sa famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui sont munis d’un passeport en cours de validité.

Aucun visa d’entrée ni obligation équivalente ne peuvent être imposés au citoyen de l’Union.»

3

Le chapitre VI de cette directive, qui porte le titre «Limitation du droit d’entrée et du droit de séjour pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique», contient l’article 27, dont les deux premiers paragraphes disposent:

«1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques.

2. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues.»

4

Enfin, l’article 30 de ladite directive prévoit:

«1. Toute décision prise en application de l’article 27, paragraphe 1, est notifiée par écrit à l’intéressé dans des conditions lui permettant d’en saisir le contenu et les effets.

2. Les motifs précis et complets d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique qui sont à la base d’une décision le concernant sont portés à la connaissance de l’intéressé, à moins que des motifs relevant de la sûreté de l’État ne s’y opposent.

3. La notification comporte l’indication de la juridiction ou de l’autorité administrative devant laquelle l’intéressé peut introduire un recours ainsi que du délai de recours et, le cas échéant, l’indication du délai imparti pour quitter le territoire de l’État membre. Sauf en cas d’urgence dûment justifié, ce délai ne peut être inférieur à un mois à compter de la date de notification.»

Les faits à l’origine du litige, la procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour

5

Sur invitation d’une association basée en Slovaquie, le président de la Hongrie, M. Sólyom, devait se rendre, le 21 août 2009, dans la ville slovaque de Komárno afin de participer à la cérémonie d’inauguration d’une statue de saint Étienne.

6

Il ressort du dossier soumis à la Cour que, d’une part, le 20 août est un jour de fête nationale en Hongrie, en commémoration de saint Étienne, fondateur et premier roi de l’État hongrois. D’autre part, le 21 août est une date considérée comme sensible en Slovaquie, dans la mesure où, le 21 août 1968, les forces armées de cinq pays du pacte de Varsovie, dont les troupes hongroises, ont envahi la République socialiste tchécoslovaque.

7

Après plusieurs échanges diplomatiques entre les ambassades des deux États membres au regard de la visite projetée du président de la Hongrie, le ministère des Affaires étrangères slovaque a finalement, le 21 août 2009, communiqué une note verbale à l’ambassadeur de Hongrie auprès de la République slovaque, dans laquelle il interdisait au président de la Hongrie de pénétrer sur le territoire slovaque. Cette note invoquait, pour justifier ladite interdiction, la directive 2004/38, ainsi que les dispositions de droit interne relatives, d’une part, au séjour des étrangers et, d’autre part, aux forces de police.

8

Le président Sólyom, ayant été informé des termes de ladite note alors qu’il était en route vers la République slovaque, en accusa réception à la frontière et renonça à entrer sur le territoire de cet État membre.

9

Par note du 24 août 2009, les autorités hongroises ont notamment contesté que la directive 2004/38 puisse constituer une base juridique valable pour justifier le refus de la République slovaque d’accorder au président de la Hongrie l’accès à son territoire. Elles ont également constaté que cette décision de refus n’était pas suffisamment motivée. Pour ces raisons, la République slovaque aurait adopté cette mesure en violation du droit de l’Union.

10

Lors d’une rencontre qui s’est tenue le 10 septembre 2009 à Szécsény (Hongrie), les Premiers ministres hongrois et slovaque ont adopté une déclaration commune dans laquelle ils maintenaient leurs positions respectives concernant les aspects juridiques de la décision litigieuse, tout en regrettant les circonstances du déplacement du président Sólyom. À cette même occasion, un «aide-mémoire» a été adopté en vue de clarifier pour l’avenir certaines modalités pratiques des visites officielles et non officielles dans les deux États en question.

11

Par note du 17 septembre 2009, les autorités slovaques ont répondu à la note du 24 août 2009 que, considérant les circonstances de l’incident, l’application de la directive 2004/38 était l’«ultime possibilité» d’empêcher le président de la Hongrie d’entrer sur le territoire de la République slovaque et qu’elles n’avaient aucunement agi en violation du droit de l’Union.

12

Entre-temps, le 3 septembre 2009, le ministre hongrois des Affaires étrangères a adressé une lettre au vice-président de la Commission des Communautés européennes, dans laquelle il a demandé l’avis de cette dernière sur la violation éventuelle du droit de l’Union par la République slovaque.

13

Dans sa réponse du 10 septembre 2009, le vice-président de la Commission a reconnu que, conformément à la directive 2004/38, toute restriction au droit de libre circulation devait répondre au principe de proportionnalité, qu’elle devait, en vertu de l’article 27, paragraphe 2, de cette directive, être fondée sur le comportement personnel de l’individu concerné et qu’elle devait être notifiée à l’intéressé dans les formes prescrites à l’article 30, en en expliquant les motifs de façon précise et complète. Il a également considéré que le respect de l’application des règles de ladite...

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