Société Papillon v Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:659
Date27 November 2008
Celex Number62007CJ0418
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-418/07

Affaire C-418/07

Société Papillon

contre

Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Conseil d'État (France))

«Liberté d’établissement — Fiscalité directe — Impôts sur les sociétés — Régime d’imposition de groupe — Société mère résidente — Sous-filiales résidentes détenues par l’intermédiaire d’une filiale non-résidente»

Sommaire de l'arrêt

Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Législation fiscale — Impôts sur les sociétés

(Traité CE, art. 52 (devenu, après modification, art. 43 CE))

L’article 52 du traité (devenu, après modification, article 43 CE) doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la législation d’un État membre en vertu de laquelle un régime d’imposition de groupe est accordé à une société mère résidente de cet État membre qui détient des filiales et des sous-filiales également résidentes dudit État, mais est exclu pour une telle société mère si ses sous-filiales résidentes sont détenues par l’intermédiaire d’une filiale résidente d’un autre État membre.

En effet, une telle législation génère une inégalité de traitement en raison du lieu où se trouve le siège de la filiale par l'intermédiaire de laquelle la société mère résidente détient ses sous-filiales résidentes. En tant qu’elle défavorise, sur le plan fiscal, les situations communautaires par rapport aux situations purement internes qui sont objectivement comparables au regard de l’objectif poursuivi par cette législation, celle-ci constitue donc une restriction en principe interdite par les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement.

Ladite restriction ne saurait être justifiée par la répartition de la compétence fiscale entre les États membres dès lors que la question de la prise en compte des bénéfices et des pertes des sociétés appartenant au groupe ne se pose que pour des sociétés résidentes d'un seul État membre, ce qui exclut également, a priori, un risque d'évasion fiscale.

Cette législation ne saurait en outre être justifiée par la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal. Certes, en refusant le bénéfice du régime de l’intégration fiscale à une société mère résidente qui souhaite y inclure des sous-filiales résidentes dès lors qu’elle détient ces dernières par l’intermédiaire d’une filiale non-résidente, ladite législation est de nature à garantir la cohérence dudit régime. En effet, dans l'hypothèse où la filiale est une société non-résidente, les pertes enregistrées par la sous-filiale seraient doublement prises en compte, une première fois sous la forme de pertes directes de cette dernière et une nouvelle fois sous la forme d'une provision constituée par la société mère pour dépréciation de sa participation dans ladite filiale, car les opérations internes ne seraient pas neutralisées, la filiale non-résidente ne relevant pas du régime de l'intégration fiscale. Dans une telle hypothèse, les sociétés résidentes bénéficieraient des avantages du régime de l'intégration fiscale, en termes de consolidation des résultats et de prise en compte immédiate des pertes de toutes les sociétés relevant de ce régime fiscal, sans que les pertes de la sous-filiale et les provisions de la société mère puissent faire l'objet d'une neutralisation. Partant, le lien direct existant entre les avantages fiscaux et la neutralisation des opérations internes au groupe permettant, notamment, d’éviter un double emploi de pertes au niveau des sociétés résidentes relevant du régime de l’intégration fiscale serait ainsi anéanti, ce qui affecterait la cohérence dudit régime.

Toutefois, dès lors que des mesures moins restrictives à la liberté d'établissement existent pour atteindre l'objectif consistant à garantir la cohérence du régime fiscal, une telle législation va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Tout d’abord, des difficultés pratiques, telles que la difficulté à vérifier l’existence d’un risque de double emploi de pertes lorsqu’une société non-résidente est interposée entre la société mère et ses sous-filiales, ne peuvent pas justifier à elles seules l’atteinte portée à une liberté garantie par le traité. Ensuite, les États membres peuvent solliciter des autorités compétentes des autres États membres toutes les informations susceptibles d'intéresser le calcul exact notamment de l'impôt sur les sociétés. Enfin, lorsque des sociétés mères résidentes d’un État membre sollicitent le bénéfice du régime de l’intégration fiscale avec des sous-filiales résidentes détenues par l’intermédiaire de filiales résidentes d’un autre État membre, les autorités fiscales du premier État peuvent demander à ces filiales de fournir les éléments de preuve qu’elles estiment nécessaires pour que soit pleinement assurée la transparence des provisions opérées par ces dernières. Or, la législation en cause fait obstacle, en toutes circonstances, à ce que les sociétés résidentes prouvent l'absence de double emploi de pertes dans le cadre du régime de l'intégration fiscale.

(cf. points 30-32, 39-40, 46, 48-51, 53-55, 58, 60-63 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

27 novembre 2008 (*)

«Liberté d’établissement – Fiscalité directe – Impôts sur les sociétés – Régime d’imposition de groupe – Société mère résidente – Sous-filiales résidentes détenues par l’intermédiaire d’une filiale non-résidente»

Dans l’affaire C‑418/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 10 juillet 2007, parvenue à la Cour le 12 septembre 2007, dans la procédure

Société Papillon

contre

Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts (rapporteur), président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász, G. Arestis et J. Malenovský, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 juin 2008,

considérant les observations présentées:

– pour la société Papillon, par Me G. Calisti, avocat,

– pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et J.‑C. Gracia, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement allemand, par M. C. Blaschke, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement espagnol, par M. M. Muñoz Pérez, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et C. ten Dam ainsi que par M. M. de Grave, en qualité d’agents,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et J.-P. Keppenne, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 4 septembre 2008,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société Papillon (ci-après «Papillon»), établie en France, au ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique à propos du refus de ce dernier de lui accorder le bénéfice du régime dit de l’«intégration fiscale».

Le cadre juridique

3 Dans sa version applicable aux faits du litige au principal, l’article 223 A du code général des impôts (ci-après le «CGI») dispose:

«Une société […] peut se constituer seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû sur l’ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l’exercice, directement ou indirectement par l’intermédiaire de sociétés du groupe […]. Les sociétés du groupe restent soumises à l’obligation de déclarer leurs résultats […]. Seules peuvent être membres du groupe les sociétés qui ont donné leur accord et dont les résultats sont soumis à l’impôt sur les sociétés […]»

4 La juridiction de renvoi expose que, en application de l’article 223 A du CGI, la société mère du groupe peut déterminer librement, dans son option, le périmètre de celui-ci. Ladite société mère ne peut toutefois détenir indirectement une autre société membre du groupe que par l’intermédiaire d’une société elle-même membre du groupe intégré et donc soumise à l’impôt sur les sociétés en France.

5 Aux termes de l’article 223 B du CGI, le «résultat d’ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe […]».

6 Les articles 223 B, 223 D et 223 F...

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