French Republic v Commission of the European Communities.
Jurisdiction | European Union |
ECLI | ECLI:EU:C:2002:294 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Docket Number | C-482/99 |
Date | 16 May 2002 |
Celex Number | 61999CJ0482 |
Procedure Type | Recours en annulation - fondé |
Arrêt de la Cour du 16 mai 2002. - République française contre Commission des Communautés européennes. - Aides d'État - Article 87, paragraphe 1, CE - Aides accordées par la République française à l'entreprise Stardust Marine - Décision 2000/513/CE - Ressources d'État - Imputabilité à l'État - Investisseur avisé dans une économie de marché. - Affaire C-482/99.
Recueil de jurisprudence 2002 page I-04397
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1. Aides accordées par les États - Notion - Aides provenant de ressources de l'État - Aides accordées par une entreprise publique - Ressources de l'entreprise soumises constamment au contrôle public - Inclusion
(Art. 87, § 1, CE)
2. Aides accordées par les États - Notion - Aides accordées par une entreprise publique - Entreprise contrôlée par l'État - Imputabilité à l'État de la mesure d'aide - Exclusion - Ensemble des indices à prendre en considération
(Art. 87, § 1, CE)
3. Aides accordées par les États - Notion - Appréciation selon le critère de l'investisseur privé - Prise en considération du contexte de l'époque de l'octroi du soutien financier
(Art. 87, § 1, CE)
Sommaire
1. La notion de ressources d'État, figurant à l'article 87, paragraphe 1, CE, englobe tous les moyens pécuniaires que les autorités publiques peuvent effectivement utiliser pour soutenir des entreprises, sans qu'il soit pertinent que ces moyens appartiennent ou non de manière permanente au patrimoine de l'État. En conséquence, même si les sommes correspondant à une mesure d'aides d'État sont des ressources financières d'entreprises publiques et ne sont pas de façon permanente en possession du Trésor public, le fait qu'elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu'elles soient qualifiées de ressources d'État.
Tel est le cas, lorsque l'État est parfaitement en mesure, par l'exercice de son influence dominante sur les entreprises publiques, d'orienter l'utilisation de leurs ressources pour financer, le cas échéant, des avantages spécifiques en faveur d'autres entreprises.
( voir points 37-38 )
2. La condition selon laquelle, pour qu'une mesure puisse être qualifiée d'aide d'État, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, elle doit être imputable à l'État ne peut être interprétée dans le sens que cette imputabilité est déduite de la seule circonstance que ladite mesure a été prise par une entreprise publique contrôlée par l'État. En effet, même si l'État est en mesure de contrôler une entreprise publique et d'exercer une influence dominante sur les opérations de celle-ci, l'exercice effectif de ce contrôle dans un cas concret ne saurait être automatiquement présumé. Il est ainsi nécessaire d'examiner si les autorités publiques doivent être considérées comme ayant été impliquées, d'une manière ou d'une autre, dans l'adoption de cette mesure.
À cet égard, l'imputabilité à l'État d'une mesure d'aide prise par une entreprise publique peut être déduite d'un ensemble d'indices tels que, notamment, son intégration dans les structures de l'administration publique, la nature de ses activités et l'exercice de celles-ci sur le marché dans des conditions normales de concurrence avec des opérateurs privés, le statut juridique de l'entreprise, celle-ci relevant du droit public ou du droit commun des sociétés, l'intensité de la tutelle exercée par les autorités publiques sur la gestion de l'entreprise ou tout autre indice indiquant, dans le cas concret, une implication des autorités publiques ou l'improbabilité d'une absence d'implication dans l'adoption d'une mesure, eu égard également à l'ampleur de celle-ci, à son contenu ou aux conditions qu'elle comporte.
( voir points 51-52, 55-56 )
3. Pour déterminer si l'intervention des pouvoirs publics dans le capital d'une entreprise, sous quelque forme que ce soit, peut constituer une aide étatique au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, il y a lieu d'apprécier si, dans des circonstances similaires, un investisseur privé d'une taille qui puisse être comparée à celle des organismes gérant le secteur public aurait pu être amené à procéder à des apports de capitaux de la même importance, eu égard notamment aux informations disponibles et aux évolutions prévisibles à la date desdits apports.
Pour rechercher si l'État a adopté ou non le comportement d'un investisseur avisé dans une économie de marché, il faut se replacer dans le contexte de l'époque au cours de laquelle les mesures de soutien financier ont été prises pour évaluer la rationalité économique du comportement de l'État et donc s'abstenir de toute appréciation fondée sur une situation postérieure.
( voir points 68, 70-71 )
Parties
Dans l'affaire C-482/99,
République française, représentée par Mme K. Rispal-Bellanger et M. F. Million, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Rozet et J. Flett, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
ayant pour objet l'annulation de la décision 2000/513/CE de la Commission, du 8 septembre 1999, concernant les aides accordées par la France à l'entreprise Stardust Marine (JO 2000, L 206, p. 6),
LA COUR,
composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, M. P. Jann, Mmes F. Macken et N. Colneric, et M. S. von Bahr, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, J.-P. Puissochet, J. N. Cunha Rodrigues et C. W. A. Timmermans (rapporteur), juges,
avocat général: M. F. G. Jacobs,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 10 juillet 2001,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 13 décembre 2001,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 20 décembre 1999, la République française a, en vertu de l'article 230 CE, demandé l'annulation de la décision 2000/513/CE de la Commission, du 8 septembre 1999, concernant les aides accordées par la France à l'entreprise Stardust Marine (JO 2000, L 206, p. 6, ci-après la «décision litigieuse»).
Les faits à l'origine du litige
2 La société Stardust Marine (ci-après «Stardust»), dont l'activité principale s'est développée sur le marché de la plaisance nautique, a été créée en 1989. La banque SBT-Batif (ci-après «SBT»), filiale d'Altus Finance (ci-après «Altus»), cette dernière faisant partie du groupe du Crédit Lyonnais, s'était initialement engagée à financer Stardust par des prêts et des garanties.
3 Après cinq années de forte croissance, le Crédit Lyonnais a enregistré des résultats négatifs en 1992 (- 1,8 milliard de FRF) et en 1993 (- 6,9 milliards de FRF). À l'invitation de l'Autorité de surveillance du système bancaire français, les autorités françaises ont pris, en 1994, des décisions portant soutien financier en sa faveur. Celles-ci comprenaient, d'une part, une augmentation de capital de 4,9 milliards de FRF et, d'autre part, la prise en charge des risques et des coûts liés aux engagements qui ont ensuite été transférés à une structure spécifique de cantonnement, le Consortium de réalisations (ci-après le «CDR»), filiale à 100 % du Crédit Lyonnais, qui a été créée en 1995 dans le cadre d'une opération dite «de défaisance». Le CDR a acheté pour presque 190 milliards de FRF d'actifs du Crédit Lyonnais. Conformément au plan de restructuration, tous les actifs concernés devaient être cédés ou liquidés.
4 Stardust, contrôlée depuis 1994 par le Crédit Lyonnais par l'intermédiaire d'Altus à la suite d'une augmentation de capital de 44,3 millions de FRF, qui avait été souscrite par Altus en octobre 1994, par compensation de créances, a fait partie des actifs du Crédit Lyonnais qui ont été transférés au CDR dans le cadre du plan de défaisance de 1995, en raison de ses faibles résultats et des pertes prévisibles qu'elle pouvait générer. En tant que filiale du CDR, Stardust a fait partie du groupe du Crédit Lyonnais après 1995 et jusqu'à la privatisation de celui-ci, puisque le CDR est resté jusqu'à la fin de l'année 1998 une filiale à 100 % du Crédit Lyonnais, non consolidée. La direction du Crédit Lyonnais a toutefois cessé d'avoir un rôle direct dans la gestion de Stardust après son transfert au CDR, en raison de la séparation totale de gestion entre ce dernier et le Crédit Lyonnais, conformément à la décision 95/547/CE de la Commission, du 26 juillet 1995, portant approbation conditionnée de l'aide accordée par la France à la banque Crédit Lyonnais (JO L 308, p. 92).
5 Le CDR a procédé à des augmentations du capital de Stardust en trois étapes. Une première augmentation de capital, pour un montant total de 112 millions de FRF, a eu lieu en avril 1995. Une deuxième augmentation, de 250,5 millions de FRF, a été décidée à l'issue d'une assemblée générale extraordinaire tenue le 26 juin 1996 et elle a été effectuée en deux paiements intervenus, respectivement, en juin 1996 (pour les deux tiers de ladite somme) et en mars 1997 (pour le tiers restant). Enfin, une troisième augmentation de capital a été réalisée à l'issue de l'assemblée générale extraordinaire du 5 juin 1997, pour un montant de 89 millions de FRF.
6 À la suite de la dernière opération de recapitalisation en juin 1997, le CDR a vendu sa participation dans Stardust (soit 99,90 % du capital de celle-ci) à l'entreprise FG Marine pour un montant de 2 millions de FRF.
La procédure devant la Commission et la décision litigieuse
7 Le 20 juin 1997, la Commission a reçu une plainte dirigée contre la République française et concernant plusieurs recapitalisations de Stardust par l'État ainsi que les conditions dans lesquelles cette dernière avait été cédée par le CDR à la société FG Marine.
8 Le 2 juillet 1997, la Commission a adressé une lettre...
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