Commission of the European Communities v French Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:401
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-255/04
Date15 June 2006
Procedure TypeRecurso por incumplimiento - fundado
Celex Number62004CJ0255

Affaire C-255/04

Commission des Communautés européennes

contre

République française

«Recevabilité — Discordance entre les motifs et les conclusions de la requête introductive d'instance — Règle selon laquelle une juridiction ne peut statuer ultra petita — Article 49 CE — Réglementation nationale soumettant l'octroi d'une licence aux besoins du marché — Réglementation nationale instaurant une présomption de salariat — Renversement de la charge de la preuve — Pas de 'modalité procédurale' au sens de la jurisprudence Peterbroeck — Protection sociale — Coordination de la législation applicable par le règlement (CEE) nº 1408/71 — Préemption — Lutte contre le travail dissimulé»

Arrêt de la Cour (première chambre) du 15 juin 2006

Sommaire de l'arrêt

1. Recours en manquement — Requête introductive d'instance — Énoncé des griefs et moyens — Exigences de forme

(Art. 226 CE; statut de la Cour de justice, art. 21; règlement de procédure de la Cour, art. 38, § 1, c))

2. Libre circulation des personnes — Libre prestation des services — Restrictions

(Art. 49 CE)

3. Libre circulation des personnes — Libre prestation des services — Restrictions

(Art. 49 CE)

1. En vertu de l'article 21 du statut de la Cour de justice et de l'article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, il incombe à la Commission d'indiquer, dans les conclusions de la requête déposée au titre de l'article 226 CE, les griefs précis sur lesquels la Cour est appelée à se prononcer. Ces conclusions doivent être formulées de manière non équivoque afin d'éviter que la Cour ne statue ultra petita ou bien omette de statuer sur un grief.

(cf. point 24)

2. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 49 CE un État membre soumettant l'octroi d'une licence aux agents de placement des artistes établis dans un autre État membre aux besoins de placement des artistes, pour autant qu'il ne fournit aucune raison susceptible de justifier cette entrave.

(cf. points 29, 55 et disp.)

3. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 49 CE un État membre imposant une présomption de salariat aux artistes qui sont des prestataires de services établis dans leur État membre d'origine où ils fournissent habituellement des services analogues, présomption qui implique la soumission au régime de sécurité sociale des travailleurs salariés ainsi qu'à celui des congés payés.

La protection sociale des prestataires de services peut, en principe, relever des raisons impérieuses d'intérêt général susceptibles de justifier une restriction à la libre prestation de services. La législation applicable en matière de sécurité sociale desdits prestataires fait toutefois l'objet d'une coordination communautaire, selon laquelle les artistes en question bénéficient de la sécurité sociale que prévoit leur État membre d'origine, de sorte que l'État membre en cause n'est pas fondé à les soumettre à son propre régime de sécurité sociale. Quant à un droit à des congés payés pour des prestataires de services, il est difficile à concilier avec le concept d'une activité à titre indépendant.

Par ailleurs, la mesure en cause ne peut être justifiée par l'objectif de lutte contre le travail dissimulé, dans la mesure où la circonstance que les artistes sont normalement engagés de manière intermittante et pour de courtes périodes par différents organisateurs de spectacles ne saurait, à elle seule, fonder un soupçon général de travail dissimulé. Il en est d'autant plus ainsi que les artistes en question sont reconnus comme prestataires de services établis dans leur État membre d'origine où ils fournissent habituellement des services analogues.

(cf. points 45, 47-49, 51-52, 55 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

15 juin 2006 (*)

«Recevabilité – Discordance entre les motifs et les conclusions de la requête introductive d’instance – Règle selon laquelle une juridiction ne peut statuer ultra petita – Article 49 CE – Réglementation nationale soumettant l’octroi d’une licence aux besoins du marché – Réglementation nationale instaurant une présomption de salariat – Renversement de la charge de la preuve – Pas de ‘modalité procédurale’ au sens de la jurisprudence Peterbroeck – Protection sociale – Coordination de la législation applicable par le règlement (CEE) n°1408/71 – Préemption – Lutte contre le travail dissimulé»

Dans l’affaire C-255/04,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 14 juin 2004,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme A.‑M. Rouchaud-Joët et M. E. Traversa, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République française, représentée par M. G. de Bergues et Mme A. Hare, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann (rapporteur), président de chambre, Mme N. Colneric, MM. J. N. Cunha Rodrigues, M. Ilešič et E. Levits, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que:

– en soumettant l’octroi d’une licence à une agence de placement des artistes établie dans un autre État membre au critère de l’intérêt de l’activité de l’agence au regard des besoins de placement des artistes,

– en imposant la présomption de salariat à un artiste qui est reconnu comme prestataire de services établi dans son État membre d’origine où il fournit habituellement des services analogues,

la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 43 CE et 49 CE.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2 La présente affaire soulève, outre celle de l’application de l’article 49 CE, des questions concernant la réglementation communautaire en matière de sécurité sociale.

3 L’article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998 (JO L 209, p. 1, ci-après le «règlement n° 1408/71») prévoit:

«Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent:

a) les prestations de maladie et de maternité;

b) les prestations d’invalidité, y compris celles qui sont destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain;

c) les prestations de vieillesse;

d) les prestations de survivants;

e) les prestations d’accident du travail et de maladie professionnelle;

f) les allocations de décès;

g) les prestations de chômage;

h) les prestations familiales».

4 L’article 13, paragraphe 1, du même règlement dispose:

«[…] les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre.»

5 En vertu de l’article 14 bis, point 1, sous a), du règlement n° 1408/71, une «personne qui exerce normalement une activité non salariée sur le territoire d’un État membre et qui effectue un travail sur le territoire d’un autre État membre demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas douze mois».

La réglementation nationale

6 La réglementation française en cause en l’espèce concerne, d’une part, l’activité de placement des artistes et, d’autre part, l’activité d’artiste.

Le régime français régissant l’activité de placement des artistes

– La soumission de l’octroi d’une licence aux besoins du marché

7 L’article L. 762-3 du code du travail [loi n° 73-4, du 2 janvier 1973 (JORF du 3 janvier 1973, p. 52)], dans sa version applicable au terme du délai imparti dans l’avis motivé, dispose:

«Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’attribution, de renouvellement et de retrait de la licence d’agent artistique.

Ces conditions concernent la moralité de l’agent artistique, les modalités d’exercice de son activité et l’intérêt de celle-ci au regard des besoins de placement des artistes du spectacle.»

8 À cet effet, l’article R. 762-6 du code du travail, dans sa version applicable au terme du délai imparti dans l’avis motivé, prévoit que «tous documents et renseignements sur la personnalité, la moralité et les activités professionnelles des intéressés, sur les conditions particulières dans lesquelles ceux-ci exerceront ou ont exercé l’activité d’agent artistique ainsi que sur les besoins de placement des artistes du spectacle, sont communiqués aux membres de la commission [consultative créée auprès du ministre...

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