Marcello Costa (C-72/10) and Ugo Cifone (C-77/10).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:80
Date16 February 2012
Celex Number62010CJ0072
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑72/10,C‑77/10
62010CJ0072

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

16 février 2012 ( *1 )

«Liberté d’établissement — Libre prestation des services — Jeux de hasard — Collecte de paris sur des événements sportifs — Exigence d’une concession — Conséquences à tirer d’une violation du droit de l’Union dans l’attribution des concessions — Attribution de 16300 concessions additionnelles — Principe d’égalité de traitement et obligation de transparence — Principe de sécurité juridique — Protection des titulaires des concessions antérieures — Réglementation nationale — Distances minimales obligatoires entre points de collecte de paris — Admissibilité — Activités transfrontalières assimilables à celles faisant l’objet de la concession — Interdiction par la réglementation nationale — Admissibilité»

Dans les affaires jointes C-72/10 et C-77/10,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par la Corte suprema di cassazione (Italie), par décisions du 10 novembre 2009, parvenues à la Cour le 9 février 2010, dans les procédures pénales contre

Marcello Costa (C-72/10),

Ugo Cifone (C-77/10),

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, MM. K. Schiemann (rapporteur), L. Bay Larsen, Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 juin 2011,

considérant les observations présentées:

pour M. Costa, par Me D. Agnello, avvocatessa,

pour M. Cifone, par Mes D. Agnello, R. Jacchia, A. Terranova, F. Ferraro, A. Aversa, A. Piccinini, F. Donati et A. Dossena avvocati,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. F. Arena, avvocato dello Stato,

pour le gouvernement belge, par Mmes L. Van den Broeck et M. Jacobs, en qualité d’agents, assistées de Me P. Vlaemminck, advocaat, et Me A. Hubert, avocat,

pour le gouvernement espagnol, par M. F. Diéz Moreno, en qualité d’agent,

pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et P. Mateus Calado, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. E. Traversa et Mme S. La Pergola, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 octobre 2011,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation des articles 43 CE et 49 CE.

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de procédures pénales engagées contre MM. Costa et Cifone, gérants de centres de transmission de données (ci-après les «CTD») contractuellement liés à la société de droit anglais Stanley International Betting Ltd (ci-après «Stanley»), pour non-respect de la législation italienne régissant la collecte de paris, notamment du décret royal no 773, portant approbation du texte unique des lois en matière de sécurité publique (Regio decreto no 773 — Testo unico delle leggi di pubblica sicurezza), du 18 juin 1931 (GURI no 146, du 26 juin 1931), tel que modifié par l’article 37, paragraphe 4, de la loi no 388, du 23 décembre 2000 (supplément ordinaire à la GURI no 302, du 29 décembre 2000, ci-après le «décret royal»). Lesdites demandes s’insèrent dans des cadres juridiques et factuels semblables à ceux ayant donné lieu aux arrêts du 21 octobre 1999, Zenatti (C-67/98, Rec. p. I-7289); du 6 novembre 2003, Gambelli e.a. (C-243/01, Rec. p. I-13031); du 6 mars 2007, Placanica e.a. (C-338/04, C-359/04 et C-360/04, Rec. p. I-1891), ainsi que du 13 septembre 2007, Commission/Italie (C-260/04, Rec. p. I-7083).

Le cadre juridique

3

La législation italienne prescrit, en substance, que l’exercice des activités de collecte et de gestion des paris suppose l’obtention d’une concession sur appel d’offres et d’une autorisation de police. Toute infraction à cette législation est passible de sanctions pénales.

Les concessions

4

Jusqu’aux modifications de la législation applicable intervenues en 2002, les opérateurs constitués sous la forme de sociétés de capitaux dont les actions sont cotées sur les marchés réglementés ne pouvaient se voir attribuer une concession pour les jeux de hasard. Ces opérateurs étaient par conséquent exclus des appels d’offres en vue de l’attribution de concessions qui ont eu lieu en 1999. L’illégalité de cette exclusion au regard des articles 43 CE et 49 CE a été constatée notamment dans l’arrêt Placanica e.a., précité.

5

Le décret-loi no 223, du 4 juillet 2006, portant dispositions urgentes pour la relance économique et sociale, pour la maîtrise et la rationalisation des dépenses publiques, et interventions en matière de recettes fiscales et de lutte contre la fraude fiscale, converti par la loi no 248, du 4 août 2006 (GURI no 18, du 11 août 2006, ci-après le «décret Bersani»), a procédé à une réforme du secteur des jeux en Italie, destinée à assurer sa mise en conformité avec les exigences découlant du droit de l’Union.

6

L’article 38 du décret Bersani, intitulé «Mesures de lutte contre le jeu illégal», prévoit, à son paragraphe 1, l’adoption, avant le 31 décembre 2006, d’une série de dispositions «en vue de lutter contre la diffusion du jeu irrégulier et illégal et contre l’évasion et la fraude fiscales dans le secteur du jeu, ainsi que de garantir la protection des joueurs».

7

L’article 38, paragraphes 2 et 4, du décret Bersani établit les nouvelles modalités de distribution des jeux de hasard afférents, d’une part, aux événements autres que les courses de chevaux et, d’autre part, aux courses de chevaux. En particulier:

il est prévu d’ouvrir au moins 7000 nouveaux points de vente pour les jeux de hasard afférents aux événements autres que les courses de chevaux et au moins 10000 nouveaux points de vente pour les jeux de hasard afférents aux courses de chevaux;

le nombre maximal de points de vente par commune est fixé en fonction du nombre d’habitants et en tenant compte des points de vente pour lesquels une concession a déjà été accordée à la suite de l’appel d’offres de 1999;

les nouveaux points de vente doivent respecter une distance minimale par rapport à ceux pour lesquels une concession a déjà été accordée à la suite de l’appel d’offres de 1999;

l’administration autonome des monopoles de l’État (ci-après l’«AAMS»), agissant sous la tutelle du ministère de l’Économie et des Finances, est chargée de la «définition des modalités de protection» des titulaires de concessions accordées à la suite de l’appel d’offres de 1999.

Les autorisations de police

8

Le système de concessions est lié à un système de contrôles de sécurité publique régi par le décret royal. En vertu de l’article 88 de celui-ci, une autorisation de police peut être accordée exclusivement à ceux qui détiennent une concession ou une autorisation d’un ministère ou d’une autre entité à laquelle la loi réserve la faculté d’organiser ou d’exploiter des paris.

Les sanctions pénales

9

Le fait d’organiser des jeux, y compris par voie télématique ou téléphonique, sans être titulaire de la concession ou de l’autorisation de police obligatoires constitue en Italie un délit pénal passible d’une peine de détention pouvant atteindre trois années en vertu de l’article 4 de la loi no 401, du 13 décembre 1989, portant intervention dans le secteur du jeu et des paris clandestins et protection du bon déroulement des compétitions sportives (GURI no 294, du 18 décembre 1989), telle que modifiée par l’article 37, paragraphe 5, de la loi no 388, du 23 décembre 2000 (supplément ordinaire à la GURI no 302, du 29 décembre 2000, ci-après la «loi no 401/89»).

Les litiges au principal et la question préjudicielle

Stanley et sa situation en Italie

10

Stanley est autorisée à opérer comme collecteur de paris au Royaume-Uni en vertu d’une licence délivrée par les autorités de Liverpool. Stanley accepte des paris à cote fixe sur de larges gammes d’événements, sportifs et non sportifs, nationaux et internationaux.

11

Stanley opère en Italie par l’intermédiaire de plus de 200 agences, sous forme de CTD. Les CTD sont des locaux ouverts au public dans lesquels des parieurs peuvent conclure des paris sportifs par voie télématique en accédant à un serveur de Stanley situé au Royaume-Uni ou dans un autre État membre, payer leurs mises et, le cas échéant, percevoir leurs gains. Les CTD sont gérés par des opérateurs indépendants liés contractuellement à Stanley. Stanley opère en Italie exclusivement par l’intermédiaire de ces points physiques de vente au détail et n’est dès lors pas un opérateur de jeux de hasard par Internet.

12

Il est constant que, eu égard au mode opérationnel de Stanley, c’est en principe à Stanley qu’incombe l’obligation d’obtenir une concession pour l’exercice des activités de collecte et de gestion des paris en Italie, ce qui permettrait aux CTD d’exercer leurs activités.

13

Stanley, qui faisait partie d’un groupe coté sur les marchés réglementés, a été exclue, en violation du droit de l’Union, de l’appel d’offres ayant abouti à l’attribution, en 1999, de 1000 concessions pour la commercialisation de paris sur des compétitions sportives autres que les courses de chevaux, valables pour une période de six années et renouvelables pour six autres années.

14

Les dispositions du décret Bersani ont été mises en œuvre par des procédures d’appel d’offres lancées par l’AAMS au cours de l’année 2006. Le 28 août 2006, deux avis de marché ont été publiés...

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