Bayer AG v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:T:2000:242
CourtGeneral Court (European Union)
Docket NumberT-41/96
Date26 October 2000
Celex Number61996TJ0041
Procedure TypeRecours en annulation - fondé
EUR-Lex - 61996A0041 - FR 61996A0041

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre élargie) du 26 octobre 2000. - Bayer AG contre Commission des Communautés européennes. - Concurrence - Importations parallèles - Article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) - Notion d'accord entre entreprises - Preuve de l'existence d'un accord - Marché de produits pharmaceutiques. - Affaire T-41/96.

Recueil de jurisprudence 2000 page II-03383


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1 Concurrence - Ententes - Accords entre entreprises - Notion - Comportements bilatéraux ou multilatéraux - Inclusion - Comportement unilatéral - Exclusion - Comportement apparemment unilatéral - Nécessité de la preuve d'un acquiescement des autres entreprises à ce comportement

[Traité CE, art. 85, § 1 (devenu art. 81, § 1, CE)]

2 Concurrence - Ententes - Accords entre entreprises - Notion - Concours de volontés quant au comportement à adopter sur le marché - Inclusion - Forme de l'expression des volontés - Absence d'incidence

[Traité CE, art. 85, § 1 (devenu art. 81, § 1, CE)]

3 Concurrence - Ententes - Accords entre entreprises - Preuve de l'existence d'un accord - Existence d'une concordance des volontés

[Traité CE, art. 85, § 1 (devenu art. 81, § 1, CE)]

4 Concurrence - Règles communautaires - Champ d'application matériel - Comportement affectant le commerce intracommunautaire mais non constitutif d'une entente ou d'un abus de position dominante - Exclusion

[Traité CE, art. 85, § 1, et 86 (devenus art. 81, § 1, CE et 82 CE)]

Sommaire

1 Il ressort des termes mêmes de l'article 85, paragraphe 1, premier alinéa, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, premier alinéa, CE) que l'interdiction qu'il proclame concerne exclusivement des comportements coordonnés bilatéralement ou multilatéralement, sous forme d'accords entre entreprises, de décisions d'associations d'entreprises ou de pratiques concertées. Ainsi, si une décision de la part d'une entreprise constitue un comportement unilatéral de celle-ci, cette décision échappe à l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

Un comportement apparemment unilatéral de la part d'une entreprise, adopté dans le cadre des relations contractuelles qu'elle entretient avec ses partenaires commerciaux, peut être, en réalité, à l'origine d'un accord entre entreprises, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, si l'acquiescement, exprès ou tacite, de ces partenaires à l'attitude adoptée par l'entreprise est établi.

Il convient donc de distinguer les hypothèses où une entreprise a adopté une mesure véritablement unilatérale et donc sans la participation expresse ou tacite d'une autre entreprise de celles où le caractère unilatéral est uniquement apparent. Si les premières ne relèvent pas de l'article 85, paragraphe 1, du traité, les secondes doivent être considérées comme révélant un accord entre entreprises et peuvent rentrer, dès lors, dans le champ d'application de cet article. Tel est le cas, notamment, des pratiques et mesures restrictives de la concurrence qui, adoptées apparemment de façon unilatérale par le fabricant dans le cadre de ses relations contractuelles avec ses revendeurs, reçoivent toutefois l'acquiescement, au moins tacite, de ces derniers.

La Commission ne peut estimer qu'un comportement apparemment unilatéral de la part d'un fabricant, adopté dans le cadre des relations contractuelles qu'il entretient avec ses revendeurs, est en réalité à l'origine d'un accord entre entreprises, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, si elle n'établit pas l'existence d'un acquiescement, exprès ou tacite, de la part des autres partenaires, à l'attitude adoptée par le fabricant. (voir points 64, 66, 71-72, 111)

2 Pour qu'il y ait accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE), il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée. En ce qui concerne la forme d'expression de cette volonté commune, il suffit qu'une stipulation soit l'expression de la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément à ses termes, sans qu'il soit nécessaire qu'elle constitue un contrat obligatoire et valide selon le droit national. Il s'ensuit que la notion d'accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité est axée sur l'existence d'une concordance de volontés entre deux parties au moins, dont la forme de manifestation n'est pas importante pour autant qu'elle constitue l'expression fidèle de celles-ci. (voir points 67-69)

3 La preuve d'un accord entre entreprises au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (devenu l'article 81, paragraphe 1, CE) doit reposer sur la constatation directe ou indirecte de l'élément subjectif qui caractérise la notion même d'accord, c'est-à-dire d'une concordance de volontés entre opérateurs économiques sur la mise en pratique d'une politique, de la recherche d'un objectif ou de l'adoption d'un comportement déterminé sur le marché, abstraction faite de la manière dont est exprimée la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément aux termes dudit accord. La Commission méconnaît ladite notion de concordance de volontés en estimant que la poursuite par des grossistes de leurs relations commerciales avec un fabricant lorsque celui-ci adopte une nouvelle politique, qu'il met en pratique unilatéralement, équivaut à un acquiescement desdits grossistes à celle-ci, alors que leur comportement de facto est clairement contraire à ladite politique. (voir point 173)

4 Une entreprise ne peut être sanctionnée au titre du droit communautaire de la concurrence qu'à la suite d'une infraction de sa part aux interdictions contenues dans les articles 85, paragraphe 1, ou 86 du traité (devenus articles 81, paragraphe 1, CE et 82 CE). Or, l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 1, repose sur plusieurs conditions: a) qu'il existe un accord entre au moins deux entreprises ou un cas de figure similaire comme une décision d'association d'entreprises ou une pratique concertée entre entreprises, b) que ceux-ci soient susceptibles d'affecter le commerce intracommunautaire et c) qu'ils aient pour objet ou pour effet la restriction sensible de la concurrence. Il s'ensuit que, dans le cadre de cet article, les effets du comportement d'une entreprise sur la concurrence à l'intérieur du marché commun ne peuvent être examinés que lorsque l'existence d'un accord, d'une décision d'association d'entreprises ou d'une pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, est déjà établie. Il en découle que l'objectif de cette disposition n'est pas d'«éliminer» de manière tout à fait générale les obstacles au commerce intracommunautaire; il est plus limité, car seuls les obstacles à la concurrence mis en place par une volonté conjointe entre au moins deux parties sont interdits par cette disposition.

Eu égard à ce qui précède, le droit d'un fabricant se trouvant face à un événement nuisible à ses intérêts, tel que des importations parallèles, de mettre en place la solution qui lui paraît la meilleure n'est conditionné par les dispositions du traité en matière de concurrence qu'au respect des interdictions visées aux articles 85 et 86 du traité. Partant, pourvu qu'il le fasse en n'abusant pas d'une position dominante, en l'absence de toute concordance de volontés avec ses grossistes, un fabricant peut adopter la politique de livraisons qu'il estime nécessaire, même si, par la nature même de son objectif, tel celui d'entraver des importations parallèles, la mise en pratique de cette politique peut comporter des restrictions de concurrence et affecter les échanges entre États membres. (voir points 174, 176)

Parties

Dans l'affaire T-41/96,

Bayer AG, établie à Leverkusen (Allemagne), représentée par Me J. Sedemund, avocat à Cologne, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me A. May, 398, route d'Esch,

partie requérante,

soutenue par

European Federation of Pharmaceutical Industries' Associations, établie à Genève (Suisse), représentée initialement par M. C. Walker, puis par M. T. Woodgate, solicitors, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me A. May, 398, route d'Esch,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. W. Wils et K. Wiedner, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Bundesverband der Arzneimittel-Importeure eV, établi à Mülheim an der Ruhr (Allemagne), représenté par Mes W. A. Rehmann et U. Zinsmeister, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Bonn et Schmitt, 7, Val Sainte-Croix,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 96/478/CE de la Commission, du 10 janvier 1996, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/34.279/F3 - Adalat) (JO L 201, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

(cinquième chambre élargie),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas, Mme P. Lindh, MM. J. Pirrung et M. Vilaras, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 28 octobre 1999,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Faits à l'origine du litige

1 La requérante, Bayer AG (ci-après «Bayer» ou le «groupe Bayer»), est la société mère d'un des principaux groupes chimiques et pharmaceutiques européens et est présente dans tous les États membres de la Communauté par la voie de ses filiales nationales. Elle produit et commercialise depuis de nombreuses années, sous la marque «Adalat» ou «Adalate», une gamme de médicaments dont...

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