Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio v Compañía Española de Petróleos SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:473
Date13 July 2006
Celex Number62005CC0217
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-217/05

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 13 juillet 2006 (1)

Affaire C-217/05

Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio

contre

Compañía Española de Petróleos SA

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Supremo (Espagne)]

«Concurrence – Article 81 CE – Accords de stations-service – Contrats de commission et/ou d’agence commerciale entre les exploitants de stations-service et les entreprises pétrolières – Prix imposés aux exploitants de stations-service – Distinction entre vrais et faux agents commerciaux – Règlements (CEE) n° 1984/83 et (CE) n° 2790/1999»





I – Introduction

1. La question sous-jacente à cette procédure de renvoi préjudiciel est de savoir si et dans quelles conditions une entreprise pétrolière peut fixer aux stations-service qu’elle fournit les prix pour la vente de carburants au consommateur final. De telles fixations de prix sont prévues dans des accords que l’entreprise pétrolière espagnole Compañía Española de Petróleos SA (CEPSA) a conclus avec des exploitants de stations-service, ces accords étant dénommés contrats de commission et/ou d’agence commerciale. La Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio (fédération espagnole des exploitants de stations-service, ci-après la «Confederación») considère que cette pratique est anticoncurrentielle et a introduit un recours contre celle-ci en Espagne.

2. À la suite de la récente décision de la Commission des Communautés européennes dans l’affaire Repsol (2), les relations juridiques existant entre une entreprise pétrolière espagnole et les stations-service qu’elle fournit sont une nouvelle fois soumises à l’examen au regard du droit de la concurrence. Par ailleurs, en Espagne, les autorités et juridictions chargées en droit interne des questions de concurrence ont déjà été saisies à plusieurs reprises de cette question, ce qui a conduit aux résultats les plus divers.

II – Cadre juridique

A – En droit communautaire

3. Au niveau du droit primaire, il convient de faire référence à l’article 81 CE qui énonce:

«1. Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à:

a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction;

b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements;

[…]

2. Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls de plein droit.

3. Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables:

– à tout accord ou catégorie d’accords entre entreprises,

– à toute décision ou catégorie de décisions d’associations d’entreprises,

et

– à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées

qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans:

a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs;

b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d’éliminer la concurrence.»

4. En droit dérivé, deux règlements d’exemption par catégories sont pertinents: le règlement (CEE) n° 1984/83 de la Commission, du 22 juin 1983, concernant l’application de l’article 85 paragraphe 3 du traité CE (3) à des catégories d’accords d’achat exclusif (4), et le règlement (CE) nº 2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées (5).

5. Le règlement n° 1984/83 était en vigueur jusqu’au 31 décembre 1999 (6). Sous son titre III «Dispositions particulières applicables à des accords de stations-service», il était prévu notamment ce qui suit:

«Article 10

Conformément à l’article 85 paragraphe 3 du traité et aux conditions énoncées aux articles 11 à 13 du présent règlement, l’article 85 paragraphe 1 dudit traité est déclaré inapplicable aux accords auxquels ne participent que deux entreprises et dans lesquels l’une, le revendeur, s’engage vis-à-vis de l’autre, le fournisseur, en contrepartie de l’octroi d’avantages économiques ou financiers, à n’acheter qu’à celui-ci, à une entreprise liée à lui ou à une entreprise tierce qu’il a chargée de la distribution de ses produits, dans le but de la revente dans une station‑service désignée dans l’accord, certains carburants pour véhicules à moteur à base de produits pétroliers ou certains carburants pour véhicules à moteur et combustibles à base de produits pétroliers spécifiés à l’accord.

Article 11

Outre l’obligation énoncée à l’article 10, il ne peut être imposé au revendeur aucune autre restriction de concurrence que

a) l’obligation de ne pas revendre dans la station‑service désignée dans l’accord des carburants pour véhicules à moteur ou des combustibles fournis par des entreprises tierces;

b) l’obligation de ne pas utiliser dans la station‑service désignée dans l’accord des lubrifiants ou des produits pétroliers connexes offerts par des entreprises tierces, lorsque le fournisseur ou une entreprise liée à lui ont mis à la disposition du revendeur, ou financé, un équipement de vidange d’huiles ou d’autres installations de graissage de véhicules à moteur;

c) l’obligation de ne faire de la publicité pour les produits livrés par des entreprises tierces, à l’intérieur et à l’extérieur de la station‑service, qu’en proportion de la part que ces produits représentent dans le chiffre d’affaires total de la station‑service;

d) l’obligation de ne laisser surveiller que par le fournisseur, ou une entreprise désignée par lui, les installations de dépôt ou de distribution de produits pétroliers qui sont sa propriété, ou qui ont été financées par le fournisseur ou une entreprise qui lui est liée.

Article 12

1. L’article 10 n’est pas applicable lorsque

a) le fournisseur, ou une entreprise liée à lui, imposent au revendeur des obligations d’achat exclusif portant sur d’autres produits que les carburants pour véhicules à moteurs ou les combustibles ou sur des services, à moins qu’il ne s’agisse d’obligations imposées par l’article 11 sous b) et d);

b) le fournisseur restreint la liberté du revendeur d’acheter à une entreprise de son choix des biens ou des services qui, selon les dispositions du présent titre, ne peuvent faire l’objet ni d’une obligation d’achat exclusif ni d’une interdiction de concurrence;

c) l’accord est conclu pour une durée indéterminée ou pour plus de dix ans;

d) le fournisseur oblige le revendeur à imposer à son successeur un engagement d’achat exclusif pour une durée excédant celle à laquelle lui-même est encore tenu vis-à-vis du fournisseur.

2. Par dérogation au paragraphe 1 sous c), lorsque l’accord concerne une station‑service que le fournisseur a donnée en location au revendeur, ou dont il lui a accordé la jouissance en droit ou en fait, les obligations d’achat exclusif et les interdictions de concurrence visées par le présent titre peuvent être imposées au revendeur pendant toute la période pendant laquelle il exploite effectivement la station‑service.»

6. Le règlement n° 1984/83 et d’autres réglementations d’exemption par catégories existant à l’époque ont été abrogés au 1er juin 2000 par le règlement n° 2790/1999 qui, pour certains accords verticaux (7), a introduit (8) une règle générale d’exemption par catégories en vigueur jusqu’au 31 mai 2010, dans la mesure où ces accords tombent sous le coup de l’article 81 CE et contiennent des restrictions (9) verticales à la concurrence (ci‑après la «nouvelle réglementation sur les exemptions par catégories»).

7. Selon l’article 3 du règlement n° 2790/1999, la nouvelle réglementation sur les exemptions par catégories s’applique à condition que la part du marché détenue par le fournisseur ne dépasse pas 30 % du marché pertinent. En outre, l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 2790/1999 prévoit que la nouvelle réglementation sur les exemptions par catégories ne s’applique pas aux accords verticaux qui ont pour objet la restriction de la capacité de l’acheteur de déterminer son prix de vente.

B – Droit national

8. En ce qui concerne le droit espagnol, il y a lieu de faire référence à la loi n° 16/1989, du 17 juillet 1989, sur la protection de la concurrence (Ley de Defensa de la Compentencia) (10) dont l’article 1er, paragraphe 1, prévoit une définition des «pratiques interdites» qui s’inspire dans une grande mesure de l’article 81, paragraphe 1, CE et énonce:

«L’ensemble des accords, décisions, recommandations communes ou pratiques concertées ou parallèles qui ont pour objectif, pour effet ou qui peuvent avoir pour effet de restreindre, limiter ou fausser la concurrence sur la totalité ou une partie du marché national sont interdits, et en particulier

A) La fixation directe ou indirecte de prix ou d’autres conditions infligées au commerce ou aux services;

[…]»

9. Pour mettre en œuvre la loi sur la protection de la concurrence, un décret royal, le Real Decreto n° 157/1992 a été adopté le 21 février 1992 (11). L’article 1er, paragraphe 1, prévoyait sous le titre «Exemptions par catégories»:

«Conformément à l’article 5, paragraphe 1, sous A), de la loi sur la protection de la concurrence, sont autorisés les accords auxquels ne participent que deux entreprises et qui, se rattachant à l’une des catégories suivantes, affectent uniquement le marché national et réunissent les conditions énoncées ci-après pour...

To continue reading

Request your trial
4 practice notes
  • Evroetil AD v Direktor na Agentsia "Mitnitsi".
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 December 2011
    ...for a preliminary ruling in order to enable it to deliver judgment and the relevance of the questions which it submits to the Court (Case C‑217/05 Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio [2006] ECR I‑11987, paragraph 16 and case-law cited). 34 Where questions submitt......
  • FNV Kunsten Informatie en Media v Staat der Nederlanden.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 4 December 2014
    ...su actividad como operadores económicos independientes (véase la sentencia Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio, C‑217/05, EU:C:2006:784, apartado 28 De ello se deduce que, tal como señalaron asimismo el Abogado General en el punto 32 de sus conclusiones y la NMa ......
  • ING Pensii, Societate de Administrare a unui Fond de Pensii Administrat Privat SA v Consiliul Concurenței.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 23 April 2015
    ...las sentencias Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), apartados 12 a 22; Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio (C‑217/05, EU:C:2006:784), apartados 13 a 23; ETI y otros (C‑280/06, EU:C:2007:775), apartados 19 a 29, y Allianz Hungária Biztosító y otros (C‑32/11, EU:C:2013......
  • Teresa Cicala v Regione Siciliana.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 December 2011
    ...Poseidon Chartering, précité, point 17, ainsi que du 14 décembre 2006, Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio, C‑217/05, Rec. p. I‑11987, point 22). 20 En l’espèce, il est constant que le litige au principal porte sur des dispositions du droit national qui s’appliqu......
37 cases

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT