Opinion of Advocate General Bot delivered on 7 March 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:171
Date07 March 2018
Celex Number62017CC0246
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-246/17
62017CC0246

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 7 mars 2018 ( 1 )

Affaire C‑246/17

Ibrahima Diallo

contre

État belge

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Droits des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire d’un État membre – Demande de carte de séjour en tant que membre de la famille – Directive 2004/38/CE – Article 10, paragraphe 1 – Délai de six mois – Adoption et notification de la décision – Conséquences du non-respect du délai – Interruption et suspension du délai »

1.

La présente demande de décision préjudicielle offre l’occasion à la Cour de se prononcer sur la portée de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE ( 2 ).

2.

Cette demande a été présentée à l’occasion d’un litige opposant M. Ibrahima Diallo, ressortissant guinéen et ascendant d’un enfant de nationalité néerlandaise domicilié en Belgique, à l’État belge au sujet d’une décision de refus de ce dernier de lui délivrer une carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union européenne avec ordre de quitter le territoire.

3.

Cette demande invite en particulier la Cour à livrer d’importantes précisions, d’une part, quant au délai dans lequel les décisions au titre de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2004/38 doivent être adoptées et notifiées et quant aux éventuelles conséquences découlant de l’absence d’adoption ou de notification de ces décisions. D’autre part, la Cour est amenée à déterminer si, à la suite de l’annulation juridictionnelle d’une décision adoptée au titre de cette disposition, le délai de six mois dont dispose l’autorité nationale compétente en vertu de ladite disposition est interrompu ou suspendu.

4.

Dans les présentes conclusions, nous exposerons les raisons pour lesquelles nous considérons que l’article 10, paragraphe 1, de cette directive doit être interprété en ce sens que la délivrance d’une carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union doit intervenir dans le délai de six mois prévu par cette disposition, que les décisions adoptées au titre de ladite disposition doivent également l’être dans ce délai alors que la notification d’une décision de refus de carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union peut intervenir après ce délai. Nous indiquerons, également, les raisons pour lesquelles nous pensons que l’absence d’adoption ou de notification d’une décision adoptée au titre de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2004/38 ne saurait avoir pour conséquence automatique la délivrance de la carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union et, enfin, que l’annulation juridictionnelle d’une telle décision a pour effet d’interrompre le délai de six mois dont dispose l’administration et, partant, de faire courir à nouveau le délai de six mois.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

5.

L’article 2 de la directive 2004/38 dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1)

“citoyen de l’Union” : toute personne ayant la nationalité d’un État membre ;

2)

“membre de la famille” :

[...]

d)

les ascendants directs à charge [...] ;

[...] »

6.

L’article 3, paragraphe 1, de cette directive énonce :

« La présente directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2), qui l’accompagnent ou le rejoignent. »

7.

L’article 10, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :

« Le droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre est constaté par la délivrance d’un document dénommé “Carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union” au plus tard dans les six mois suivant le dépôt de la demande. Une attestation du dépôt de la demande de carte de séjour est délivrée immédiatement. »

8.

L’article 15 de la directive 2004/38, intitulé « Garanties procédurales », énonce, à son paragraphe 1 :

« Les procédures prévues aux articles 30 et 31 s’appliquent par analogie à toute décision limitant la libre circulation d’un citoyen de l’Union ou des membres de sa famille prise pour des raisons autres que d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. »

9.

L’article 30 de cette directive, intitulé « Notification des décisions », dispose :

« 1. Toute décision prise en application de l’article 27, paragraphe 1, est notifiée par écrit à l’intéressé dans des conditions lui permettant d’en saisir le contenu et les effets.

[...]

3. La notification comporte l’indication de la juridiction ou de l’autorité administrative devant laquelle l’intéressé peut introduire un recours ainsi que du délai de recours et, le cas échéant, l’indication du délai imparti pour quitter le territoire de l’État membre. Sauf en cas d’urgence dûment justifié, ce délai ne peut être inférieur à un mois à compter de la date de notification. »

B. Le droit belge

10.

Selon l’article 42, paragraphe 1, de la loi sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers ( 3 ), du 15 décembre 1980 :

« Le droit de séjour de plus de trois mois dans le Royaume est reconnu le plus rapidement possible et au plus tard six mois après la date de la demande telle que prévue au [paragraphe] 4, alinéa 2, au citoyen de l’Union et aux membres de sa famille qui sont dans les conditions et pour la durée déterminées par le Roi, conformément aux règlements et directives européens. La reconnaissance tient compte de l’ensemble des éléments du dossier. »

11.

En vertu de l’article 52, paragraphe 4, deuxième alinéa, de l’arrêté royal sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers ( 4 ), du 8 octobre 1981 :

« Si le Ministre ou son délégué reconnaît le droit de séjour ou si aucune décision n’est prise dans le délai prévu à l’article 42, de la loi [du 15 décembre 1980], le bourgmestre ou son délégué délivre à l’étranger une “carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union” conforme au modèle figurant à l’annexe 9. »

II. Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

12.

M. Diallo est un ressortissant guinéen, père d’un enfant de nationalité néerlandaise domicilié en Belgique.

13.

En cette qualité, il a introduit, le 25 novembre 2014, une demande de carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union dans cet État membre.

14.

Le 22 mai 2015, les autorités belges ont adopté une décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire et lui ont notifié cette décision le 3 juin 2015, c’est-à-dire six mois et neuf jours après le dépôt de la demande.

15.

M. Diallo ayant introduit un recours en annulation contre cette décision devant le Conseil du contentieux des étrangers (Belgique), celui-ci a, par arrêt du 29 septembre 2015, annulé la décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire au motif qu’elle était entachée d’un défaut de motivation.

16.

Par suite, les autorités belges ont adopté, le 9 novembre 2015, une nouvelle décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire. Cette décision a été notifiée à M. Diallo le 26 novembre 2015.

17.

Selon cette décision, M. Diallo ne remplissait pas les conditions pour bénéficier du droit de séjour de plus de trois mois en qualité de membre de la famille d’un citoyen de l’Union, faute d’avoir des preuves de ressources suffisantes et d’avoir démontré que son enfant, de nationalité néerlandaise, était à sa charge ou qu’il en avait effectivement la garde.

18.

Le 11 décembre 2015, M. Diallo a formé un recours en annulation contre cette décision devant le Conseil du contentieux des étrangers qui, par arrêt du 23 février 2016, a rejeté ce recours.

19.

Le 25 mars 2016, M. Diallo a formé un recours en cassation administrative contre cet arrêt devant la juridiction de renvoi, à savoir le Conseil d’État (Belgique).

20.

À l’appui de ce recours, il fait valoir, en substance, que, aux termes de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2004/38, la décision relative à la demande de carte de séjour doit être notifiée au demandeur dans un délai de six mois suivant le dépôt de demande et que le droit interne doit être interprété conformément à cette exigence. Il ajoute que l’octroi à l’autorité compétente nationale d’un nouveau délai de six mois, à la suite de l’annulation d’une première décision, prive d’effet utile l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2004/38.

21.

Les autorités belges estiment, quant à elles, que, aucune disposition n’imposant un délai de notification, l’autorité compétente est uniquement tenue d’adopter une décision relative à une demande de carte de séjour dans le délai de six mois. Elles ajoutent que le délai dont dispose cette autorité à la suite de l’annulation juridictionnelle d’une première décision relève du droit national et qu’il n’est pas démontré que l’ouverture d’un nouveau délai de six mois serait déraisonnable.

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