Hristo Byankov v Glaven sekretar na Ministerstvo na vatreshnite raboti.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:380
Date21 June 2012
Celex Number62011CC0249
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑249/11
62011CC0249

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 21 juin 2012 ( 1 )

Affaire C‑249/11

Hristo Byankov

contre

Glaven sekretar na Ministerstvo na vatreshnite raboti

[demande de décision préjudicielle formée par l’Administrativen sad Sofia-grad (Bulgarie)]

«Droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres — Mesure administrative d’interdiction de quitter le territoire en raison du non-recouvrement d’une dette contractée à l’égard d’une personne morale de droit privé — Principe de la sécurité juridique au regard des actes administratifs devenus définitifs — Principes d’équivalence et d’effectivité»

1.

La Cour de justice de l’Union européenne a déjà eu à se prononcer sur la compatibilité avec le droit de l’Union de mesures portant interdiction de sortie du territoire infligées par un État membre à l’un de ses propres ressortissants en raison du fait qu’il est le débiteur d’une dette fiscale qualifiée par le droit national comme étant d’un montant significatif ( 2 ). Dans le cadre du présent renvoi préjudiciel, la Cour est invitée à prendre position dans l’hypothèse où la dette est contractée à l’égard non plus du Trésor public, mais d’une personne morale de droit privé. En outre, elle est interrogée sur les conditions dans lesquelles le droit de l’Union impose aux juges nationaux de reconsidérer la légalité d’un acte administratif définitif, qui n’a pas fait l’objet d’un recours juridictionnel, en raison de sa contrariété au droit de l’Union.

I – Le cadre juridique

A – La directive 2004/38/CE

2.

Le trente et unième considérant de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE ( 3 ), affirme que «[l]a présente directive respecte les droits et libertés fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne».

3.

L’article 4, paragraphe 1, de la directive 2004/38 affirme que, «[s]ans préjudice des dispositions concernant les documents de voyage, applicables aux contrôles aux frontières nationales, tout citoyen de l’Union muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité […] [a] le droit de quitter le territoire d’un État membre en vue de se rendre dans un autre État membre».

4.

Les paragraphes 1 et 2 de l’article 27 de la directive 2004/38, lequel est inséré dans le chapitre VI de celle-ci consacré aux limitations du droit d’entrée et du droit de séjour pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, énoncent:

«1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques.

2. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues.»

5.

L’article 31 de la directive 2004/38 est consacré aux garanties procédurales devant être accordées aux citoyens de l’Union. Plus précisément, l’article 31, paragraphe 1, de ladite directive énonce que «[l]es personnes concernées ont accès aux voies de recours juridictionnelles et, le cas échéant, administratives dans l’État membre d’accueil pour attaquer une décision prise à leur encontre pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique».

6.

L’article 31, paragraphe 3, de la directive 2004/38 prévoit que «[l]es procédures de recours permettent un examen de la légalité de la décision ainsi que des faits et circonstances justifiant la mesure envisagée. Elles font également en sorte que la décision ne soit pas disproportionnée, notamment par rapport aux exigences posées par l’article 28».

7.

L’article 32 de la directive 2004/38 fixe les effets dans le temps d’une interdiction du territoire. Son paragraphe 1 se lit comme suit:

«Les personnes faisant l’objet d’une décision d’interdiction du territoire pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique peuvent introduire une demande de levée de l’interdiction d’accès au territoire après un délai raisonnable, en fonction des circonstances, et en tout cas après trois ans à compter de l’exécution de la décision définitive d’interdiction qui a été valablement prise au sens du droit communautaire, en invoquant des moyens tendant à établir un changement matériel des circonstances qui avaient justifié la décision d’interdiction du territoire à leur encontre.

L’État membre concerné se prononce sur cette demande dans un délai de six mois à compter de son introduction.»

B – Le droit bulgare

1. La loi sur les documents personnels bulgares

8.

L’article 23, paragraphe 2, de la loi sur les documents personnels bulgares (Zakon za balgarskite litschni dokumenti, ci-après le «ZBLD») ( 4 ) prévoit que «[t]out ressortissant bulgare a le droit de quitter le pays avec une carte d’identité et d’y retourner avec celle-ci par les frontières internes de la République de Bulgarie avec les États membres de l’Union européenne ainsi que dans les cas prévus par des traités internationaux».

9.

Le paragraphe 3 dudit article poursuit en précisant que «[l]e droit visé au paragraphe 2 n’est pas limité sauf si la loi prévoit le contraire dans un but de protection de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé des citoyens ou des droits et libertés des autres citoyens».

10.

L’article 76, point 3, du ZBLD prévoyait, dans sa version en vigueur au moment de l’adoption de l’acte litigieux, que «[l]es personnes ayant, à l’égard de personnes physiques et morales bulgares ou étrangères, des dettes d’argent d’un montant considérable constatées par voie judiciaire peuvent faire l’objet d’une interdiction de quitter le pays et se voir refuser la délivrance de passeports et documents analogues, à moins que leur patrimoine personnel ne couvre la dette ou qu’elles ne fournissent une sûreté appropriée».

11.

Il ressort du dossier que, par deux interventions successives du législateur bulgare, l’article 76, point 3, du ZBLD a été supprimé ( 5 ) sans que, pour autant, ledit législateur n’ait précisé les conditions dans lesquelles les mesures adoptées sur son fondement cessaient de produire leurs effets ( 6 ). Les mesures administratives contraignantes adoptées sur le fondement de l’article 76, point 3, du ZBLD avant son abrogation doivent donc être considérées, au sens de la législation nationale sur les documents personnels, comme continuant à produire leurs effets.

2. Le code de procédure administrative

12.

L’article 99 du code de procédure administrative (Administrativnoprotsesualen kodeks, ci-après l’«APK») est inséré dans le chapitre 7 de l’APK consacré aux conditions de réouverture des procédures d’édiction des actes administratifs. Ledit article énonce:

«Un acte administratif individuel ou réglementaire devenu définitif qui n’a pas fait l’objet d’un recours contentieux peut être abrogé ou réformé par l’autorité administrative qui exerce les fonctions de supérieur hiérarchique immédiat, et si l’acte était insusceptible de recours administratif, par l’autorité qui l’a édicté, lorsque:

1. une des conditions de sa légalité a été violée de manière substantielle;

[…]

7. une violation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales a été constatée par un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme.»

II – Le litige au principal et les questions préjudicielles

13.

Le requérant au principal, M. Byankov, est un ressortissant bulgare. Le 17 avril 2007, il a fait l’objet d’un arrêté portant interdiction de sortie du territoire bulgare et de délivrance de passeports ou de documents d’identité de substitution adopté sur le fondement de l’article 76, point 3, du ZBLD alors en vigueur (ci-après l’«arrêté de 2007»). À la demande d’un huissier de justice privé, M. Byankov s’est vu infligé ladite mesure par le directeur de la direction régionale du ministère des Affaires intérieures en raison d’une dette, considérée comme étant d’un montant significatif ( 7 ), contractée auprès d’une personne morale de droit privé bulgare et de son incapacité à fournir une garantie adéquate. M. Byankov n’a introduit aucun recours contentieux à l’encontre de cet arrêté, lequel est, par voie de conséquence, devenu définitif.

14.

Le 6 juillet 2010, soit plus de trois années après l’édiction de l’acte administratif litigieux, M. Byankov a introduit, auprès de l’auteur de cet acte, une demande de réouverture de la procédure administrative et d’abrogation dudit acte. M. Byankov a fait valoir, à cette occasion, que la liberté de circulation dont il jouit en tant que citoyen de l’Union ne peut être limitée que dans les conditions...

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