Kühne & Heitz NV v Produktschap voor Pluimvee en Eieren.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2003:350
Date17 June 2003
Celex Number62000CC0453
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-453/00
EUR-Lex - 62000C0453 - FR 62000C0453

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 17 juin 2003. - Kühne & Heitz NV contre Produktschap voor Pluimvee en Eieren. - Demande de décision préjudicielle: College van Beroep voor het bedrijfsleven - Pays-Bas. - Viande de volaille - Restitutions à l'exportation - Omission d'un renvoi préjudiciel - Décision administrative définitive - Effet d'un arrêt rendu à titre préjudiciel par la Cour postérieurement à cette décision - Sécurité juridique - Primauté du droit communautaire - Principe de coopération - Article 10 CE. - Affaire C-453/00.

Recueil de jurisprudence 2004 page 00000


Conclusions de l'avocat général

1 Le droit communautaire s'oppose-t-il à ce qu'un organe administratif national refuse de faire droit à une demande en paiement fondée sur le droit communautaire au motif que cette demande tend à remettre en cause une décision administrative antérieure devenue définitive à la suite du rejet du recours en annulation formé à son encontre par une décision juridictionnelle revêtue de l'autorité de la chose définitivement jugée, alors que cette décision définitive est fondée sur une interprétation du droit communautaire qui a été infirmée par la Cour dans un arrêt préjudiciel prononcé ultérieurement?

2 Telle est, en substance, la question de principe posée par le College van Beroep voor het bedrijfsleven (Pays-Bas) dans le cadre d'un litige portant sur le classement tarifaire de viandes de volaille ainsi que sur la détermination du montant des restitutions à l'exportation qui en résulteraient au profit de l'exportateur.

I - Le cadre juridique

A - La réglementation communautaire

3 Le règlement (CEE) n_ 2777/75 du Conseil, du 29 octobre 1975, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de volaille (1), a institué un système de restitutions à l'exportation vers des pays tiers. Ce système est destiné à garantir à la fois la compétitivité des produits européens sur le marché mondial, grâce à une réduction de prix à l'exportation (ce prix généralement élevé au sein de la Communauté européenne est réduit à concurrence du montant du prix en cours sur le marché mondial), et un niveau de vie équitable à la population agricole concernée, grâce au versement au profit des exportateurs de certaines sommes (ou restitutions) dont le montant correspond à cette différence de prix.

4 La détermination du montant des restitutions dépend de la classification tarifaire des produits faisant l'objet de l'exportation. La liste des produits pour lesquels il est accordé une restitution à l'exportation ainsi que le montant de cette restitution sont fixés par un règlement de la Commission, pour une période d'environ trois mois, compte tenu de l'évolution des marchés en question. Cinq règlements de ce type ont ainsi trouvé à s'appliquer pendant la période pertinente pour le litige au principal (de décembre 1986 à décembre 1987) (2).

B - La réglementation nationale

5 L'article 4:6 de l'Algemene wet bestuursrecht (loi générale en matière administrative) (3) contient certaines dispositions concernant le réexamen d'une décision administrative. Son paragraphe 1 précise que, «[l]orsqu'une demande a, dans sa totalité ou en partie, fait l'objet d'une décision de rejet, une nouvelle demande ne peut être introduite qu'à condition pour le requérant de faire état de faits nouveaux ou d'un changement de circonstances». Son paragraphe 2 ajoute que, «[s]i aucun fait nouveau ou changement de circonstances n'est invoqué, l'organe administratif peut [...] rejeter la demande en se référant à sa décision de rejet antérieur».

6 En outre, selon l'article 8:88, paragraphe 1, de ladite loi, «[l]a juridiction peut, à la requête d'une partie, statuer en révision sur un jugement devenu définitif en tenant compte de faits ou de circonstances qui:

a) se sont produits avant le jugement;

b) n'étaient pas connus, et ne pouvaient raisonnablement l'être, du requérant avant le prononcé du jugement et

c) auraient pu, s'ils avaient été connus de la juridiction, amener celle-ci à rendre un jugement différent».

II - Les faits et la procédure au principal

7 De décembre 1986 à décembre 1987, la société Kühne & Heitz NV (ci-après la «société Kühne & Heitz»), établie aux Pays-Bas, a procédé à diverses déclarations auprès des autorités douanières néerlandaises en vue de bénéficier de restitutions à l'exportation concernant des lots de viande de volaille. Ces marchandises ont été déclarées comme relevant de la sous-position tarifaire 02.02 B II e) 3, applicable aux «cuisses et morceaux de cuisses d'autres volailles (que de dindes)», selon la nomenclature visée par les règlements nos 3176/86, 267/87, 1151/87, 2800/87 et 3205/87.

8 Conformément à la désignation tarifaire des produits figurant dans ces diverses déclarations, le Productschap voor Pluimvee en Eieren (ci-après le «PVV») (4) a versé à la société Kühne & Heitz les sommes qu'elle avait demandées à titre de restitutions à l'exportation, puis libéré la caution que cette dernière avait constituée afin de garantir le préfinancement desdites sommes, c'est-à-dire leur paiement avant la réalisation de l'exportation (la première décision) (5).

9 Le 1er mars 1990, à la suite de vérifications sur la nature des produits exportés, le PVV a ordonné à la société exportatrice de rembourser la somme de 970 950, 98 NLG et de reconstituer la caution précédemment libérée (ci-après la «deuxième décision»). En effet, un certain nombre de déclarations à l'exportation effectuées par cette société aurait comporté une désignation tarifaire inexacte des produits concernés, ce qui aurait entraîné une erreur dans la détermination du montant des restitutions et le versement à son profit d'une somme supérieure à celle à laquelle elle aurait été en droit de prétendre. Les cuisses de poulet en question comprenant une partie du dos, elles auraient dû être déclarées comme relevant de la sous-position tarifaire 02.02 B II ex g, dénommée «autres», qui serait applicable à titre résiduel aux parties de volailles non désossées ne relevant pas spécifiquement d'une autre sous-position (6).

10 La société Kühne & Heitz a formé une réclamation contre cette décision afin de s'opposer au remboursement du prétendu trop-perçu au titre des restitutions à l'exportation. Par une décision du 13 décembre 1990, le PVV a déclaré cette réclamation non fondée (la troisième décision).

11 La société exportatrice a formé un recours en annulation contre cette dernière décision devant le College van Beroep (7). Par un arrêt en date du 22 novembre 1991, ce recours a été rejeté au motif que seuls peuvent être classés dans la sous-position 02.02 B II e) 3, figurant dans les déclarations litigieuses, les produits répondant strictement au libellé employé en annexe des règlements applicables, c'est-à-dire qui se limitent à des «cuisses et morceaux de cuisse», à l'exclusion de tout autre élément. Faute de satisfaire à ces conditions précises, des cuisses de poulet auxquelles demeure attachée une partie du dos devraient relever de la sous-position tarifaire résiduelle 02.02 B II ex g, et non de celle employée dans les déclarations litigieuses.

12 Sur ce point, le College van Beroep a considéré que, au regard de leur libellé, l'interprétation des sous-positions tarifaires précitées ne laissait place à aucun doute légitime de nature à justifier la formulation d'une question préjudicielle. À cet égard, il a souligné que la situation en cause était différente de celle qu'il avait eu à connaître antérieurement dans le cadre d'un litige concernant l'interprétation du règlement (CEE) n_ 2787/81 de la Commission, du 25 septembre 1981, fixant les restitutions à l'exportation dans le secteur de la viande bovine (8). En effet, estimant que l'on pouvait légitimement s'interroger, au regard de leur libellé, sur le sens et la portée de certaines sous-positions tarifaires, le College van Beroep avait alors décidé de saisir la Cour d'une question préjudicielle (9).

13 Par l'arrêt du 5 octobre 1994, Voogd Vleesimport en -export (10), la Cour a jugé qu'«une cuisse [de poulet] à laquelle demeure attaché un morceau de dos doit [...] être qualifiée de cuisse, au sens des sous-positions 02.02 B II e) 3 de l'ancienne nomenclature et 0207 41 51 000 de la nouvelle, si ledit morceau de dos n'est pas suffisamment grand pour conférer au produit son caractère essentiel» (11). La Cour a ajouté que, «[p]our apprécier si tel est le cas, en l'absence, à l'époque, de règles communautaires, il appartient à la juridiction nationale de tenir compte des habitudes du commerce national et des méthodes traditionnelles de découpe» (12).

14 Se prévalant de cet arrêt préjudiciel, la société Kühne & Heitz a adressé au PVV, le 13 décembre 1994 et le 3 janvier 1995, une demande en paiement de certaines sommes correspondant notamment au montant des restitutions à l'exportation, intervenues de décembre 1986 à décembre 1987, dont le remboursement lui aurait été réclamé à tort, ainsi que des intérêts légaux y afférents (ci-après «premier chef de demande»). Elle a également sollicité le versement d'une somme correspondant au montant des restitutions, intervenues après décembre 1987, dont elle aurait été en droit de bénéficier dans l'hypothèse où les morceaux de volaille auraient été classés correctement dans la sous-position tarifaire 02.02 B II e) 3, conformément à l'interprétation de la nomenclature retenue par la Cour dans l'arrêt Voogd Vleesimport en -export, précité (ci-après «second chef de demande»).

15 Le PVV a rejeté cette demande, dans sa totalité, par une décision du 11 mai 1995 (la quatrième décision). La société exportatrice a formé une réclamation contre cette décision devant le PVV, qui a également été rejetée par une décision du 21 juillet 1997 (la cinquième décision, ci-après «la décision attaquée»).

16 Cette décision de rejet repose, en ce qui concerne le premier chef de demande, sur la...

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