Unicredito Italiano SpA v Agenzia delle Entrate, Ufficio Genova 1.

JurisdictionEuropean Union
Date15 December 2005
CourtCourt of Justice (European Union)

Affaire C-148/04

Unicredito Italiano SpA

contre

Agenzia delle Entrate, Ufficio Genova 1

(demande de décision préjudicielle, introduite par

la Commissione tributaria provinciale di Genova)

«Aides d'État — Décision 2002/581/CE — Avantages fiscaux octroyés aux banques — Motivation de la décision — Qualification d'aide d'État — Conditions — Compatibilité avec le marché commun — Conditions — Article 87, paragraphe 3, sous b) et c), CE — Projet important d'intérêt européen commun — Développement de certaines activités — Avantages fiscaux octroyés antérieurement — Récupération de l'aide — Principe de protection de la confiance légitime — Principe de sécurité juridique — Principe de proportionnalité»

Conclusions de l'avocat général Mme C. Stix-Hackl, présentées le 8 septembre 2005

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 15 décembre 2005

Sommaire de l'arrêt

1. Aides accordées par les États — Notion — Caractère sélectif de la mesure — Mesure fiscale profitant uniquement à des entreprises du secteur bancaire réalisant certaines opérations — Inclusion

(Art. 87, § 1, CE)

2. Aides accordées par les États — Affectation des échanges entre États membres — Atteinte à la concurrence — Critères d'appréciation

(Art. 87, § 1, CE)

3. Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Examen d'un régime d'aides pris dans sa globalité — Admissibilité — Conséquence

(Communication de la Commission 96/C 68/06)

4. Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Aides contribuant à la réalisation d'un projet important d'intérêt commun — Aides visant au développement d'un secteur d'activité économique — Pouvoir d'appréciation de la Commission — Contrôle juridictionnel — Limites

(Art. 87, § 3, b) et c), CE)

5. Aides accordées par les États — Projets d'aides — Mise en oeuvre sans notification préalable à la Commission — Décision de la Commission ordonnant la restitution de l'aide — Obligation de motivation — Portée

(Art. 88, § 3, CE et 253 CE)

6. Aides accordées par les États — Récupération d'une aide illégale — Aide accordée en violation des règles de procédure de l'article 88, paragraphe 3, CE — Confiance légitime éventuelle dans le chef des bénéficiaires — Sécurité juridique — Protection — Conditions et limites

(Art. 88, § 3, CE)

7. Aides accordées par les États — Récupération d'une aide illégale — Violation du principe de proportionnalité — Absence — Montants à restituer — Éléments à prendre en considération

(Art. 88, § 3, CE)

8. Aides accordées par les États — Décision de la Commission constatant l'incompatibilité d'une aide avec le marché commun — Mesure nationale ordonnant la restitution de l'aide — Mise en cause de la validité de la mesure nationale d'exécution au regard des règles de droit communautaire en l'absence d'éléments de nature à affecter la validité de la décision de la Commission — Exclusion

(Art. 87 CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 14)

1. L'article 87, paragraphe 1, CE interdit les aides «favorisant certaines entreprises ou certaines productions», c'est-à-dire les aides sélectives. Une aide peut être sélective au regard de cette disposition même lorsqu'elle concerne tout un secteur économique.

Tel est le cas d'une réduction d'impôt ne s'appliquant qu'au secteur bancaire et, au sein du secteur bancaire, profitant uniquement aux entreprises réalisant certaines opérations. Ne s'appliquant pas à tous les opérateurs économiques et dérogeant, en réalité, au régime fiscal de droit commun, elle ne peut être considérée comme une mesure générale de politique fiscale ou économique.

Une telle réduction d'impôt doit donc être interdite en vertu de l'article 87, paragraphe 1, CE, dès lors qu'elle ne constitue pas une adaptation du système général à des caractéristiques particulières des entreprises bancaires, mais a été conçue comme un moyen d'améliorer la compétitivité de certaines entreprises à un moment donné de l'évolution du secteur.

(cf. points 44-51)

2. L'article 87, paragraphe 1, CE prohibe les aides qui affectent les échanges entre États membres et faussent ou menacent de fausser la concurrence. Dans le cadre de son appréciation de ces deux conditions, la Commission est tenue, non pas d'établir une incidence réelle des aides sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d'examiner si ces aides sont susceptibles d'affecter ces échanges et de fausser la concurrence.

L'incompatibilité d'une aide avec le marché commun doit, en définitive, être constatée dès lors qu'elle a ou est susceptible d'avoir une incidence sur les échanges intracommunautaires et un effet de distorsion de la concurrence existant dans ceux-ci. En particulier, lorsqu'une aide accordée par un État membre renforce la position d'une entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l'aide. À cet égard, la circonstance qu'un secteur économique a fait l'objet d'une libéralisation au niveau communautaire est de nature à caractériser une incidence réelle ou potentielle des aides sur la concurrence, ainsi que leur effet sur les échanges entre États membres. Par ailleurs, il n'est pas nécessaire que l'entreprise bénéficiaire participe elle-même aux échanges intracommunautaires. En effet, lorsqu'un État membre octroie une aide à une entreprise, l'activité intérieure peut s'en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d'autres États membres de pénétrer le marché de cet État membre en sont diminuées. En outre, un renforcement d'une entreprise qui, jusqu'alors, ne participait pas à des échanges intracommunautaires peut la placer dans une situation lui permettant de pénétrer le marché d'un autre État membre.

C'est ainsi que doit être prohibée une réduction d'impôt renforçant la position des entreprises bénéficiaires par rapport aux entreprises actives dans les échanges intracommunautaires, spécialement dans le contexte d'un important processus de libéralisation au niveau communautaire dans le secteur des services financiers qui a accentué la concurrence pouvant résulter déjà de la libre circulation des capitaux prévue par le traité.

(cf. points 53-60)

3. Dans le cas d'un régime d'aides, la Commission peut, afin de vérifier si ce régime comporte des éléments d'aide, se borner à étudier les caractéristiques générales du régime en cause, sans être tenue d'examiner chaque cas d'application particulier, notamment pour vérifier qu'il n'est pas susceptible d'entraîner le dépassement du montant maximal d'aide de minimis fixé par sa communication 96/C 68/06.

(cf. points 67, 69)

4. La Commission jouit, pour l'application de l'article 87, paragraphe 3, CE, d'un large pouvoir d'appréciation dont l'exercice implique des évaluations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire. Le juge communautaire, en contrôlant la légalité de l'exercice d'une telle liberté, ne saurait substituer son appréciation en la matière à celle de l'autorité compétente, mais doit se limiter à examiner si cette dernière appréciation est entachée d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir.

En excluant la qualification de «projet d'intérêt européen commun» au sens de l'article 87, paragraphe 3, sous b), CE, s'agissant d'une mesure de réduction d'impôt dont il ressort qu'elle tend essentiellement à améliorer la compétitivité des opérateurs établis dans un État membre pour renforcer leur seule position concurrentielle dans le marché intérieur, la Commission ne commet pas d'erreur manifeste d'appréciation. Il ne saurait lui être opposé utilement que ladite mesure s'inscrit dans le cadre de l'achèvement d'un processus de privatisation, un tel processus engagé par un État membre ne pouvant être considéré, en soi, comme constituant un projet d'intérêt européen commun.

Elle ne commet pas davantage une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'une mesure, qui a essentiellement pour effet d'améliorer la compétitivité des bénéficiaires dans un secteur caractérisé par une concurrence internationale intense et est en fait destinée à renforcer la position des bénéficiaires de l'aide par rapport aux concurrents qui n'en bénéficient pas, ne satisfait pas à la condition de ne pas altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun, à laquelle doivent satisfaire les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités au sens de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

(cf. points 71-72, 74-77, 79, 82-83)

5. L'exigence de motivation prévue à l'article 253 CE doit, en principe, être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que son destinataire peut avoir à recevoir des explications. Toutefois, en matière d'aides d'État, lorsque, contrairement aux dispositions de l'article 88, paragraphe 3, CE, l'aide a déjà été accordée, la Commission, qui a le pouvoir d'enjoindre aux autorités nationales d'en ordonner la restitution, n'est pas tenue d'exposer des motifs spécifiques pour justifier de son exercice.

C'est ainsi que, dès lors que l'État membre ne lui a pas notifié, avant sa mise en oeuvre, un régime d'aide prévoyant une réduction d'impôt, la Commission n'est pas tenue d'énoncer des motifs spécifiques au soutien de son injonction de récupération.

(cf. points 99-101)

6. Compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides étatiques opéré par la Commission au titre de l'article 88 CE, d'une part, les entreprises bénéficiaires d'une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par ledit article et, d'autre part, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s'assurer que cette procédure a...

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