Wolfgang Heiser v Finanzamt Innsbruck.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:130
Docket NumberC-172/03
Celex Number62003CJ0172
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date03 March 2005
Arrêt de la Cour
Affaire C-172/03


Wolfgang Heiser
contre
Finanzamt Innsbruck



(demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche))

«TVA – Exonération des prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre des professions médicales – Régularisation des déductions»

Conclusions de l'avocat général M. A. Tizzano, présentées le 28 octobre 2004
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 3 mars 2005

Sommaire de l'arrêt

1.
Aides accordées par les États – Notion – Affectation des échanges entre États membres – Caractère sélectif de la mesure – Justification tirée de la nature ou de l'économie générale du système – Atteinte à la concurrence

(Traité CE, art. 92, § 1 (devenu, après modification, art. 87, § 1, CE))

2.
Aides accordées par les États – Notion – Mesure poursuivant un but social – Dérogation prévue à l'article 90, paragraphe 2, du traité (devenu article 86, paragraphe 2, CE) – Mesures étatiques visant à rapprocher les conditions de concurrence de celles prévalant dans d'autres États membres – Absence d'incidence quant à la qualification d'aide

(Traité CE, art. 90, § 2, et 93, § 3 (devenus art. 86, § 2, CE et 88, § 3, CE) et art. 92, § 1 (devenu, après modification, art. 87, § 1, CE))

3.
Aides accordées par les États – Notion – Renonciation, dans le cas du passage des médecins d'un régime d'opérations assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée à un régime d'opérations exonérées, à la réduction, prescrite par l'article 20 de la sixième directive sur la taxe sur la valeur ajoutée, de la déduction déjà opérée pour des biens continuant à être utilisés dans l'entreprise – Inclusion

(Traité CE, art. 92, § 1 (devenu, après modification, art. 87, § 1, CE); directive du Conseil 77/388, art. 20)
1.
Selon l’article 92, paragraphe 1, du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE), les conditions suivantes doivent être remplies pour qu’une mesure puisse être qualifiée d’aide d’État. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence.
S’agissant de la deuxième condition, il n’existe pas de seuil ou de pourcentage en dessous duquel on peut considérer que les échanges entre États membres ne sont pas affectés. En effet, l’importance relativement faible d’une aide ou la taille relativement modeste de l’entreprise bénéficiaire n’excluent pas a priori l’éventualité que lesdits échanges soient affectés. Dès lors, cette deuxième condition peut être remplie indépendamment de la nature locale ou régionale des services fournis ou de l’importance du domaine d’activité concerné.
S’agissant de la troisième condition, il est constant que la notion d’aide comprend non seulement des prestations positives, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques. À cet égard, l’article 92, paragraphe 1, du traité impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser «certaines entreprises ou certaines productions» par rapport à d’autres, lesquelles se trouveraient, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable. Dans l’affirmative, la mesure concernée remplit la condition de sélectivité constitutive de la notion d’aide d’État. En effet, la circonstance que le nombre d’entreprises pouvant prétendre bénéficier de la mesure en cause soit très significatif, ou que ces entreprises appartiennent à des secteurs d’activité divers, ne saurait suffire à mettre en cause son caractère sélectif et, partant, à écarter la qualification d’aide d’État. De même, des aides peuvent concerner tout un secteur économique et relever néanmoins de l’article 92, paragraphe 1, du traité. Il en serait autrement si une mesure, quoique constitutive d’un avantage pour son bénéficiaire, était justifiée par la nature ou l’économie générale du système dans lequel elle s’inscrit.
S’agissant de la quatrième condition, les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales faussent en principe les conditions de concurrence.

(cf. points 27, 32-33, 36, 40, 42-43, 55)

2.
Le simple fait qu’une mesure poursuit un but social ne suffit pas à la faire échapper d’emblée à la qualification d’aide au sens de l’article 92 du traité (devenu, après modification, article 87 CE). En effet, le paragraphe 1 de cette disposition ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais définit celles-ci en fonction de leurs effets. En outre, la dérogation prévue à l’article 90, paragraphe 2, du traité (devenu article 86, paragraphe 2, CE) ne permet pas d’écarter la qualification d’une mesure en tant qu’aide d’État au sens de l’article 92 de celui-ci. Elle ne pourrait pas non plus, dès lors qu’une telle qualification a été établie, dispenser l’État membre concerné de notifier cette mesure en application de l’article 93, paragraphe 3, dudit traité (devenu article 88, paragraphe 3, CE). Enfin, la circonstance qu’un État membre cherche à rapprocher, par des mesures unilatérales, les conditions de concurrence existant dans un certain secteur économique de celles prévalant dans d’autres États membres ne saurait enlever à ces mesures le caractère d’aides.

(cf. points 46, 51, 54)

3.
L’article 92 du traité (devenu, après modification, article 87 CE) doit être interprété en ce sens qu’une règle en vertu de laquelle le fait, pour des médecins, de passer d’un régime d’opérations assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée à un régime d’opérations exonérées n’entraîne pas la réduction, prescrite par l’article 20 de la sixième directive, de la déduction déjà opérée concernant des biens qui continuent à être utilisés dans l’entreprise, doit être qualifiée d’aide d’État.

(cf. point 59)




ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
3 mars 2005(1)

«TVA – Exonération des prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre des professions médicales – Régularisation des déductions»

Dans l'affaire C-172/03,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche), par décision du 31 mars 2003, parvenue à la Cour le 14 avril 2003, dans la procédure Wolfgang Heiser

contre

Finanzamt Innsbruck,


LA COUR (deuxième chambre),,



composée de M. C. W. A. Timmermans (rapporteur), président de chambre, MM. C. Gulmann, R. Schintgen, J. Makarczyk et J. Klučka, juges, avocat général: M. A. Tizzano,
greffier: M me K. Sztranc, administrateur, vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du
30 septembre 2004,
considérant les observations présentées:
pour M. Heiser, par M. R. Kapferer, Steuerberater,
pour le gouvernement autrichien, par MM. E. Riedl et J. Bauer, en qualité d'agents,
pour la Commission des Communautés européennes, par MM. V. Kreuschitz, V. Di Bucci et K. Gross, en qualité d'agents,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 28 octobre 2004,

rend le présent



Arrêt

1
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE).
2
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Heiser au Finanzamt Innsbruck (Autriche) au sujet d’une décision de ce dernier en matière de régularisation des déductions de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»).
La réglementation nationale
3
Il résulte de la décision de renvoi que, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, point 19, de l’Umsatzsteuergesetz 1994 (loi de 1994 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires, BGBl. 663/1994, ci-après l’«UStG 1994»), les opérations afférentes à l’activité de médecin sont exonérées de la TVA, la déduction des taxes acquittées en amont étant exclue. Conformément à l’article 29, paragraphe 5, de l’UStG 1994, cette exonération ne s’applique cependant qu’aux opérations effectuées après le 31 décembre 1996. Les prestations médicales dispensées avant le 1 er janvier 1997 étaient assujetties à la TVA et taxées au taux normal.
4
Ce passage d’un régime d’assujettissement à un régime d’exonération constitue la mise en œuvre de l’annexe XV, partie IX, point 2, sous a), deuxième tiret, de l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la république d’Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1). En effet, selon cette annexe, l’entrée en vigueur de l’exonération de la TVA prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), a été reportée au 1 er janvier 1997, notamment pour les prestations de soins de santé fournis par des médecins dans le domaine de la santé publique et de l’assistance sociale.
5
Il résulte de la décision de renvoi que, lorsque des prestations...

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