Lafarge SA v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:346
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-413/08
Date17 June 2010
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
Celex Number62008CJ0413

Affaire C-413/08 P

Lafarge SA

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Entente — Plaques en plâtre — Dénaturation des éléments de preuve — Charge de la preuve — Défaut de motivation — Règlement nº 17 — Article 15, paragraphe 2 — Sanction — Récidive — Stade de prise en compte de l’effet dissuasif de l’amende»

Sommaire de l'arrêt

1. Pourvoi — Moyens — Appréciation erronée des faits — Irrecevabilité — Contrôle par la Cour de l'appréciation des éléments de preuve — Exclusion sauf cas de dénaturation — Moyen tiré de la dénaturation des éléments de preuve

(Art. 81, § 1, CE et 225 CE; statut de la Cour de justice, art. 51, al. 1; règlement de procédure de la Cour, art. 112, § 1, al. 1, c))

2. Concurrence — Ententes — Pratique concertée — Preuve de l'infraction — Charge de la preuve

(Art. 81, § 1, CE)

3. Pourvoi — Moyens — Moyen présenté pour la première fois dans le cadre du pourvoi — Irrecevabilité

4. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Circonstances aggravantes — Récidive — Base juridique

(Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2)

5. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Circonstances aggravantes — Récidive — Notion

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03)

6. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Circonstances aggravantes — Récidive — Notion — Infraction constatée par une décision faisant l'objet d'un contrôle juridictionnel — Inclusion — Décision ultérieurement annulée — Conséquences

(Art. 233 CE et 242 CE; règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 2)

7. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Pouvoir d'appréciation conféré à la Commission par l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 — Violation du principe de légalité des peines — Absence

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03)

8. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Caractère dissuasif — Prise en compte de la taille et des ressources globales de l'entreprise sanctionnée — Pertinence

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

1. Lorsqu’un requérant allègue, dans le cadre d'un pourvoi, une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, il doit, en application des articles 225 CE, 51, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation.

Une telle dénaturation existe lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée.

Dans une affaire concernant l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, l’existence d’une dénaturation des éléments de preuve doit être examinée à la lumière du fait qu’il est usuel, étant donné que l’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir sont notoires, que les activités que ces pratiques et ces accords comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement, le plus souvent dans un pays tiers, et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus d’une réunion, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence.

(cf. points 16-17, 22)

2. Il incombe à la partie ou à l’autorité qui allègue une violation des règles de la concurrence d’en apporter la preuve et il appartient à l’entreprise ou à l’association d’entreprises soulevant un moyen de défense contre une constatation d’infraction à ces règles d’apporter la preuve que les conditions d’application de la règle dont est déduit ce moyen de défense sont remplies, de sorte que ladite autorité devra alors recourir à d’autres éléments de preuve.

Même si la charge de la preuve incombe selon ces principes soit à la Commission, soit à l’entreprise ou à l’association concernée, les éléments factuels qu’une partie invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure qu’il a été satisfait aux règles en matière de charge de la preuve.

(cf. points 29-30)

3. Permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen et des arguments qu'elle n'a pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à l'autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d'un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d'un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l'appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et arguments débattus devant les premiers juges.

(cf. point 52)

4. L’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 habilite la Commission à infliger des amendes à l’encontre d’entreprises et d’associations d’entreprises pour des infractions aux articles 81 CE et 82 CE. En vertu de cette disposition, pour déterminer le montant de l’amende, la durée et la gravité de l’infraction dont il s’agit doivent être prises en considération. À cet égard, une éventuelle récidive figure parmi les éléments à prendre en considération lors de l’analyse de la gravité de l’infraction en cause. Il s’ensuit que l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 constitue la base juridique pertinente pour la prise en considération d’une récidive lors du calcul de l’amende.

En entérinant le constat effectué par la Commission de l’existence d’une récidive dans le chef d'une entreprise et la qualification de cette récidive de circonstance aggravante, le Tribunal ne viole donc pas le principe nulla poena sine lege.

(cf. points 62-65)

5. Le principe de sécurité juridique n’est pas violé du fait qu’il n’existe pas de délai prédéterminé pour la prise en compte de la récidive. S'il est vrai que ni le règlement nº 17 ni les lignes directrices arrêtées par la Commission pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA ne prévoient de délai maximal au-delà duquel une récidive ne saurait être prise en compte, il n'est pas possible pour la Commission de procéder à une majoration de l’amende au titre de la récidive sans limitation dans le temps.

La Commission peut, dans chaque cas, prendre en considération les indices tendant à confirmer la propension d’une entreprise à s’affranchir des règles de concurrence, y compris, par exemple, le temps qui s’est écoulé entre les infractions en cause. Par ailleurs, le principe de proportionnalité exige que le temps écoulé entre l’infraction en cause et un précédent manquement aux règles de concurrence soit pris en compte pour apprécier la propension de l’entreprise à s’affranchir de ces règles.

Dans le cadre du contrôle juridictionnel exercé sur les actes de la Commission en matière de droit de la concurrence, le Tribunal et, le cas échéant, la Cour peuvent donc être appelés à vérifier si la Commission a respecté ledit principe lorsqu’elle a majoré, au titre de la récidive, l’amende infligée, et, en particulier, si une telle majoration s’imposait notamment au regard du temps écoulé entre l’infraction en cause et le précédent manquement aux règles de concurrence.

(cf. points 66-70, 72-73)

6. Les décisions de la Commission bénéficient d’une présomption de validité aussi longtemps qu’elles n’ont pas été annulées ou retirées. Par ailleurs, comme le prévoit expressément l’article 242 CE, les recours devant la Cour n’ont pas d’effet suspensif. Il s’ensuit que, même si une décision de la Commission est encore soumise à un contrôle juridictionnel, elle continue à produire l’ensemble de ses effets, à moins que le Tribunal ou la Cour n’en décident autrement.

La thèse selon laquelle l’introduction d’un recours en annulation à l’encontre d’une décision de la Commission en matière de concurrence entraînerait la suspension de l’application de cette décision pendant la procédure juridictionnelle, à tout le moins en ce qui concerne les conséquences qui en découlent pour le constat, dans une décision postérieure, d’une éventuelle récidive, ne repose donc sur aucune base juridique, mais, au contraire, se heurte notamment au libellé de l’article 242 CE.

En outre, si cette thèse devait être accueillie, les auteurs d’infractions seraient incités à introduire des recours purement dilatoires, dans le seul but d’éviter les conséquences de la récidive pendant la durée des procédures devant le Tribunal et la Cour.

La conclusion selon laquelle il suffit que l’entreprise ait été préalablement considérée comme coupable d’une infraction du même type, même si la décision est encore soumise à un contrôle juridictionnel, pour que la Commission puisse tenir compte de la récidive est donc fondée en droit.

Cette conclusion n’est pas remise en cause dans l’hypothèse où la décision sur la base de laquelle l’amende relative à une autre infraction a été majorée dans une décision ultérieure est annulée par le juge de l’Union européenne après l’adoption de cette...

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