European Commission v Alrosa Company Ltd.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:377
CourtCourt of Justice (European Union)
Date29 June 2010
Docket NumberC-441/07
Celex Number62007CJ0441
Procedure TypeRecurso de anulación

Affaire C-441/07 P

Commission européenne

contre

Alrosa Company Ltd

«Pourvoi — Position dominante — Règlement (CE) nº 1/2003 — Marché mondial du diamant brut — Engagements individuels pris par une société et portant sur la cessation de ses achats de diamants bruts à une autre société — Décision rendant contraignants les engagements individuels pris par une société et mettant fin à la procédure»

Sommaire de l'arrêt

1. Concurrence — Procédure administrative — Cessation des infractions — Pouvoir de la Commission — Mesures correctives et engagements — Respect du principe de proportionnalité — Contrôle juridictionnel — Portée

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 7 et 9)

2. Concurrence — Procédure administrative — Cessation des infractions — Pouvoir de la Commission — Engagements — Marge d'appréciation — Respect du principe de proportionnalité — Contrôle juridictionnel — Portée

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 9)

3. Concurrence — Procédure administrative — Cessation des infractions — Pouvoir de la Commission — Mesures correctives et engagements — Notion de partie concernée — Droits des parties concernées et des tiers intéressés

(Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 7, 9 et 27, § 2)

1. Les articles 7 et 9 du règlement nº 1/2003 poursuivent deux objectifs différents qui visent, l’un, à mettre fin à l’infraction constatée, et l’autre, à répondre aux préoccupations de la Commission résultant de son évaluation préliminaire. Les caractéristiques spécifiques des mécanismes prévus par ces dispositions et les moyens d’action qu’offre ce règlement en vertu de chacune de ces dispositions sont différents, ce qui implique que l’obligation d’assurer le respect du principe de proportionnalité, qui incombe à la Commission, a une portée et un contenu différents selon qu’elle est considérée dans le cadre de l’un ou de l’autre de ces articles.

L’article 7 du règlement nº 1/2003 indique expressément l’ampleur de la portée de l’application du principe de proportionnalité dans les situations relevant de son champ d’application. En effet, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 1/2003, la Commission peut imposer aux entreprises intéressées toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale qui soit proportionnée à l’infraction commise et nécessaire pour faire cesser effectivement l’infraction.

En revanche, l’article 9 du règlement nº 1/2003 prévoit uniquement que, dans le cadre d’une procédure engagée au titre de cette disposition, ainsi qu’il ressort du treizième considérant dudit règlement, la Commission est dispensée de l’obligation de qualifier et de constater l’infraction, son rôle se limitant à l’examen et à l’éventuelle acceptation des engagements proposés par les entreprises concernées, à la lumière des problèmes qu’elle a identifiés dans son évaluation préliminaire et au regard des buts qu’elle poursuit.

La mise en œuvre par la Commission du principe de proportionnalité dans le contexte de l’article 9 du règlement nº 1/2003 se limite à la vérification que les engagements en question répondent aux préoccupations dont elle a informé les entreprises concernées et que ces dernières n’ont pas offert d’engagements moins contraignants répondant d’une façon aussi adéquate à ces préoccupations. Dans l’exercice de cette vérification, la Commission doit toutefois prendre en considération les intérêts des tiers.

Le contrôle juridictionnel, pour sa part, porte uniquement sur le point de savoir si l’appréciation à laquelle s’est livrée la Commission est manifestement erronée.

Dès lors, rien ne justifie que la mesure qui pourrait éventuellement être imposée dans le cadre de l’article 7 du règlement nº 1/2003 doive servir de référence aux fins de l’appréciation de la portée des engagements acceptés en application de l’article 9 de ce règlement et que tout ce qui va au-delà de ladite mesure doive être automatiquement considéré comme non proportionné. Ainsi, même si les décisions adoptées au titre de ces deux dispositions sont soumises au principe de proportionnalité, l’application de ce principe est néanmoins différente selon que l’une ou l’autre de ces dispositions est concernée.

Les entreprises qui offrent des engagements sur le fondement de l’article 9 du règlement nº 1/2003 acceptent sciemment que leurs concessions puissent aller au-delà de ce que la Commission elle-même pourrait leur imposer dans une décision qu’elle adopterait conformément à l’article 7 de ce règlement après un examen approfondi. En revanche, la clôture de la procédure d’infraction engagée à l’encontre de ces entreprises leur permet d’éviter la constatation d’une violation du droit de la concurrence et l’éventuelle infliction d’une amende.

En outre, le fait que les engagements individuels offerts par une entreprise ont été rendus obligatoires par la Commission n’implique pas que d’autres entreprises sont dépourvues de la possibilité de protéger leurs droits éventuels dans le cadre de leurs relations avec cette entreprise.

(cf. points 38-42, 46-49)

2. Dans le cadre de l’acceptation d’engagements au titre de l’article 9 du règlement nº 1/2003, la Commission n’est pas tenue de rechercher elle-même des solutions moins rigoureuses ou plus modérées que les engagements qui lui sont proposés. Il lui incombe uniquement, en ce qui concerne la proportionnalité des engagements, de vérifier si ces derniers sont suffisants pour répondre aux préoccupations qu’elle a identifiées au cours de la procédure.

Le Tribunal ne peut juger que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation que s’il constate que la conclusion de la Commission est de toute évidence non fondée, eu égard aux éléments de fait établis par celle-ci. En revanche, en examinant d’autres solutions moins contraignantes aux fins de l’application du principe de proportionnalité, y compris d’éventuelles adaptations des engagements proposés, en exprimant sa propre appréciation divergente de la capacité des engagements à éliminer les problèmes de concurrence identifiés par la Commission et en concluant qu'il existe des solutions alternatives moins contraignantes pour les entreprises concernées, le Tribunal présente sa propre évaluation de circonstances économiques complexes et substitue ainsi sa propre appréciation à celle de la Commission, empiétant de la sorte sur la marge d’appréciation de celle-ci, au lieu de contrôler la légalité de l’appréciation de la Commission.

(cf. points 60-61, 63, 65-67)

3. Une entreprise s’estimant affectée par une décision adoptée en vertu des articles 7 ou 9 du règlement nº 1/2003 peut protéger ses droits par la voie d’un recours contre cette décision. Il n’en résulte pas qu’une telle entreprise acquière la qualité de «partie concernée» au sens de l’article 27, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003.

Dans une affaire où deux procédures sont engagées par la Commission, l’une, en vertu de l’article 81 CE, concernant le comportement de deux entreprises cocontractantes sur un marché, l’autre, au titre de l’article 82 CE portant sur les pratiques unilatérales de l'une de ces deux entreprises sur le même marché, et où la procédure engagée au titre de l'article 82 CE débouche sur une décision rendant contraignants des engagements proposés par l'entreprise en position dominante, l'entreprise qui n'est «concernée» que par la procédure engagée au titre de l'article 81 CE ne peut se prévaloir des droits procéduraux réservés aux parties dans le cadre de la procédure relative aux engagements. Elle ne dispose que des droits plus restreints d’un tiers intéressé.

Ce n’est que s’il pouvait être démontré que la Commission a engagé, sans motif objectif, deux procédures distinctes relatives à une situation de fait unique qu’il faudrait reconnaître à la seconde entreprise les droits accordés à une entreprise concernée dans le cadre de la procédure ouverte au titre de l’article 82 CE.

Par ailleurs, l’acceptation par la Commission des engagements de la première entreprise ne dépend pas de la position de la seconde entreprise, ou de toute autre entreprise, à l'égard de ces engagements. Il ressort en effet de l’article 9, paragraphe 1, du règlement nº 1/2003 que la Commission dispose d’une large marge d’appréciation pour rendre obligatoire une proposition d’engagement ou pour la refuser. La Commission n'est donc pas tenue de justifier son refus des engagements proposés conjointement par les deux entreprises et de proposer à la seconde entreprise de soumettre de nouveaux engagements conjoints.

(cf. points 88-94)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

29 juin 2010 (*)

«Pourvoi – Position dominante – Règlement (CE) n° 1/2003 – Marché mondial du diamant brut – Engagements individuels pris par une société et portant sur la cessation de ses achats de diamants bruts à une autre société – Décision rendant contraignants les engagements individuels pris par une société et mettant fin à la procédure»

Dans l’affaire C‑441/07 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 24 septembre 2007,

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre et R. Sauer, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Alrosa Company Ltd, établie à Mirny (Russie), représentée par MM. R. Subiotto, QC, et K. Jones, solicitor‑advocate, ainsi que par Mme S. Mobley, solicitor,

partie demanderesse en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, Mme R. Silva de Lapuerta, M. E. Levits et Mme C. Toader, présidents de chambre, MM. A. Rosas, K. Schiemann (rapporteur), M. Ilešič et U. Lõhmus, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juin 2009,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à...

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