Commission of the European Communities v French Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:173
CourtCourt of Justice (European Union)
Date14 March 2006
Docket NumberC-177/04
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - fondé
Celex Number62004CJ0177

Affaire C-177/04

Commission des Communautés européennes

contre

République française

«Manquement d'État — Directive 85/374/CEE — Responsabilité du fait des produits défectueux — Arrêt de la Cour constatant un manquement — Inexécution — Article 228 CE — Sanctions pécuniaires — Exécution partielle de l'arrêt en cours d'instance»

Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 24 novembre 2005

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 14 mars 2006

Sommaire de l'arrêt

1. Recours en manquement — Objet du litige — Détermination au cours de la procédure précontentieuse

(Art. 226 CE et 228 CE)

2. Recours en manquement — Arrêt de la Cour constatant le manquement — Manquement à l'obligation d'exécuter l'arrêt — Sanctions pécuniaires

(Art. 228, § 2, CE)

3. Recours en manquement — Arrêt de la Cour constatant le manquement — Manquement à l'obligation d'exécuter l'arrêt — Sanctions pécuniaires — Astreinte

(Art. 228, § 2, CE)

4. Recours en manquement — Arrêt de la Cour constatant le manquement — Manquement à l'obligation d'exécuter l'arrêt — Sanctions pécuniaires — Astreinte

(Art. 228, § 2, CE)

1. L'exigence selon laquelle l'objet du recours introduit en vertu de l'article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue à cette disposition ne saurait aller jusqu'à imposer en toute hypothèse une coïncidence parfaite entre le dispositif de l'avis motivé et les conclusions du recours, dès lors que l'objet du litige n'a pas été étendu ou modifié, mais a été, au contraire, simplement restreint. Lorsqu'un changement législatif est intervenu au cours de la procédure précontentieuse, le recours peut concerner des dispositions nationales qui ne sont pas identiques à celles visées dans l'avis motivé. Rien ne s'oppose à ce qu'il en aille de même lorsqu'un tel changement législatif est intervenu postérieurement à l'introduction du recours et que le grief maintenu par la Commission au regard dudit changement législatif était nécessairement inclus dans celui tiré de l'absence de toute exécution d'un arrêt de la Cour. Il est dès lors loisible à la Commission de limiter l'étendue du manquement dont elle sollicite la constatation au titre de l'article 228 CE, de manière à tenir compte de mesures d'exécution partielles, adoptées au cours de la seconde procédure devant la Cour.

(cf. points 35, 37-38)

2. La procédure prévue à l'article 228, paragraphe 2, CE a pour objectif d'inciter un État membre défaillant à exécuter un arrêt en manquement et, par là, d'assurer l'application effective du droit communautaire par cet État. Les mesures prévues par cette disposition, à savoir la somme forfaitaire et l'astreinte, visent toutes deux ce même objectif. La condamnation au paiement d'une astreinte et/ou d'une somme forfaitaire vise non pas à compenser un quelconque dommage qui aurait été causé par l'État membre concerné, mais à exercer sur celui-ci une contrainte économique qui l'incite à mettre fin au manquement constaté. Les sanctions pécuniaires infligées doivent donc être arrêtées en fonction du degré de persuasion nécessaire pour que l'État membre en cause modifie son comportement.

(cf. points 59-60)

3. Lorsqu'il s'agit d'infliger à un État membre une astreinte pour sanctionner l'inexécution d'un arrêt en manquement, il appartient à la Cour, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, de fixer l'astreinte de telle sorte que celle-ci soit, d'une part, adaptée aux circonstances et, d'autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu'à la capacité de paiement de l'État membre concerné. À cet effet, les critères de base qui doivent être pris en considération pour assurer la nature coercitive de l'astreinte en vue de l'application uniforme et effective du droit communautaire sont, en principe, la durée de l'infraction, son degré de gravité et la capacité de payer de l'État membre en cause. Pour l'application de ces critères, il y a lieu de tenir compte en particulier des conséquences du défaut d'exécution sur les intérêts privés et publics et de l'urgence qu'il y a à amener l'État membre concerné à se conformer à ses obligations.

(cf. points 61-62)

4. S'agissant du critère de la durée de l'infraction, le coefficient y afférent doit être déterminé en ayant égard au moment auquel la Cour apprécie les faits et non à celui où cette dernière est saisie par la Commission et sur la base d'une échelle qui n'est pas limitée par celle allant de 1 à 3 proposée par la Commission.

(cf. point 71)




ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

14 mars 2006 (*)

«Manquement d’État – Directive 85/374/CEE – Responsabilité du fait des produits défectueux – Arrêt de la Cour constatant un manquement – Inexécution – Article 228 CE – Sanctions pécuniaires – Exécution partielle de l’arrêt en cours d’instance»

Dans l’affaire C‑177/04,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 228 CE, introduit le 14 avril 2004,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Valero Jordana et B. Stromsky, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République française, représentée par M. G. de Bergues et Mme R. Loosli, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas et K. Schiemann (rapporteur), présidents de chambre, M. R. Schintgen, Mme N. Colneric, MM. S. von Bahr, J. Klučka, U. Lõhmus et E. Levits, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 octobre 2005,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 novembre 2005,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de:

– constater que, en ne prenant pas les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France (C‑52/00, Rec. p. I‑3827), concernant la transposition incorrecte de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (JO L 210, p. 29), la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 228, paragraphe 1, CE;

– condamner la République française à payer à la Commission, sur le compte «Ressources propres de la Communauté européenne», une astreinte d’un montant de 137 150 euros par jour de retard dans l’exécution de l’arrêt Commission/France, précité, et ce à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution dudit arrêt Commission/France;

– condamner la République française aux dépens.

La réglementation communautaire

2 Adoptée sur le fondement de l’article 100 du traité CEE (devenu article 100 du traité CE, lui-même devenu article 94 CE), la directive 85/374 a pour objet le rapprochement des législations des États membres en matière de responsabilité du producteur pour les dommages causés par le caractère défectueux de ses produits.

3 Aux termes de l’article 1er de cette directive, «[l]e producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit».

4 L’article 3, paragraphe 3, de la même directive dispose:

«Si le producteur du produit ne peut être identifié, chaque fournisseur en sera considéré comme producteur, à moins qu’il n’indique à la victime, dans un délai raisonnable, l’identité du producteur ou de celui qui lui a fourni le produit. Il en est de même dans le cas d’un produit importé, si ce produit n’indique pas l’identité de l’importateur visé au paragraphe 2, même si le nom du producteur est indiqué.»

5 L’article 7 de ladite directive prévoit que le producteur n’est pas responsable en application de celle‑ci s’il prouve:

«[...]

d) que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives émanant des pouvoirs publics;

e) que l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit par lui n’a pas permis de déceler l’existence du défaut;

[...]»

6 L’article 9, premier alinéa, de la directive 85/374 définit le terme «dommage», au sens de l’article 1er de celle‑ci, comme désignant:

«[...]

b) le dommage causé à une chose ou la destruction d’une chose, autre que le produit défectueux lui‑même, sous déduction d’une franchise de 500 [euros] à condition que cette chose:

i) soit d’un type normalement destiné à l’usage ou à la consommation privés

et

ii) ait été utilisée par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privés.»

L’arrêt Commission/France

7 Dans le dispositif de l’arrêt Commission/France, précité, la Cour a déclaré et arrêté que:

– en incluant, dans l’article 1386‑2 du code civil français (ci-après le «code civil»), les dommages inférieurs à 500 euros;

– en considérant, à l’article 1386‑7, premier alinéa, du même code, que le distributeur d’un produit défectueux est responsable dans tous les cas et au même titre que le producteur, et

– en prévoyant, à l’article 1386‑12, second alinéa, dudit code, que le producteur doit prouver qu’il a pris les dispositions propres à prévenir les conséquences d’un produit défectueux afin de pouvoir se prévaloir des causes d’exonération prévues à l’article 7, sous d) et e), de la directive 85/374,

la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu respectivement des articles 9, premier alinéa, sous b), 3, paragraphe 3, et 7 de ladite directive.

La procédure précontentieuse

8 Considérant que la République française n’avait pas pris les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt Commission/France, précité, la Commission a, le 20 février 2003, adressé une lettre de mise en demeure à cet État membre en application de l’article 228 CE, l’invitant à soumettre ses observations dans un délai de deux mois à compter de la réception de cette lettre.

9...

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