Un nouveau cadre institutionnel de régulation des services publics

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Introduction : du contrôle à la régulation des services publics

Les pouvoirs publics, quel que soit leur niveau d'intervention - local, national ou communautaire - ne peuvent pas se désintéresser des activités auxquelles ils identifient la notion de service public, et ce, pour au moins deux raisons qui viennent d'être identifiées dans les deux premières parties de l'étude : d'une part, parce que la notion de service public est par définition porteuse d'une finalité d'intérêt général dont l'État est le garant ; et, d'autre part, parce que, structurante ou non d'un droit administratif, elle correspond sur le plan organique à des institutions dont il revient à l'État de veiller à l'agencement dans l'ordre juridique interne.

Cet « intérêt particulier » des pouvoirs publics pour le service public se manifeste d'une manière générale par un encadrement de l'activité en elle-même mais aussi par l'établissement de relations particulières entre les pouvoirs publics et la personne chargée de sa gestion.

L'expression « encadrement » est utilisée ici de manière neutre pour englober des concepts nationaux et plus juridiques tels que tutelle, contrôle ou maîtrise. Sur le plan sémantique, certains auteurs font d'ailleurs remarquer qu'en ce qui concerne le vocabulaire juridique français, « l'emploi, en doctrine et en législation, du terme de tutelle a souvent été critiqué en raison du fait qu'il inciterait regrettablement à considérer les institutions décentralisées [-26;] comme des « mineures » et des « incapables » au sens du droit civil. Ce serait d'autant plus fâcheux que la tutelle civile a pour fonction la protection de l'incapable, alors que la tutelle administrative tendrait à sauvegarder l'intérêt général, plus que celui de l'institution décentralisée » 890. Page218

D'autres auteurs estiment que pour rendre compte de la spécificité des relations entre État et entreprises de service public, aucun des trois mots de tutelle, contrôle ou maîtrise n'est juridiquement acceptable : « le mot tutelle ne devrait être utilisé que pour décrire les relations des pouvoirs publics avec une personne morale de droit public, tel l'établissement public [-26;]. Le mot contrôle est ambigu, car il recouvre tantôt la notion de vérification, tantôt celle de pouvoir d'annulation, de réformation, voire de sanction », sauf à considérer le mot maîtrise comme le plus approprié « dans le sens de dépendance [-26;] envers les pouvoirs publics » 891.

Au demeurant, il n'existe, en droit français notamment, aucune définition juridique de la tutelle administrative, « comme si le contenu de cette notion allait de soi » 892. C'est ainsi, par exemple, que la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la Poste et des Télécommunications contenait un chapitre intitulé « De la tutelle », sans définition du terme et dans lequel étaient regroupées des dispositions relatives à la fois au contrôle économique et financier de l'État et au rôle du ministre pour « veiller au respect des lois et règlements applicables au service public des Postes et Télécommunications » 893. En revanche, la nouvelle loi du 26 juillet 1996 894, qui est intitulée explicitement « de réglementation des télécommunications », englobe sous ce terme trois volets, relatifs respectivement au service public des télécommunications, à la concurrence et à la-26; régulation !

Régulation. Le mot est lâché. Pourtant, force est de constater qu'il ne renvoie à aucune définition précise du droit positif français. Le terme de régulation n'appartient pas au vocabulaire juridique français traditionnel et semble heurter d'ailleurs un certain nombre de principes établis du droit positif 895. Il n'a fait sa première « apparition » qu'avec la loi précitée de 1996 de réglementation des télécommuni- Page219 cations 896, mais a été de nouveau utilisé par la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, qui transpose la directive « Électricité » de 1996 897.

Le terme « régulation » trouve sa source dans les locutions latines « regere » (diriger, dominer) et « regula » (règle). Il ne serait apparu dans la langue française qu'au milieu du XIXe siècle 898, notamment dans le vocabulaire scientifique pour rendre compte du fonctionnement correct d'un système complexe (corps humain, machine). Deux facteurs conjugués, entre autres, participent à l'utilisation de la notion par les juristes français : d'une part, l'influence de la littérature anglo- saxonne et, d'autre part, la banalisation de la notion par le droit communautaire.

L'influence anglo-saxonne est ici évidente. Certes, le terme de régulation défini comme l'ensemble des règles édictées dans le but de contrôler les activités des entreprises privées et publiques est certainement « aussi vieux que le gouvernement » 899, mais c'est dans la littérature anglo-saxonne contemporaine 900Page220 qu'il a trouvé sa justification économique. Pour les économistes, le terme de régulation renvoie en effet à la théorie de la régulation du capitalisme qui étudie les régimes d'accumulation et de croissance de l'économie (exemple : mode de régulation du fordisme), et qui conduit à considérer « deux formes de régulation économique » : l'État et le marché 901. La régulation économique désigne ainsi « l'ensemble des mécanismes palliant les déficiences du marché qu'engendrent les effets des monopoles naturels, l'existence de biens publics, la présence d'externalités et la persistance d'asymétries d'information » 902. Le terme a été ensuite progressivement utilisé par les juristes britanniques, créant une vraie source de confusion 903. Souvent traduit par « réglementation », le terme anglais « regulation » exprime en fait, dans son acception juridique, l'idée de contrôle. Il dépasse donc le champ d'une simple réglementation. Le parallèle avec le droit positif fran- çais devient malaisé. Il ne s'agit pas seulement de « soumettre à des règles », au sens de réglementer 904, mais aussi de réguler, c'est-à-dire de « régler un phénomène » 905. Or, le phénomène en question, s'agissant des services publics spécifiquement, s'identifie, d'une manière plus générale, à l'évolution de la société elle-même, ou du moins à l'évolution du rôle de l'État dans la société et dans l'économie : « d'un État producteur, assurant la gestion directe d'activités économiques, on passe », constate Jacques Chevallier, « à un État régulateur, qui ne se substitue plus aux agents économiques mais se borne à leur imposer certaines règles du jeu et s'efforce d'harmoniser leurs actions » 906. Page221

Or la confusion semble parfois entretenue par le droit communautaire luimême qui ne distingue pas toujours nettement les termes de réglementation et de régulation 907. Ce faisant, le droit communautaire participe au renouvellement des concepts de droit interne. La notion de « régulation » est ainsi de plus en plus utilisée par le...

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