ZZ v Secretary of State for the Home Department.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:563
Docket NumberC‑300/11
Celex Number62011CC0300
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date12 September 2012
62011CC0300

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 12 septembre 2012 ( 1 )

Affaire C‑300/11

ZZ

contre

Secretary of State for the Home Department

[demande de décision préjudicielle formée par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni)]

«Directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres — Décision d’interdire à un citoyen de l’Union l’accès au territoire d’un État membre pour des raisons de sécurité publique — Obligation d’informer le citoyen concerné des motifs de cette décision — Divulgation contraire à la sûreté de l’État — Droit à une protection juridictionnelle effective»

1.

La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 30, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE ( 2 ).

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant ZZ au Secretary of State for the Home Department (ci-après le «Secretary of State») au sujet de la décision de ce dernier d’interdire à ZZ, pour des raisons de sécurité publique, l’accès au territoire du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et de prendre à l’encontre de celui-ci une mesure d’éloignement.

3.

En invitant la Cour à décider jusqu’à quel point un État membre peut, en invoquant des exigences relatives à la sûreté de l’État, refuser de divulguer à un citoyen de l’Union les motifs de sécurité publique qui justifient une mesure d’éloignement prise à l’encontre de celui-ci par cet État, la présente affaire pose le problème délicat du juste équilibre à atteindre entre, d’une part, la nécessité pour un État membre de sauvegarder les intérêts essentiels de sa sécurité et, d’autre part, la garantie des droits procéduraux dont bénéficient les citoyens de l’Union.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

4.

L’article 27, paragraphes 1 et 2, de la directive 2004/38 dispose:

«1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques.

2. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues.»

5.

Aux termes de l’article 28, paragraphes 2 et 3, de cette directive:

«2. L’État membre d’accueil ne peut pas prendre une décision d’éloignement du territoire à l’encontre d’un citoyen de l’Union ou des membres de sa famille, quelle que soit leur nationalité, qui ont acquis un droit de séjour permanent sur son territoire sauf pour des motifs graves d’ordre public ou de sécurité publique.

3. Une décision d’éloignement ne peut être prise à l’encontre des citoyens de l’Union, quelle que soit leur nationalité, à moins que la décision ne se fonde sur des raisons impérieuses de sécurité publique définies par les États membres, si ceux-ci:

a)

ont séjourné dans l’État membre d’accueil pendant les dix années précédentes […]»

6.

L’article 30, paragraphes 1 et 2, de ladite directive prévoit:

«1. Toute décision prise en application de l’article 27, paragraphe 1, est notifiée par écrit à l’intéressé dans des conditions lui permettant d’en saisir le contenu et les effets.

2. Les motifs précis et complets d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique qui sont à la base d’une décision le concernant sont portés à la connaissance de l’intéressé, à moins que des motifs relevant de la sûreté de l’État ne s’y opposent.»

7.

Quant aux garanties procédurales, l’article 31 de la directive 2004/38 dispose:

«1. Les personnes concernées ont accès aux voies de recours juridictionnelles et, le cas échéant, administratives dans l’État membre d’accueil pour attaquer une décision prise à leur encontre pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

[…]

3. Les procédures de recours permettent un examen de la légalité de la décision ainsi que des faits et circonstances justifiant la mesure envisagée. Elles font également en sorte que la décision ne soit pas disproportionnée, notamment par rapport aux exigences posées par l’article 28.

4. Les États membres peuvent refuser la présence de l’intéressé sur leur territoire au cours de la procédure de recours, mais ils ne peuvent pas lui interdire de présenter ses moyens de défense en personne, sauf si sa comparution risque de provoquer des troubles graves à l’ordre et à la sécurité publics ou lorsque le recours porte sur un refus d’entrer sur le territoire.»

B – Le droit anglais

1. L’accès et l’interdiction d’accès au territoire du Royaume-Uni

8.

Le règlement de 2006 sur l’immigration (Espace économique européen) [Immigration (European Economic Area) Regulations 2006, ci-après le «règlement sur l’immigration»] transpose la directive 2004/38 en droit national. En vertu de l’article 11, paragraphes 1 et 5, du règlement sur l’immigration:

«(1) Un ressortissant de l’[Espace économique européen (EEE)] doit être autorisé à entrer sur le territoire du Royaume-Uni s’il produit à son arrivée une carte d’identité ou un passeport en cours de validité délivré par un État de l’EEE.

[…]

(5) Toutefois, le présent article s’applique sous réserve de l’article 19, [paragraphe] 1 […]»

9.

L’article 19 de ce règlement, intitulé «Interdiction d’accès au territoire du Royaume-Uni et éloignement», dispose, à son paragraphe 1:

«Une personne n’est pas autorisée à entrer sur le territoire du Royaume-Uni en application de l’article 11 si l’interdiction d’accès est justifiée pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique conformément à l’article 21.»

10.

L’article 25 dudit règlement dispose:

«(1) Aux fins de la présente partie, on entend par:

[…]

‘Commission’ la Commission visée dans la loi de 1997 sur la [commission spéciale des appels en matière d’immigration (Special Immigration Appeals Commission Act 1997, ci-après la «loi sur la SIAC»)] […]»

11.

L’article 28 du règlement sur l’immigration prévoit:

«(1) Un recours contre une décision EEE peut être formé devant la Commission dans les cas où les paragraphes 2 ou 4 s’appliquent.

[…]

(4) Le présent paragraphe s’applique si le Secretary of State certifie que la décision EEE a été adoptée, totalement ou en partie, sur la base d’informations qui, selon lui, ne devraient pas être rendues publiques

(a)

pour des motifs relevant de la sécurité nationale;

[…]

(8) La loi [sur la SIAC] s’applique aux recours formés devant la Commission au titre du présent règlement de la même façon qu’elle s’applique aux recours formés au titre de l’article 2 de ladite loi lorsque le paragraphe 2 dudit article s’applique (recours contre une décision en matière d’immigration), à l’exception du point i) dudit paragraphe.»

2. Les règles applicables au recours contre une décision portant interdiction d’accès

12.

En vertu de l’article 1er, paragraphe 3, de la loi sur la SIAC, la commission doit être une juridiction ordinaire supérieure.

13.

L’article 5, paragraphes 1, 3 et 6, de cette loi prévoit:

«(1) Le Lord Chancellor peut édicter des règles

[…]

(3) Les règles visées au présent article peuvent, notamment:

(a)

prévoir que la procédure devant la Commission peut se dérouler sans que tous les détails des motifs de la décision faisant l’objet du recours soient communiqués au requérant,

[…]

(6) Lors de l’élaboration des règles visées au présent article, le Lord Chancellor prend en particulier en considération:

(a)

la nécessité d’assurer que les décisions faisant l’objet d’un recours sont correctement contrôlées, et

(b)

la nécessité d’assurer que des informations ne sont pas divulguées d’une façon contraire à l’intérêt général.»

14.

L’article 6 de la loi sur la SIAC prévoit la désignation d’avocats spéciaux. À cet égard, l’article 6, paragraphe 1, de cette loi dispose que l’Attorney General peut désigner une personne habilitée à plaider devant la High Court of justice (Royaume-Uni) «afin de représenter les intérêts d’un requérant dans toute procédure devant la [commission spéciale des appels en matière d’immigration (ci-après la ‘SIAC’)] dont le requérant et tous ses représentants légaux sont exclus». L’article 6, paragraphe 4, de ladite loi prévoit, en outre, que cette personne «n’est pas responsable envers la personne dont elle est chargée de représenter les intérêts».

15.

Le règlement de procédure de 2003 de la commission spéciale des appels en matière d’immigration [Special Immigration Appeals Commission (Procedure) Rules 2003, ci-après...

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