Irène Vlassopoulou v Ministerium für Justiz, Bundes- und Europaangelegenheiten Baden-Württemberg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1990:426
Docket NumberC-340/89
Celex Number61989CC0340
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date28 November 1990
EUR-Lex - 61989C0340 - FR 61989C0340

Conclusions de l'avocat général Van Gerven présentées le 28 novembre 1990. - Irène Vlassopoulou contre Ministerium für Justiz, Bundes- und Europaangelegenheiten Baden-Württemberg. - Demande de décision préjudicielle: Bundesgerichtshof - Allemagne. - Liberté d'établissement - Reconnaissance de diplômes - Avocats. - Affaire C-340/89.

Recueil de jurisprudence 1991 page I-02357
édition spéciale suédoise page I-00189
édition spéciale finnoise page I-00201


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Le contexte

1 . Mme Irène Vlassopoulou, de nationalité grecque, a obtenu, en 1977, un diplôme de droit à l' université d' Athènes . En 1982, après avoir passé une épreuve d' admission, elle a été admise en qualité d' avocat au barreau d' Athènes . En 1982 également, à l' université de Tuebingen, elle a soutenu, magna cum laude, une thèse intitulée Der eheliche Hausrat im Familien - und Erbrecht ( Les biens du ménage dans le droit de la famille et dans le droit des successions ). Cette thèse était consacrée au droit allemand, et, entre 1978 et 1981, à titre de préparation à sa soutenance de thèse, elle a suivi un certain nombre de cours de droit allemand à la faculté de droit de Tuebingen .

Le 9 novembre 1984, elle a obtenu l' autorisation de traiter les affaires juridiques d' autrui, comprenant l' autorisation de donner des conseils juridiques (" Rechtsberatung ") conformément à l' article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, point 5, du Rechtsberatungsgesetz ( loi en matière de conseil juridique ) ( 1 ), pour le droit grec et pour le droit communautaire . Depuis juillet 1983, elle a également exercé dans le domaine du droit allemand, en collaboration avec deux avocats de Mannheim auprès desquels elle possède également un cabinet . Bien qu' elle ait conservé son inscription au barreau d' Athènes et qu' elle continue à y exercer sa profession, le centre de son activité professionnelle se situe à Mannheim . Elle a indiqué à la juridiction de renvoi que, en ce qui concerne sa pratique du droit allemand, elle exerce de manière autonome et a des contacts avec les clients, même si cela se passe sous la responsabilité et la direction de l' un des deux avocats allemands avec lesquels elle collabore . Enfin, nous mentionnerons encore que, outre sa thèse, elle a publié, dans la revue allemande IPRax, deux articles consacrés au droit grec .

2 . Le 13 mai 1988, Mme Vlassopoulou a sollicité son admission au barreau et l' autorisation d' exercer la profession d' avocat (" Rechtsanwalt" ou, dans son cas, "Rechtsanwaeltin ") auprès de l' Amtsgericht Mannheim ainsi que des Landgerichten Mannheim und Heidelberg . Toutefois, cette demande a été rejetée par le Ministerium fuer Justiz, Bundes - und Europaangelegenheiten Baden-Wuerttemberg ( ministère de la Justice, des Affaires fédérales et européennes du Land de Bade-Wurtemberg, ci-après "ministère "), au motif que l' intéressée ne remplissait pas les conditions prescrites à l' article 4 du Bundesrechtsanwaltsordnung ( 2 ) ( règlement fédéral sur la profession d' avocat, ci-après "BRAO ") pour l' accès au barreau, à savoir l' aptitude à exercer des fonctions judiciaires . Selon le Richtergesetz ( 3 ) ( loi sur le statut de la magistrature ), cette aptitude est réputée acquise par l' accomplissement d' études de droit dans une université allemande, la réussite du premier examen d' État (" Erste Staatsexamen ") et l' accomplissement d' un stage (" Vorbereitungsdienst "), sanctionné par le second examen d' État (" Zweite Staatsexamen ").

La demande de décision judiciaire contre ce refus, formée par Mme Vlassopoulou, a été rejetée par l' Ehrengerichtshof ( Conseil de l' ordre des avocats ). Mme Vlassopoulou s' est ensuite pourvue contre cette décision de rejet devant le Bundesgerichtshof, qui a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante :

"Est-il contraire à la liberté d' établissement prévue à l' article 52 du traité CEE qu' un ressortissant de la Communauté, qui est déjà admis à exercer et exerce dans son pays d' origine la profession d' avocat ( Rechtsanwalt ) et qui est admis à exercer des fonctions de conseil juridique ( Rechtsbeistand ) depuis cinq ans dans le pays d' établissement où il travaille également dans un cabinet d' avocats qui y est installé, ne puisse être admis au barreau dans le pays d' établissement qu' en application des dispositions légales de ce dernier?"

3 . Les développements qui précèdent permettent de définir clairement la question de droit posée en l' espèce : les dispositions du traité en matière de liberté d' établissement autorisent-elles un État membre ( l' État membre d' "accueil ") à refuser aux ressortissants d' un autre État membre l' accès à une profession ( en l' occurrence à la profession d' avocat ) au seul motif qu' il n' est pas satisfait formellement aux conditions imposées par cet État membre à ses propres ressortissants? Ou existe-t-il, au contraire, une obligation de prendre en compte les qualifications et l' expérience acquises dans un autre État membre ou dans l' État membre d' accueil et d' examiner si celles-ci correspondent aux qualifications et à l' expérience exigées par l' État membre d' accueil?

Avant de parcourir les observations déposées devant la Cour, pour éviter tout malentendu, nous relevons que la question de droit posée concerne la liberté d' établissement et non la libre prestation de services . En d' autres termes, il ne s' agit pas, pour Mme Vlassopoulou, d' offrir ses services en tant qu' avocat grec à des clients en République fédérale d' Allemagne ( elle y est d' ailleurs autorisée en vertu de la directive 77/249/CEE ( 4 )); il s' agit plutôt de s' établir en République fédérale d' Allemagne en qualité d' avocat au sens de la législation de cet État, c' est-à-dire en obtenant le droit au port du titre et à l' exercice de la profession de "Rechtsanwalt" ( avocat ).

La réponse à la question préjudicielle ne peut pas non plus ( encore ) être donnée en renvoyant aux règles énoncées dans la directive 89/48/CEE, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d' enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d' une durée minimale de trois ans ( 5 ), car le délai de transposition de cette directive n' expire que le 4 janvier 1991 ( 6 ).

Les observations déposées devant la Cour

4 . Les gouvernements allemand et italien ainsi que le ministère proposent de répondre par la négative à la question préjudicielle, en renvoyant à la disposition de l' article 52, deuxième alinéa, du traité et à la jurisprudence de la Cour en matière de droit d' établissement .

Lisons tout d' abord le texte de l' article 52, deuxième alinéa . Celui-ci dispose :

"La liberté d' établissement comporte l' accès aux activités non salariées et leur exercice, ... dans les conditions définies par la législation du pays d' établissement pour ses propres ressortissants ..."

Les gouvernements allemand et italien ainsi que le ministère relèvent que, contrairement aux dispositions relatives à la libre prestation de services, les dispositions relatives à la liberté d' établissement se fondent sur le principe en vertu duquel la personne qui s' installe dans un autre État est en principe soumise dans l' État membre d' accueil à toutes les obligations que cet État membre impose à ses propres ressortissants . En outre, ils soutiennent que ( comme c' est le cas en l' espèce ), en l' absence de règles communautaires spécifiques en la matière, chaque État membre a la liberté de régler l' accès et l' exercice d' une profession sur son territoire, aussi longtemps que les règles qu' il prévoit n' ont pas d' effet discriminatoire à l' égard des ressortissants des autres États membres . Ils considèrent que les arrêts Klopp ( 7 ) et Gullung ( 8 ) confirment ce point de vue . Ils en concluent que, pour être admise en qualité d' avocat ( Rechtsanwaeltin ) en République fédérale d' Allemagne, Mme Vlassopoulou doit se conformer aux règles applicables aux ressortissants allemands, c' est-à-dire qu' elle doit satisfaire aux conditions d' examen et de stage prescrites par le Richtergesetz . Toujours selon le ministère, une procédure qui permettrait de reconnaître des qualifications et une expérience acquises d' une autre manière ou d' examiner leur correspondance avec les conditions prescrites par le Richtergesetz n' existe d' ailleurs pas .

5 . L' élément central de l' argumentation de Mme Vlassopoulou peut être exprimé de la manière suivante . Déjà admise à exercer l' activité d' avocat au barreau d' Athènes, auquel elle demeure inscrite, elle entend maintenant s' établir également en qualité d' avocat en République fédérale d' Allemagne . Bien que les conditions d' examen et de stage prescrites par le Richtergesetz s' appliquent indistinctement aux personnes de nationalité allemande et aux ressortissants des autres États membres, Mme Vlassopoulou soutient que ces conditions ne peuvent pas être appliquées à un avocat d' un autre État membre sans prendre en compte les qualifications professionnelles et académiques déjà réunies par cet avocat, et en particulier les qualifications ayant trait au droit de l' État membre d' accueil . En d' autres termes, Mme Vlassopoulou ne conteste pas qu' un État membre ait le droit d' exiger certaines qualifications académiques et professionnelles pour l' accès à la profession d' avocat, mais bien le fait que les ressortissants d' autres États membres ne puissent satisfaire à ces conditions que d' une seule et unique manière . Selon Mme Vlassopoulou, cette dernière exigence entraîne une restriction injustifiée à la liberté d' établissement, à laquelle on ne peut remédier qu' en procédant à l' examen de l' équivalence des qualifications académiques et professionnelles des avocats étrangers et en permettant à ceux-ci, le cas échéant, d'...

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