European Commission v Électricité de France (EDF).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:318
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC‑124/10
Date05 June 2012
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
Celex Number62010CJ0124
62010CJ0124

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

5 juin 2012 ( *1 )

«Pourvoi — Aides d’État — Renonciation à une créance fiscale — Exonération de l’impôt sur les sociétés — Augmentation du capital social — Comportement de l’État en tant qu’investisseur privé avisé dans une économie de marché — Critères permettant de distinguer l’État agissant en tant qu’actionnaire de l’État exerçant ses prérogatives de puissance publique — Définition de l’investisseur privé de référence — Principe d’égalité de traitement — Charge de la preuve»

Dans l’affaire C-124/10 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 26 février 2010,

Commission européenne, représentée par MM. E. Gippini Fournier, B. Stromsky et D. Grespan, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenue par:

Autorité de surveillance AELE, représentée par MM. X. Lewis et B. Alterskjær, en qualité d’agents,

partie intervenante au pourvoi,

les autres parties à la procédure étant:

Électricité de France (EDF), établie à Paris (France), représentée par Me M. Debroux, avocat,

partie demanderesse en première instance,

République française, représentée par MM. G. de Bergues et J. Gstalter, en qualité d’agents,

Iberdrola SA, établie à Bilbao (Espagne), représentée par Mes J. Ruiz Calzado et É. Barbier de La Serre, avocats,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot et M. Safjan, présidents de chambre, MM. K. Schiemann, E. Juhász, G. Arestis, A. Borg Barthet, A. Arabadjiev (rapporteur), D. Šváby et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 juillet 2011,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 octobre 2011,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 décembre 2009, EDF/Commission (T-156/04, Rec. p. II-4503, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a annulé les articles 3 et 4 de la décision 2005/145/CE de la Commission, du 16 décembre 2003, relative aux aides d’État accordées par la France à EDF et au secteur des industries électriques et gazières (JO 2005, L 49, p. 9, ci-après la «décision litigieuse»).

Le cadre juridique

2

L’article 38, paragraphe 2, du code général des impôts français dispose:

«Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés.»

3

L’article 4, paragraphes I et II, de la loi no 97-1026, du 10 novembre 1997, portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (JORF du 11 novembre 1997, p. 16387), dispose:

«I. Les ouvrages du réseau d’alimentation générale en énergie électrique sont réputés constituer la propriété d’Électricité de France [(ci-après ‘EDF’)] depuis que la concession de ce réseau lui a été accordée.

II. Pour l’application des dispositions du [paragraphe] I, au 1er janvier 1997, la contre-valeur des biens en nature mis en concession du réseau d’alimentation générale figurant au passif du bilan d’[EDF] est inscrite, nette des écarts de réévaluation correspondants, au poste ‘Dotations en capital’.»

Les antécédents du litige

Le contexte général de l’affaire

4

EDF produit, transporte et distribue de l’électricité, notamment sur l’ensemble du territoire français. Établie par la loi no 46-628, du 8 avril 1946, sur la nationalisation de l’électricité et du gaz (JORF du 9 avril 1946, p. 2651), EDF était entièrement détenue par l’État au moment de l’adoption, au cours de l’année 2002, de la décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

5

L’article 36 de la loi no 46-628 a fixé le principe du transfert à EDF des concessions d’électricité nationalisées. Les différentes concessions de transport d’électricité accordées par l’État ont été unifiées en 1958 en une concession unique, dite du «réseau d’alimentation générale» (ci-après le «RAG»).

6

L’application à EDF du plan comptable général de 1982, qui comportait des règles comptables spécifiques aux concessions, a conduit, à partir de l’année 1987, à tenir compte des contraintes spécifiques auxquelles doivent faire face les concessionnaires, sur lesquels pèse une obligation de restitution des biens concédés en bon état de fonctionnement à la fin de la concession, en vertu du «principe de pérennité des services publics».

7

En application dudit plan comptable général, un plan comptable propre à EDF a été établi et approuvé par l’arrêté interministériel du 21 décembre 1986 (JORF du 30 décembre 1986, p. 15794).

8

En application de ce dernier plan comptable, le RAG a été inscrit à l’actif du bilan d’EDF au poste intitulé «Immobilisations corporelles du domaine concédé» et des provisions spécifiques au titre du renouvellement des immobilisations concédées, destinées à permettre au concessionnaire de remettre au concédant ces biens en parfait état à la fin de la concession, ont été constituées entre 1987 et 1996.

9

Les dépenses de renouvellement effectuées par EDF ont été enregistrées au bilan au poste intitulé «Contre-valeur des biens en concession». Ce poste, également appelé «Droits du concédant», représentait une dette d’EDF à l’égard de l’État français, liée à la remise gratuite des biens remplacés à la fin de la concession.

10

En 1994, la Cour des comptes française a considéré comme irrégulier le statut patrimonial du RAG et, par conséquent, ledit plan comptable. L’État français a, dès lors, entrepris de procéder à une clarification du statut patrimonial du RAG ainsi qu’à une restructuration du bilan d’EDF.

11

Le contrat d’entreprise «État-EDF 1997-2000», signé le 8 avril 1997, prévoyait une normalisation des comptes de l’entreprise et de ses relations financières avec l’État, dans la perspective de l’ouverture du marché de l’électricité prévue par la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (JO 1997, L 27, p. 20). C’est dans cette perspective qu’a été adoptée la loi no 97-1026.

12

Avant l’adoption de cette loi, le bilan d’EDF se présentait de la manière suivante:

à l’actif figurait un poste intitulé «Immobilisations corporelles du domaine concédé» à hauteur de 285,7 milliards de FRF, dont environ 90 milliards au titre du RAG;

au passif figurait un poste intitulé «Provisions» doté d’environ 38,5 milliards de FRF au titre du RAG, ainsi qu’un poste intitulé «Contre-valeur des biens mis en concession» enregistrant les dépenses de renouvellement réalisées. Ce poste s’élevait à 145,2 milliards de FRF, dont 18,3 milliards au titre du RAG.

13

En application de l’article 4 de la loi no 97-1026, la restructuration du haut de bilan d’EDF a été communiquée à EDF, le 22 décembre 1997, par une lettre du ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, du secrétaire d’État au Budget et du secrétaire d’État à l’Industrie et, en particulier, par son annexe 1. Les conséquences fiscales de cette restructuration étaient exposées à l’annexe 3 de cette lettre. Au point 34 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a résumé les opérations effectuées dans le cadre de ladite restructuration comme suit:

premièrement, les biens constituant le RAG ont été reclassés, pour 90,325 milliards de FRF, en «biens propres» et ont ainsi perdu la qualification de «biens mis en concession»;

deuxièmement, les provisions pour renouvellement du RAG non utilisées, pour un montant de 38,521 milliards de FRF, ont été comptabilisées en tant que bénéfice non distribué sans transiter par le compte de profits et pertes et ont été reclassées à hauteur de 20,225 milliards de FRF en report à nouveau des pertes, ce compte s’étant ainsi trouvé apuré et le solde de 18,296 milliards de FRF ayant été affecté aux réserves. Bien que n’ayant pas transité par le compte de résultats, ces reclassements ont donné lieu à la constatation d’un produit imposable, imposé au taux de 41,66 %, en application de l’article 38, paragraphe 2, du code général des impôts;

troisièmement, les «droits du concédant» ont été affectés directement au poste de dotations en capital pour un montant de 14,119 milliards de FRF (sur un total de 18,345 milliards de FRF) sans transiter par le compte de résultat, le solde étant inscrit dans divers comptes de réévaluation.

La procédure administrative et la décision litigieuse

14

Par lettres des 10 juillet et 27 novembre 2001, la Commission a invité les autorités françaises à lui fournir certaines informations concernant plusieurs mesures prises à l’égard d’EDF et susceptibles de comporter des éléments d’aides d’État.

15

Par la suite, des échanges ont eu lieu entre la Commission et les autorités françaises, parmi lesquels figure une lettre du 9 avril 2002, adressée à la Commission par les autorités françaises, à laquelle était annexée une note non datée de la direction générale des impôts du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie...

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