Commission européenne contre République de Pologne.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:277
Docket NumberC-791/19
Date08 April 2020
Celex Number62019CO0791(01)
CourtCourt of Justice (European Union)
2020-04-202004C108201907910-00-AUT-DOC-FR-ORD-C-0791-19-000000000-07_00
Ordonnance du 8. 4. 2020 – Affaire C‑791/19 R
Commission / Pologne

ORDONNANCE DE LA COUR (grande chambre)

8 avril 2020 ( * )

« Référé – Article 279 TFUE – Demande de mesures provisoires – Article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE – Indépendance de l’Izba Dyscyplinarna (chambre disciplinaire) du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) »

Dans l’affaire C‑791/19 R,

ayant pour objet une demande de mesures provisoires au titre de l’article 279 TFUE et de l’article 160, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, introduite le 23 janvier 2020,

Commission européenne, représentée par Mme K. Banks ainsi que par MM. H. Krämer et S. L. Kalėda, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par :

Royaume de Belgique, représenté par Mmes C. Pochet, M. Jacobs et L. Van den Broeck, en qualité d’agents,

Royaume de Danemark, représenté par Mme M. Wolff, en qualité d’agent,

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mme M. K. Bulterman et M. J. Langer, en qualité d’agents,

République de Finlande, représentée par Mme M. Pere, en qualité d’agent,

Royaume de Suède, représenté par Mmes A. Falk, C. Meyer-Seitz, H. Shev, J. Lundberg et H. Eklinder, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

contre

République de Pologne, représentée par MM. B. Majczyna et D. Kupczak ainsi que par Mmes S. Żyrek, A. Dalkowska et A. Gołaszewska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteure), vice‑présidente, MM. J.‑C. Bonichot, M. Vilaras, E. Regan, S. Rodin et P. G. Xuereb, présidents de chambre, M. E. Juhász, Mme C. Toader, MM. D. Šváby, F. Biltgen, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos, N. Piçarra et N. Wahl, juges,

l’avocat général, M. E. Tanchev, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1

Par sa demande en référé, la Commission européenne demande à la Cour :

d’ordonner à la République de Pologne, dans l’attente de l’arrêt de la Cour statuant sur le fond :

de suspendre l’application des dispositions de l’article 3, point 5, de l’article 27 et de l’article 73, paragraphe 1, de l’ustawa o Sądzie Najwyższym (loi sur la Cour suprême), du 8 décembre 2017 (Dz. U. de 2018, position 5), telle que modifiée (ci-après la « loi sur la Cour suprême »), constituant le fondement de la compétence de l’Izba Dyscyplinarna (chambre disciplinaire) du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) (ci-après la « chambre disciplinaire ») pour statuer, tant en première instance qu’en instance d’appel, dans les affaires disciplinaires relatives à des juges ;

de s’abstenir de transmettre les affaires pendantes devant la chambre disciplinaire à une formation de jugement qui ne satisfait pas aux exigences d’indépendance définies, notamment, dans l’arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, ci-après l’« arrêt A. K. », EU:C:2019:982), et

de communiquer à la Commission, au plus tard un mois après la notification de l’ordonnance de la Cour ordonnant les mesures provisoires sollicitées, toutes les mesures qu’elle aura adoptées afin de se conformer pleinement à cette ordonnance ;

de condamner la République de Pologne aux dépens de l’instance.

2

Par ailleurs, la Commission signale qu’elle se réserve le droit de soumettre une demande complémentaire visant à ce que soit ordonné le paiement d’une astreinte si jamais il découlait des informations notifiées à la Commission que la République de Pologne ne respecte pas pleinement les mesures provisoires ordonnées à la suite de sa demande en référé.

3

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit par la Commission le 25 octobre 2019 (ci-après le « recours en manquement »), tendant à faire constater que la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent :

en vertu de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE :

en permettant que le contenu des décisions judiciaires puisse être qualifié d’infraction disciplinaire concernant les juges des juridictions de droit commun [article 107, paragraphe 1, de l’ustawa – Prawo o ustroju sądów powszechnych (loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun), du 27 juillet 2001 (Dz. U. n° 98, position 1070), telle que modifiée (Dz. U. de 2019, position 1495) (ci-après la « loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun »), et article 97, paragraphes 1 et 3, de la loi sur la Cour suprême] ;

en ne garantissant pas l’indépendance et l’impartialité de la chambre disciplinaire, à laquelle incombe le contrôle des décisions rendues dans les procédures disciplinaires contre les juges [article 3, point 5, article 27 et article 73, paragraphe 1, de la loi sur la Cour suprême, en lien avec l’article 9 bis de l’ustawa o Krajowej Radzie Sądownictwa (loi sur le conseil national de la magistrature), du 12 mai 2011 (Dz. U. n° 126, position 714), telle que modifiée par l’ustawa o zmianie ustawy o Krajowej Radzie Sądownictwa oraz niektórych innych ustaw (loi portant modifications de la loi sur le conseil national de la magistrature et de certaines autres lois), du 8 décembre 2017 (Dz. U. de 2018, position 3) (ci-après la « loi sur la KRS »)] ;

en conférant au président de la chambre disciplinaire le pouvoir discrétionnaire de désigner le tribunal disciplinaire compétent en première instance dans les affaires relatives aux juges des juridictions de droit commun (article 110, paragraphe 3, et article 114, paragraphe 7, de la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun) et, partant, en ne garantissant pas que les affaires disciplinaires soient examinées par un tribunal « établi par la loi », et

en conférant au ministre de la Justice le pouvoir de nommer un agent disciplinaire du ministre de la Justice (article 112 b de la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun) et, partant, en ne garantissant pas que les affaires disciplinaires contre les juges des juridictions de droit commun soient examinées dans un délai raisonnable, ainsi qu’en prévoyant que les actes liés à la désignation d’un conseil et à la prise en charge de la défense par celui-ci n’ont pas d’effet suspensif sur le déroulement de la procédure disciplinaire (article 113 a de la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun) et que le tribunal disciplinaire mène la procédure même en cas d’absence justifiée du juge mis en cause, informé, ou de son conseil (article 115 a, paragraphe 3, de la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun), et, partant, en n’assurant pas les droits de la défense des juges des juridictions de droit commun qui sont mis en cause ;

en vertu de l’article 267, deuxième et troisième alinéas, TFUE, en permettant que le droit des juridictions de saisir la Cour de demandes de décision préjudicielle soit limité par la possibilité d’engager une procédure disciplinaire.

4

En application de l’article 161, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, la vice-présidente de la Cour a déféré la présente demande à la Cour qui, compte tenu de l’importance de cette affaire, a attribué celle‑ci à la grande chambre, conformément à l’article 60, paragraphe 1, de ce règlement.

5

Le 9 mars 2020, les parties ont été entendues en leurs observations orales lors d’une audition devant la grande chambre.

Le cadre juridique

La loi sur la Cour suprême

6

La loi sur la Cour suprême, qui est entrée en vigueur le 3 avril 2018, a institué, au sein du Sąd Najwyższy (Cour suprême), deux nouvelles chambres, parmi lesquelles la chambre disciplinaire, visée à l’article 3, point 5, de cette loi.

7

L’article 20 de ladite loi énonce :

« S’agissant de la chambre disciplinaire et des juges qui siègent au sein de celle-ci, les prérogatives du premier président du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] telles que définies :

à l’article 14, paragraphe 1, points 1, 4 et 7, à l’article 31, paragraphe 1, à l’article 35, paragraphe 2, à l’article 36, paragraphe 6, à l’article 40, paragraphes 1 et 4, et à l’article 51, paragraphes 7 et 14, sont exercées par le président du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] qui dirige les travaux de la chambre disciplinaire ;

à l’article 14, paragraphe 1, point 2, et à l’article 55, paragraphe 3, deuxième phrase, sont exercées par le premier président du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] en accord avec le président du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] qui dirige les travaux de la chambre disciplinaire. »

8

L’article 27, paragraphe 1, de la même loi prévoit :

« Relèvent de la compétence de la chambre disciplinaire :

1) les affaires disciplinaires :

a) concernant les juges du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)],

b) examinées par le [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] en rapport avec des procédures disciplinaires menées en vertu des lois suivantes :

[...]

loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun du 27 juillet 2001,

[...]

2) les affaires en matière de droit du travail et des assurances sociales concernant les juges du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] ;

3) les affaires relatives à la mise à la retraite d’un juge du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)]. »

9

L’article 73, paragraphe 1, de la loi sur la Cour suprême dispose :

« Les juridictions disciplinaires dans les affaires disciplinaires concernant des juges du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] sont :

1) en première instance : le [Sąd Najwyższy (Cour suprême)], en formation de deux juges de la chambre disciplinaire et d’un juré du...

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