Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real v RH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:119
Docket NumberC-836/18
Date27 February 2020
Celex Number62018CJ0836
CourtCourt of Justice (European Union)

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

27 février 2020(*)

« Renvoi préjudiciel – Article 20 TFUE – Citoyenneté de l’Union européenne – Citoyen de l’Union n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation – Demande de carte de séjour temporaire du conjoint, ressortissant d’un pays tiers – Rejet – Obligation de subvenir aux besoins du conjoint – Absence de ressources suffisantes du citoyen de l’Union – Obligation des conjoints de vivre ensemble – Législation et pratique nationales – Jouissance effective de l’essentiel des droits conférés aux citoyens de l’Union – Privation »

Dans l’affaire C‑836/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Superior de Justicia de Castilla-La Mancha (Cour supérieure de justice de Castille-La Manche, Espagne), par décision du 30 novembre 2018, parvenue à la Cour le 28 décembre 2018, dans la procédure

Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real

contre

RH,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. I. Jarukaitis, E. Juhász, M. Ilešič et C. Lycourgos (rapporteur), juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour RH, par Mes P. García Valdivieso Manrique et A. Ceballos Cabrillo, abogados,

– pour le gouvernement espagnol, par M. S. Jiménez García, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement danois, par M. J. Nymann-Lindegren ainsi que par Mmes M. Wolff et P. Ngo, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. K. Bulterman et M. J. Hoogveld, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mmes I. Martínez del Peral et E. Montaguti, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 novembre 2019,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 20 TFUE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real (sous-délégation du gouvernement à Ciudad Real, Espagne) (ci-après la « sous-délégation ») à RH au sujet du rejet, par la sous-délégation, de la demande, introduite par RH, d’une carte de séjour en tant que membre de la famille d’un citoyen de l’Union européenne.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 3 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34), dispose, à son paragraphe 1 :

« La présente directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2), qui l’accompagnent ou le rejoignent. »

4 L’article 7 de cette directive prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois :

[...]

b) s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil, ou,

[...]

d) si c’est un membre de la famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l’Union qui lui-même satisfait aux conditions énoncées aux points a), b) ou c).

2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s’étend aux membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un État membre lorsqu’ils accompagnent ou rejoignent dans l’État membre d’accueil le citoyen de l’Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c). »

Le droit espagnol

5 L’article 32 de la Constitution prévoit :

« 1. L’homme et la femme ont le droit de se marier en pleine égalité juridique.

2. La loi réglemente les formes de mariage, l’âge et la capacité pour se marier, les droits et devoirs des époux, les causes de séparation et de dissolution et leurs effets »

6 L’article 68 du Código Civil (code civil) dispose :

« Les conjoints sont tenus de vivre ensemble, ils se doivent fidélité et assistance mutuelle. En outre, ils doivent partager les responsabilités domestiques ainsi que les soins aux ascendants et descendants et aux autres personnes à leur charge. »

7 L’article 70 dudit code prévoit :

« Les conjoints établissent d’un commun accord le lieu du domicile conjugal et, en cas de désaccord, la question est tranchée par le juge, qui tient compte de l’intérêt de la famille »

8 Dans sa version applicable, l’article 1er du Real Decreto 240/2007, sobre entrada, libre circulación y residencia en España de ciudadanos de los Estados miembros de la Unión europea y de otros Estados parte en el Acuerdo sobre el Espacio Económico Europeo (décret royal 240/2007, sur l’entrée, la liberté de circulation et le séjour en Espagne des citoyens des États membres de l’Union européenne et des autres États parties à l’Accord sur l’Espace économique européen), du 16 février 2007, dispose :

« 1. Le présent décret royal régit les conditions pour l’exercice des droits d’entrée et de sortie, de libre circulation, de séjour, de séjour permanent et de travail en Espagne pour les ressortissants d’autres États membres de l’Union européenne et des autres États parties à l’accord sur l’Espace économique européen, ainsi que les limites des droits précités pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

2. Le contenu du présent décret royal s’entend sans préjudice des dispositions des lois spéciales et des traités internationaux auxquels [le Royaume d’Espagne] est partie. »

9 L’article 2 de ce décret royal prévoit :

« Le présent décret royal s’applique également, dans les termes qui y sont prévus, aux membres de la famille d’un ressortissant d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, quelle que soit leur nationalité, lorsqu’ils l’accompagnent ou le rejoignent, et qui sont énumérés ci-après :

le conjoint, à condition qu’il n’y ait pas eu d’accord ou de déclaration de nullité du mariage, divorce ou séparation de corps.

[...] »

10 Aux termes de l’article 7 dudit décret royal :

« 1. Tout citoyen de l’Union ou ressortissant d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen a le droit de séjourner sur le territoire de l’État espagnol pour une durée de plus de trois mois :

[...]

b) s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’Espagne au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète en Espagne ; ou,

[...]

d) si c’est un membre de la famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l’Union ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui lui-même satisfait aux conditions énoncées aux points a), b) ou c).

2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s’étend aux membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un État membre lorsqu’ils accompagnent ou rejoignent en Espagne le citoyen de l’Union ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c).

[...]

7. En ce qui concerne les moyens de subsistance suffisants, un montant fixe ne saurait être établi, il y a lieu de tenir compte de la situation personnelle des ressortissants de l’État membre de l’Union européenne ou de l’autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen. En tout état de cause, ce montant ne saurait être supérieur au niveau de ressources financières en dessous duquel les espagnols reçoivent une assistance sociale ou au montant de la pension minimale de sécurité sociale ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11 Le 13 novembre 2015, RH, ressortissant marocain majeur, s’est marié, à Ciudad Real (Espagne), avec une ressortissante espagnole majeure n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation au sein de l’Union. La légalité de ce mariage n’a jamais été mise en cause. Depuis lors, les époux vivent ensemble à Ciudad Real en compagnie du père de la ressortissante espagnole.

12 Le 23 novembre 2015, RH a introduit une demande d’obtention d’une carte de séjour temporaire en tant que membre de la famille d’un citoyen de l’Union.

13 Le 20 janvier 2016, cette demande a été rejetée par l’autorité administrative compétente au motif que l’épouse de RH n’avait pas établi qu’elle satisfaisait aux conditions prévues à l’article 7 du décret royal 240/2007. Plus particulièrement, il fut considéré que l’épouse de RH n’avait pas démontré qu’elle disposait des ressources financières suffisantes pour subvenir aux besoins de son époux alors que, en vertu dudit article 7, l’obligation de disposer de telles ressources lui incombait exclusivement.

14 Il ressort de la décision de renvoi que l’autorité administrative compétente n’a examiné aucune autre circonstance susceptible d’affecter la relation réelle des époux, ni analysé la répercussion qu’aurait, sur la ressortissante espagnole, le fait que son époux soit tenu de quitter le territoire de l’Union. Ladite autorité n’a pas davantage pris en compte le fait que le père de la ressortissante espagnole se soit engagé à couvrir les frais résultant du séjour de RH en Espagne, l’offre et le justificatif des ressources financières du père de...

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