Giuseppe Atzeni and Others (C-346/03), Marco Scalas and Renato Lilliu (C-529/03) v Regione autonoma della Sardegna.
Jurisdiction | European Union |
ECLI | ECLI:EU:C:2006:130 |
Date | 23 February 2006 |
Celex Number | 62003CJ0346 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Docket Number | C-346/03,C-529/03 |
Affaires jointes C-346/03 et C-529/03
Giuseppe Atzeni e.a.
contre
Regione autonoma della Sardegna
(demandes de décision préjudicielle, introduites par
le Tribunale di Cagliari, sezione civile)
«Aides d'État — Décision 97/612/CE — Bonification de prêts en faveur d'entreprises agricoles — Article 92, paragraphes 2, sous b), et 3, sous a) et c), du traité CE [devenu, après modification, article 87, paragraphes 2, sous b), et 3, sous a) et c), CE] — Recevabilité — Base juridique — Confiance légitime»
Conclusions de l'avocat général M. D. Ruiz-Jarabo Colomer, présentées le 28 avril 2005
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 23 février 2006
Sommaire de l'arrêt
1. Aides accordées par les États — Décision de la Commission constatant l'incompatibilité d'une aide avec le marché commun et ordonnant sa restitution
(Traité CE, art. 93 (devenu art. 88 CE) et art. 173, al. 5 (devenu, après modification, art. 230, al. 5, CE))
2. Aides accordées par les États — Examen par la Commission
(Traité CE, art. 38 et 92 (devenus, après modification, art. 32 CE et 87 CE), et art. 42 et 93 (devenus art. 36 CE et 88 CE); règlements du Conseil nºs 26 et 797/85)
3. Aides accordées par les États — Aides existantes et aides nouvelles
4. Aides accordées par les États — Examen par la Commission
(Règlement du Conseil nº 659/1999)
5. Aides accordées par les États — Récupération d'une aide illégale
(Traité CE, art. 93, § 3 (devenu art. 88, § 3, CE))
6. Aides accordées par les États — Décision de la Commission constatant l'incompatibilité d'une aide non notifiée avec le marché commun
(Traité CE, art. 93, § 3, et 190 (devenus art. 88, § 3, CE et 253 CE))
7. Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Portée — Interprétation stricte
(Traité CE, art. 92, § 2, b) (devenu, après modification, art. 87, § 2, b), CE))
8. Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Aides destinées à favoriser ou à faciliter le développement économique de certaines régions ou de certaines activités
(Traité CE, art. 92, § 3, a) et c) (devenu, après modification, art. 87, § 3, a) et c), CE))
1. Les exigences de sécurité juridique, et plus particulièrement celles qui découlent du principe de l'autorité de la chose définitivement jugée, conduisent à exclure la possibilité, pour le bénéficiaire d'une aide, objet d'une décision de la Commission adoptée sur le fondement de l'article 93 du traité (devenu article 88 CE), qui aurait pu attaquer cette décision et qui a laissé s'écouler le délai impératif prévu à cet égard à l'article 173, cinquième alinéa, du traité (devenu, après modification, article 230, cinquième alinéa, CE), de remettre en cause la légalité de celle-ci devant les juridictions nationales à l'occasion d'un recours dirigé contre les mesures d'exécution de cette décision, prises par les autorités nationales. Admettre que, dans de telles circonstances, l'intéressé puisse s'opposer, devant la juridiction nationale, à l'exécution de la décision en se fondant sur l'illégalité de celle-ci reviendrait à lui reconnaître la faculté de contourner le caractère définitif que revêt à son égard la décision après l'expiration des délais de recours.
Tel est, en particulier, le cas lorsque la décision de la Commission adressée à l'État membre concerné mentionne expressément le bénéficiaire de l'aide individuelle en cause et que cet État a communiqué à ce dernier ladite décision en lui indiquant qu'il pouvait introduire un recours en annulation à l'encontre de celle-ci.
En revanche, il en va différemment lorsque la décision contestée, adressée à l'État membre, porte sur des régimes d'aides destinées à des catégories de personnes définies de manière générale et non à des bénéficiaires expressément identifiés, et que ladite décision n'a été notifiée par cet État membre à aucun bénéficiaire des aides en cause. Dans ce dernier cas, il n'est, en effet, pas manifeste qu'un recours en annulation à l'encontre de la décision contestée introduit par les bénéficiaires de telles aides aurait été recevable et il y a lieu, dès lors, de considérer que des demandes de décision préjudicielle émanant d'une juridiction nationale devant laquelle lesdits bénéficiaires contestent la validité de la décision et relatives à cette validité sont recevables.
(cf. points 31-34)
2. Il résulte des dispositions de l'article 42 du traité (devenu article 36 CE) que les règles en matière de concurrence ne sont applicables à la production et au commerce des produits agricoles, tels que définis à l'article 38 du traité (devenu, après modification, article 32 CE), que dans la mesure déterminée par le Conseil. Ce dernier a adopté différents règlements, principalement le règlement nº 26, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles, des règlements portant organisation commune de marchés, qui traitent du régime des aides, ainsi que divers autres règlements, en particulier le règlement nº 797/85, concernant l'amélioration de l'efficacité des structures de l'agriculture, qui en traite également. Par conséquent, pour apprécier si, en se prononçant sur des mesures d'aides au regard de l'article 92 du traité (devenu, après modification, article 87 CE) et de l'article 93 du traité (devenu article 88 CE), la Commission a fondé sa décision sur une base juridique correcte et était compétente pour adopter celle-ci, il faut déterminer si les produits concernés par lesdites mesures d'aides sont des produits agricoles au sens de l'article 38 du traité et, dans cette hypothèse, à la lumière des règlements éventuellement applicables, dans quelle mesure ils sont soumis aux dispositions du traité en matière d'aides d'État. De fait, seuls les produits agricoles non soumis à une organisation commune de marchés relèvent des dispositions du traité sur les aides d'État dont l'application est limitée par le règlement nº 26.
(cf. points 37-42, 48)
3. Doivent être considérées comme des aides nouvelles les mesures prises après l'entrée en vigueur du traité qui tendent à instituer ou à modifier des aides, étant précisé que les modifications peuvent porter soit sur des aides existantes, soit sur des projets initiaux notifiés à la Commission. Par conséquent, la simple mention dans une loi postérieure à l'entrée en vigueur du traité d'une loi antérieure à cette date ne suffit aucunement à établir que les mesures d'aides instaurées par la première sont fondées sur la seconde et constituent des aides existantes, dès lors que la loi à laquelle il est ainsi fait référence a été amendée et complétée ultérieurement.
(cf. points 51-52)
4. Si, jusqu'à l'adoption du règlement nº 659/1999, portant modalités d'application de l'article 93 du traité (devenu article 88 CE), la Commission n'était pas soumise à des délais spécifiques pour l'examen de mesures d'aides, elle devait néanmoins, en l'absence de textes à ce sujet, s'attacher à ne pas retarder indéfiniment l'exercice de ses pouvoirs afin de respecter l'exigence fondamentale de la sécurité juridique.
(cf. point 61)
5. Compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides étatiques exercé par la Commission au titre de l'article 93 du traité (devenu article 88 CE), les entreprises bénéficiaires d'une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par ledit article. En effet, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s'assurer que cette procédure a été respectée. Lorsqu'une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, de sorte qu'elle est illégale en vertu de l'article 93, paragraphe 3, du traité, le bénéficiaire de cette aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l'octroi de celle-ci.
(cf. points 64-65)
6. Dans le cas d'aides qui n'ont pas été notifiées à la Commission à l'état de projet, celle-ci est tenue d'évoquer, dans les motifs de sa décision, à tout le moins les circonstances dans lesquelles ces aides ont été accordées, lorsqu'elles permettent de démontrer que lesdites aides sont de nature à affecter les échanges entre États membres, mais elle n'est pas tenue de faire la démonstration de l'effet réel d'aides déjà accordées. Si tel était le cas, en effet, cette exigence aboutirait à favoriser les États membres qui versent des aides en violation du devoir de notification prévu à l'article 93, paragraphe 3, du traité (devenu article 88, paragraphe 3, CE), au détriment de ceux qui notifient les aides à l'état de projet.
(cf. point 74)
7. L'article 92, paragraphe 2, sous b), du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 2, sous b), CE) prévoit que les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou d'autres événements extraordinaires sont compatibles avec le marché commun. S'agissant d'une dérogation au principe général d'incompatibilité des aides d'État avec le marché commun, cette disposition doit faire l'objet d'une interprétation stricte. Seuls peuvent ainsi être compensés, au sens de cette disposition, les désavantages causés directement par des calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires. Il s'ensuit qu'un lien direct entre les dommages causés par l'événement extraordinaire et l'aide d'État doit exister et qu'une évaluation aussi précise que possible des dommages subis par les producteurs concernés est nécessaire.
(cf. point 79)
8. La Commission jouit, pour l'appréciation de la validité des aides au regard des dispositions de l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c), du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE), relatives aux aides destinées à favoriser ou à faciliter le développement économique de certaines régions ou de certaines activités, d'un large pouvoir d'appréciation dont l'exercice implique des évaluations d'ordre...
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