Laboratoires Boiron SA v Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) de Lyon, assuming the rights and obligations of the Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62004CJ0526 |
ECLI | ECLI:EU:C:2006:528 |
Docket Number | C-526/04 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Date | 07 September 2006 |
Affaire C-526/04
Laboratoires Boiron SA
contre
Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) de Lyon, venant aux droits et obligations de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)
(demande de décision préjudicielle, introduite par la Cour de cassation (France))
«Aides d'État — Articles 87 et 88, paragraphe 3, CE — Taxe sur les ventes directes de médicaments — Assujettissement des laboratoires pharmaceutiques et non des grossistes répartiteurs — Interdiction de mettre à exécution une mesure d'aide non notifiée — Possibilité d'exciper de l'illégalité d'une mesure d'aide pour obtenir le remboursement d'une taxe — Compensation représentant la contrepartie d'obligations de service public imposées aux grossistes répartiteurs — Charge de la preuve d'une surcompensation — Modalités prévues par le droit national — Interdiction de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile le remboursement de la taxe»
Conclusions de l'avocat général M. A. Tizzano, présentées le 30 mars 2006
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 7 septembre 2006
Sommaire de l'arrêt
1. Aides accordées par les États — Projets d'aides — Interdiction de mise à exécution avant la décision finale de la Commission — Portée — Obligations des juridictions nationales
(Art. 87, § 1, CE et 88, § 3, CE)
2. Aides accordées par les États — Récupération d'une aide illégale
(Art. 88, § 2, al. 1, CE)
1. Une mesure d'aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, mise à exécution en méconnaissance des obligations découlant de l'article 88, paragraphe 3, CE, est illégale. Il appartient aux juridictions nationales de sauvegarder les droits des justiciables face à une éventuelle méconnaissance, de la part des autorités nationales, de l'interdiction de mise à exécution des aides, en tirant toutes les conséquences, conformément à leur droit national, en ce qui concerne tant la validité des actes comportant mise à exécution des mesures d'aide en cause que le recouvrement des soutiens financiers accordés.
Si les redevables d'une taxe ne sauraient exciper de ce que l'exonération dont bénéficient d'autres entreprises constitue une aide d'État pour se soustraire au paiement de ladite taxe ou pour en obtenir le remboursement, cela n'est vrai que lorsqu'il s'agit d'une exonération au bénéfice de certains opérateurs d'une taxe ayant une portée générale. La situation est tout autre lorsqu'il s'agit d'une taxe à laquelle n'est assujettie qu'une seule des deux catégories d'opérateurs en situation concurrentielle. Dans un tel cas d'assujettissement asymétrique à une taxe, l'aide peut, en effet, résulter du fait qu'une autre catégorie d'opérateurs économiques, avec laquelle la catégorie taxée est en rapport direct de concurrence, n'est pas assujettie à ladite taxe.
C'est ainsi que, dans un système où il existe deux circuits directement concurrents de distribution des médicaments, à savoir, d'une part, celui des grossistes répartiteurs et, d'autre part, celui des laboratoires pharmaceutiques qui pratiquent la vente directe, et dans lequel le non-assujettissement des grossistes répartiteurs à la taxe sur les ventes directes constitue un objectif délibéré, voire l'objectif principal de ladite taxe, la taxe sur les ventes directes visant, notamment, à rééquilibrer les conditions de concurrence entre les deux circuits de distribution des médicaments, lesquelles sont, selon le législateur, faussées par l'existence d'obligations de service public qui sont imposées aux seuls grossistes répartiteurs, l'assujettissement d'un laboratoire pharmaceutique à une telle taxe est susceptible de constituer un acte comportant la mise à exécution d'une mesure d'aide et il incombe donc, le cas échéant, au juge national d'en tirer toutes les conséquences, conformément à son droit national, en ce qui concerne la validité d'un tel acte, dès lors que le non-assujettissement des grossistes répartiteurs entraîne une surcompensation à leur profit, dans la mesure où l'avantage que ces derniers en tirent excède les surcoûts qu'ils supportent pour l'accomplissement des obligations de service public qui leur sont imposées.
C'est pourquoi, dans un tel cas de figure, où c'est la taxe sur les ventes directes elle-même, et non une quelconque exonération dissociable de celle-ci, qui constitue la mesure d'aide en cause, il y a lieu d'admettre qu'un laboratoire pharmaceutique, redevable d'une telle contribution, est en droit d'exciper de ce que l'absence d'assujettissement des grossistes répartiteurs à cette contribution constitue une aide d'État pour obtenir la restitution de la partie des sommes versées qui correspond à l'avantage économique injustement obtenu par les grossistes répartiteurs. Cela n'a pas pour conséquence de conduire le juge national à permettre que le nombre des bénéficiaires de l'aide soit élargi. Au contraire, un tel remboursement constitue une mesure particulièrement adéquate pour réduire le nombre d'opérateurs économiques lésés par la mesure réputée constituer une aide et, partant, pour limiter les effets anticoncurrentiels de celle-ci. Accorder à un opérateur économique le droit d'exciper de l'illégalité d'une taxe en pareilles circonstances, pour obtenir le remboursement des sommes versées au titre de celle-ci, est, par ailleurs, cohérent avec les principes qui sous-tendent la jurisprudence de la Cour en matière de taxes parafiscales.
(cf. points 29-30, 32-41, 46, 48, disp. 1)
2. En l'absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l'effet direct du droit communautaire, pour autant que, par application du principe d'équivalence, ces modalités ne sont pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne et que, par application du principe d'effectivité, elles ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire.
À cet égard, le droit communautaire ne s'oppose pas à l'application de règles du droit national qui subordonnent le remboursement d'une contribution obligatoire, telle que la taxe sur les ventes directes de médicaments supportée en France par les laboratoires pharmaceutiques, à la preuve, incombant à l'auteur de la demande de remboursement, que l'avantage tiré par les grossistes répartiteurs de leur non-assujettissement à cette contribution excède les surcoûts qu'ils supportent pour l'accomplissement des obligations de service public qui leur sont imposées par la réglementation nationale et, en particulier, que l'une au moins des conditions dites «Altmark» n'est pas réunie.
Toutefois, afin d'assurer le respect du principe d'effectivité, le juge national, s'il constate que le fait de faire supporter à un laboratoire pharmaceutique la charge de la preuve de l'existence d'une surcompensation au profit des grossistes répartiteurs, et donc du caractère d'aide d'État de la taxe sur les ventes directes, est susceptible de rendre impossible ou excessivement difficile l'administration d'une telle preuve, du fait, notamment, que celle-ci porte sur des données dont un tel laboratoire ne peut disposer, est tenu d'avoir recours à tous les moyens procéduraux mis à sa disposition par le droit national, au nombre desquels figure celui d'ordonner les mesures d'instruction nécessaires, y compris la production par l'une des parties ou par un tiers d'un acte ou d'une pièce.
(cf. points 51, 56-57, disp. 2)
ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
7 septembre 2006 (*)
«Aides d’État – Articles 87 et 88, paragraphe 3, CE – Taxe sur les ventes directes de médicaments – Assujettissement des laboratoires pharmaceutiques et non des grossistes répartiteurs – Interdiction de mettre à exécution une mesure d’aide non notifiée – Possibilité d’exciper de l’illégalité d’une mesure d’aide pour obtenir le remboursement d’une taxe – Compensation représentant la contrepartie d’obligations de service public imposées aux grossistes répartiteurs – Charge de la preuve d’une surcompensation – Modalités prévues par le droit national – Interdiction de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile le remboursement de la taxe»
Dans l’affaire C-526/04,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Cour de cassation (France), par décision du 14 décembre 2004, parvenue à la Cour le 29 décembre 2004, dans la procédure
Laboratoires Boiron SA
contre
Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) de Lyon, venant aux droits et obligations de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS),
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. C. W. A. Timmermans (rapporteur), président de chambre, M. J. Makarczyk, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. P. Kūris et G. Arestis, juges,
avocat général: M. A. Tizzano,
greffier: Mme K. Sztranc, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 octobre 2005,
considérant les observations présentées:
– pour les Laboratoires Boiron SA, par Mes A. Lyon-Caen, J. Philippe, C.‑M. Dorémus et O. Cavézian, avocats,
– pour l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) de Lyon, venant aux droits et obligations de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), par Mes H. Calvet et O. Billard, avocats,
– pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme S. Ramet, en qualité d’agents,
– pour la Commission des Communautés européennes, par M. V. Di Bucci, en qualité d’agent,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 mars 2006,
rend le présent
Arrêt
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