P.I. v Oberbürgermeisterin der Stadt Remscheid.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:300
Date22 May 2012
Celex Number62009CJ0348
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑348/09
62009CJ0348

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

22 mai 2012 ( *1 )

«Libre circulation des personnes — Directive 2004/38/CE — Article 28, paragraphe 3, sous a) — Décision d’éloignement — Condamnation pénale — Raisons impérieuses de sécurité publique»

Dans l’affaire C-348/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par l’Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen (Allemagne), par décision du 20 août 2009, parvenue à la Cour le 31 août 2009, dans la procédure

P. I.

contre

Oberbürgermeisterin der Stadt Remscheid,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, U. Lõhmus, présidents de chambre, MM. A. Rosas, E. Levits, A. Ó Caoimh, L. Bay Larsen, T. von Danwitz, A. Arabadjiev et Mme C. Toader, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 janvier 2012,

considérant les observations présentées:

pour M. I., par Mes G. L. Pagliaro et A. Caramazza, Rechtsanwälte,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

pour le gouvernement belge, par Mme L. Van den Broeck, en qualité d’agent,

pour le gouvernement danois, par M. C. Vang, en qualité d’agent,

pour le gouvernement estonien, par Mme M. Linntam, en qualité d’agent,

pour le gouvernement irlandais, par MM. D. O’Hagan et J. Kenny, en qualité d’agents, assistés de M. D. Conlan Smyth, barrister,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Varone, avvocato dello Stato,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et M. Noort, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. M. Szpunar, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mmes D. Maidani et S. Grünheid, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 mars 2012,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 28, paragraphe 3, sous a), de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. I., de nationalité italienne, à l’Oberbürgermeisterin der Stadt Remscheid (Allemagne) au sujet de la décision de cette dernière constatant la perte du droit d’entrer et de séjourner de M. I. sur le territoire allemand et lui enjoignant de quitter celui-ci sous peine d’être expulsé vers l’Italie.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2004/38

3

Aux termes des vingt-troisième et vingt-quatrième considérants de la directive 2004/38:

«(23)

L’éloignement des citoyens de l’Union et des membres de leur famille pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique constitue une mesure pouvant nuire gravement aux personnes qui, ayant fait usage des droits et libertés conférés par le traité [CE], se sont véritablement intégrées dans l’État membre d’accueil. Il convient dès lors de limiter la portée de ces mesures, sur la base du principe de proportionnalité, afin de tenir compte du degré d’intégration des personnes concernées, de la durée de leur séjour dans l’État membre d’accueil, de leur âge, de leur état de santé, de leur situation familiale et économique et de leurs liens avec leur pays d’origine.

(24)

En conséquence, plus l’intégration des citoyens de l’Union et des membres de leur famille est forte dans l’État membre d’accueil et plus forte devrait être la protection contre l’éloignement. C’est uniquement dans des circonstances exceptionnelles, pour des motifs impérieux de sécurité publique, qu’une mesure d’éloignement peut être prise contre des citoyens de l’Union ayant séjourné pendant de longues années sur le territoire de l’État membre d’accueil, notamment lorsqu’ils y sont nés et y ont séjourné toute leur vie. En outre, de telles circonstances exceptionnelles devraient également s’appliquer aux mesures d’éloignement prises à l’encontre de mineurs, afin de protéger leurs liens avec leur famille, conformément à la convention des Nations unies sur les droits de l’enfant, du 20 novembre 1989.»

4

L’article 27, paragraphes 1 et 2, de ladite directive énonce:

«1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques.

2. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues.»

5

L’article 28 de la même directive est libellé comme suit:

«1. Avant de prendre une décision d’éloignement du territoire pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique, l’État membre d’accueil tient compte notamment de la durée du séjour de l’intéressé sur son territoire, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle dans l’État membre d’accueil et de l’intensité de ses liens avec son pays d’origine.

2. L’État membre d’accueil ne peut pas prendre une décision d’éloignement du territoire à l’encontre d’un citoyen de l’Union ou des membres de sa famille, quelle que soit leur nationalité, qui ont acquis un droit de séjour permanent sur son territoire sauf pour des motifs graves d’ordre public ou de sécurité publique.

3. Une décision d’éloignement ne peut être prise à l’encontre des citoyens de l’Union, quelle que soit leur nationalité, à moins que la décision ne se fonde sur des raisons impérieuses de sécurité publique définies par les États membres, si ceux-ci:

a)

ont séjourné dans l’État membre d’accueil pendant les dix années précédentes, ou

b)

sont mineurs, sauf si l’éloignement est nécessaire dans l’intérêt de l’enfant, comme prévu dans la convention des Nations unies sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989.»

6

L’article 33 de la directive 2004/38 prévoit:

«1. L’État membre d’accueil ne peut ordonner une mesure d’éloignement du territoire à titre de peine ou de mesure accessoire à une peine de détention que dans le respect des exigences résultant des articles 27, 28 et 29.

2. Lorsqu’une décision d’éloignement, telle que visée au paragraphe 1, est exécutée plus de deux ans après qu’elle a été prise, l’État membre vérifie l’actualité et la réalité de la menace pour l’ordre public ou la sécurité publique que représente la personne concernée, et évalue si un changement matériel des circonstances est intervenu depuis le moment où la décision d’éloignement avait été prise.»

La directive 2011/93/UE

7

La directive 2011/93/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, relative à la lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie et remplaçant la décision-cadre 2004/68/JAI du Conseil (JO L 335, p. 1), a pour objet d’établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans le domaine des abus sexuels et de l’exploitation sexuelle des enfants, de la pédopornographie et de la sollicitation d’enfants à des fins sexuelles. Elle introduit également des dispositions afin de renforcer la prévention de ce type de criminalité et la protection de ceux qui en sont victimes.

La réglementation nationale

8

La loi sur la libre circulation des citoyens de l’Union (Gesetz über die allgemeine Freizügigkeit von Unionsbürgern), du 30 juillet 2004 (BGBl. 2004 I, p. 1950), dans sa version résultant de la loi portant modification de la loi sur la police fédérale et d’autres lois (Gesetz zur Änderung des Bundespolizeigesetzes und anderer Gesetze), du 26 février 2008 (BGBl. 2008 I, p. 215), dispose à son article 6:

«(1)

Sans préjudice de l’article 5, paragraphe 5, la perte du droit visé à l’article 2, paragraphe 1, ne peut être constatée, l’attestation relative au droit de séjour de droit communautaire ou de séjour permanent confisquée et la carte de séjour ou de séjour permanent révoquée que pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique (articles 39, paragraphe 3, et 46, paragraphe 1, du traité […]). L’entrée sur le territoire peut également être refusée pour les motifs précités. Une raison de santé publique ne peut être constatée que si la maladie intervient au cours...

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