Italian Republic v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:768
CourtCourt of Justice (European Union)
Date15 December 2005
Docket NumberC-66/02
Procedure TypeRecours en annulation - irrecevable
Celex Number62002CJ0066

Affaire C-66/02

République italienne

contre

Commission des Communautés européennes

«Recours en annulation — Aides d'État — Décision 2002/581/CE — Avantages fiscaux octroyés aux banques — Motivation de la décision — Qualification d'aide d'État — Conditions — Compatibilité avec le marché commun — Conditions — Projet important d'intérêt européen commun — Développement de certaines activités»

Conclusions de l'avocat général Mme C. Stix-Hackl, présentées le 8 septembre 2005

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 15 décembre 2005

Sommaire de l'arrêt

1. Recours en annulation — Moyens — Défaut ou insuffisance de motivation — Moyen distinct de celui portant sur la légalité au fond

(Art. 230 CE et 253 CE)

2. Aides accordées par les États — Notion — Mesures fiscales d'exonération, de réduction d'impôts ou de report de paiement pour certaines opérations de restructuration bancaire — Inclusion

(Art. 87, § 1, CE)

3. Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Examen d'un régime d'aides pris dans sa globalité — Admissibilité — Conséquence

(Art. 87, § 1, CE)

4. Aides accordées par les États — Notion — Caractère sélectif de la mesure — Mesure fiscale profitant uniquement à des entreprises du secteur bancaire réalisant certaines opérations — Inclusion

(Art. 87, § 1, CE)

5. Aides accordées par les États — Affectation des échanges entre États membres — Atteinte à la concurrence — Critères d'appréciation

(Art. 87, § 1, CE)

6. Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Aides contribuant à la réalisation d'un projet important d'intérêt commun — Aides visant au développement d'un secteur d'activité économique — Pouvoir d'appréciation de la Commission — Contrôle juridictionnel — Limites

(Art. 87, § 3, b) et c), CE)

1. Dans le cadre d'un recours en annulation, la question du bien-fondé de la motivation d'un acte relève de la légalité au fond de celui-ci. Partant, une contestation du bien-fondé de cette motivation ne peut être examinée au stade du contrôle du respect de l'obligation édictée par l'article 253 CE.

(cf. points 26, 55)

2. La notion d'aide est plus générale que celle de subvention, parce qu'elle comprend non seulement des prestations positives, telles que les subventions elles-mêmes, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques. Il en découle qu'une mesure par laquelle les autorités publiques accordent à certaines entreprises une exonération fiscale qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d'État, place les bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que les autres contribuables, constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE. De même, peut constituer une aide d'État une mesure accordant à certaines entreprises une réduction d'impôt ou un report du paiement de l'impôt normalement dû.

Tel est le cas, dans le cadre d'une réglementation fiscale visant des opérations de restructuration bancaire, des mesures emportant soit une réduction d'impôt liée à l'application d'un taux minoré ou à la substitution d'une taxe fixe aux impôts normalement dus, soit une exonération d'impôt en cas de plus-value effective lors d'une rétrocession de biens non indispensables à la réalisation de l'objet social d'une banque à la fondation bancaire lui ayant transféré précédemment ces biens, ou en cas de transfert par une banque cessionnaire de ses participations dans la banque centrale de l'État membre à la fondation bancaire lui ayant précédemment cédé ces participations, en particulier si lesdites participations ont été obtenues initialement à titre gratuit et sont transférées ensuite à titre onéreux ou soumises à une réévaluation.

Cette conclusion n'est pas remise en cause, en ce qui concerne les mesures prévoyant la neutralité fiscale d'opérations de rétrocession, par l'argumentation selon laquelle le paiement de l'impôt normalement dû n'est que reporté à la date d'une réalisation ultérieure éventuelle du même bien. En effet, non seulement le report du paiement d'une dette fiscale peut constituer une aide d'État, mais, surtout, une rétrocession telle que celle visée en l'espèce opère un transfert de propriété du bien d'un sujet de droit à un autre, de sorte que, pour la société bancaire réalisant la rétrocession au profit d'une fondation bancaire, sujet de droit distinct, l'exonération est définitive.

(cf. points 77-82)

3. Dans le cas d'un régime d'aides, la Commission peut, afin de vérifier si ce régime comporte des éléments d'aide, se borner à étudier les caractéristiques générales du régime en cause, sans être tenue d'examiner chaque cas d'application particulier. Dès lors, lorsqu'il est constant qu'un régime d'aides profite à certaines entreprises, la circonstance que, le cas échéant, il profite également à des bénéficiaires qui ne seraient pas des entreprises ne remet pas en cause cette constatation, suffisante aux fins de l'application de l'article 87, paragraphe 1, CE.

(cf. points 91-92)

4. L'article 87, paragraphe 1, CE interdit les aides «favorisant certaines entreprises ou certaines productions», c'est-à-dire les aides sélectives. Une aide peut être sélective au regard de cette disposition même lorsqu'elle concerne tout un secteur économique.

Tel est le cas des mesures fiscales comportant soit une réduction ou une exonération d'impôts, soit un report de paiement, ne s'appliquant qu'au secteur bancaire et, au sein du secteur bancaire, profitant uniquement aux entreprises réalisant certaines opérations. Ne s'appliquant pas à tous les opérateurs économiques et dérogeant, en réalité, au régime fiscal de droit commun, elles ne peuvent être considérées comme des mesures générales de politique fiscale ou économique.

De telles mesures fiscales doivent donc être interdites en vertu de l'article 87, paragraphe 1, CE, dès lors qu'elles ne constituent pas une adaptation du système général à des caractéristiques particulières des entreprises bancaires, mais ont été conçues comme un moyen d'améliorer la compétitivité de certaines entreprises à un moment donné de l'évolution du secteur.

(cf. points 94-101)

5. L'article 87, paragraphe 1, CE prohibe les aides qui affectent les échanges entre États membres et faussent ou menacent de fausser la concurrence. Dans le cadre de son appréciation de ces deux conditions, la Commission est tenue, non pas d'établir une incidence réelle des aides sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d'examiner si ces aides sont susceptibles d'affecter ces échanges et de fausser la concurrence.

L'incompatibilité d'une aide avec le marché commun doit, en définitive, être constatée dès lors qu'elle a ou est susceptible d'avoir une incidence sur les échanges intracommunautaires et un effet de distorsion de la concurrence existant dans ceux-ci. En particulier, lorsqu'une aide accordée par un État membre renforce la position d'une entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l'aide. À cet égard, la circonstance qu'un secteur économique a fait l'objet d'une libéralisation au niveau communautaire est de nature à caractériser une incidence réelle ou potentielle des aides sur la concurrence, ainsi que leur effet sur les échanges entre États membres. Par ailleurs, il n'est pas nécessaire que l'entreprise bénéficiaire participe elle-même aux échanges intracommunautaires. En effet, lorsqu'un État membre octroie une aide à une entreprise, l'activité intérieure peut s'en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d'autres États membres de pénétrer le marché de cet État membre en sont diminuées. En outre, un renforcement d'une entreprise qui, jusqu'alors, ne participait pas à des échanges intracommunautaires peut la placer dans une situation lui permettant de pénétrer le marché d'un autre État membre.

C'est ainsi que doivent être prohibés des allégements fiscaux renforçant la position des entreprises bénéficiaires par rapport aux entreprises actives dans les échanges intracommunautaires, spécialement dans le contexte d'un important processus de libéralisation au niveau communautaire dans le secteur des services financiers qui a accentué la concurrence pouvant résulter déjà de la libre circulation des capitaux prévue par le traité.

(cf. points 110-111, 114-119)

6. La Commission jouit, pour l'application de l'article 87, paragraphe 3, CE, d'un large pouvoir d'appréciation dont l'exercice implique des évaluations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire. Le juge communautaire, en contrôlant la légalité de l'exercice d'une telle liberté, ne saurait substituer son appréciation en la matière à celle de l'autorité compétente, mais doit se limiter à examiner si cette dernière appréciation est entachée d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir.

En excluant la qualification de «projet d'intérêt européen commun» au sens de l'article 87, paragraphe 3, sous b), CE, s'agissant de certaines mesures fiscales dont il ressort qu'elles tendent essentiellement à améliorer la compétitivité des opérateurs établis dans un État membre pour renforcer leur seule position concurrentielle dans le marché intérieur, la Commission ne commet pas d'erreur manifeste d'appréciation. Il ne saurait lui être opposé utilement que lesdites mesures s'inscrivent dans le cadre de l'achèvement d'un processus de privatisation, un tel processus engagé par un État membre ne pouvant être considéré, en soi, comme constituant un projet d'intérêt européen commun.

Elle ne commet pas davantage une erreur manifeste d'appréciation en considérant que des...

To continue reading

Request your trial
113 practice notes
  • Italian Republic v European Commission.
    • European Union
    • General Court (European Union)
    • 22 Abril 2016
    ...certain undertakings or the production of certain goods’, that is to say selective aid (judgment of 15 December 2005 in Italy v Commission, C‑66/02, ECR, EU:C:2005:768, paragraph 98 Regarding appraisal of the condition of selectivity, it is clear from settled case-law that Article 87(1) EC ......
  • Italy v Commission
    • European Union
    • General Court (European Union)
    • 22 Abril 2016
    ...certain undertakings or the production of certain goods’, that is to say selective aid (judgment of 15 December 2005 in Italy v Commission, C‑66/02, ECR, EU:C:2005:768, paragraph 94). 98 Regarding appraisal of the condition of selectivity, it is clear from settled case-law that Article 87(1......
  • Hotel Cipriani SpA and Others v Commission of the European Communities.
    • European Union
    • General Court (European Union)
    • 28 Noviembre 2008
    ...Lines v Commission, cited in paragraph 52 above, paragraph 51; Case C‑278/00 Greece v Commission [2004] ECR I‑3997, paragraph 24; Case C‑66/02 Italy v Commission [2005] ECR I‑10901, paragraphs 91 and 92; and Case C‑148/04 Unicredito Italiano [2005] ECR I‑11137, paragraphs 67 and 68). 210 Ho......
  • Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 19 September 2018.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 19 Septiembre 2018
    ...14); of 19 September 2000, Germany v Commission (C‑156/98, EU:C:2000:467, paragraphs 26 to 28); and of 15 December 2005, Italy v Commission (C‑66/02, EU:C:2005:768, paragraphs 76 to 18 See, inter alia, Commission Regulation (EU) No 1407/2013 of 18 December 2013 on the application of Article......
  • Request a trial to view additional results
47 cases
25 provisions

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT