Willy Kempter KG v Hauptzollamt Hamburg-Jonas.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date12 February 2008

Affaire C-2/06

Willy Kempter KG

contre

Hauptzollamt Hamburg-Jonas

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Finanzgericht Hamburg)

«Exportation de bovins — Restitutions à l’exportation — Décision administrative définitive — Interprétation d’un arrêt de la Cour — Effet d’un arrêt rendu à titre préjudiciel par la Cour postérieurement à cette décision — Réexamen et retrait — Limites temporelles — Sécurité juridique — Principe de coopération — Article 10 CE»

Conclusions de l'avocat général M. Y. Bot, présentées le 24 avril 2007

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 12 février 2008

Sommaire de l'arrêt

1. États membres — Obligations — Obligation de coopération — Obligation pour un organe administratif de réexaminer une décision administrative définitive afin de tenir compte de l'interprétation de la disposition pertinente retenue entre-temps par la Cour

(Art. 10 CE)

2. États membres — Obligations — Obligation de coopération — Obligation pour un organe administratif de réexaminer une décision administrative définitive afin de tenir compte de l'interprétation de la disposition pertinente retenue entre-temps par la Cour

(Art. 10 CE)

1. Dans le cadre d’une procédure devant un organe administratif visant au réexamen d’une décision administrative devenue définitive en vertu d’un arrêt rendu par une juridiction de dernier ressort, cet arrêt étant, au vu d’une jurisprudence de la Cour postérieure à celui-ci, fondé sur une interprétation erronée du droit communautaire, ce droit n’impose pas que le requérant au principal ait invoqué le droit communautaire dans le cadre du recours juridictionnel de droit interne qu’il a formé à l’encontre de cette décision. En effet, si le droit communautaire n’exige pas qu’un organe administratif soit, en principe, obligé de revenir sur une décision administrative ayant acquis un caractère définitif, des circonstances particulières peuvent néanmoins être susceptibles, en vertu du principe de coopération découlant de l’article 10 CE, d’imposer à un tel organe de réexaminer une décision administrative devenue définitive afin de tenir compte de l’interprétation d’une disposition de droit communautaire pertinente retenue postérieurement par la Cour. Parmi les conditions susceptibles de fonder une telle obligation de réexamen, celle selon laquelle l’arrêt de la juridiction de dernier ressort en vertu duquel la décision administrative contestée est devenue définitive était, au vu d’une jurisprudence postérieure de la Cour, fondé sur une interprétation erronée du droit communautaire adoptée sans que la Cour ait été saisie à titre préjudiciel, ne saurait être interprétée de manière à imposer aux parties l’obligation de soulever devant le juge national le point de droit communautaire en cause. Il suffit à cet égard que soit ledit point de droit communautaire, dont l’interprétation s’est révélée erronée à la lumière d’un arrêt postérieur de la Cour, ait été examiné par la juridiction nationale statuant en dernier ressort, soit qu’il aurait pu être soulevé d’office par celle-ci. En effet, si le droit communautaire n’impose pas aux juridictions nationales de soulever d’office unmoyen tiré de la violation de dispositions communautaires, lorsque l’examen de ce moyen les obligerait à sortir des limites du litige tel qu’il a été circonscrit par les parties, ces juridictions sont tenues de soulever d’office les moyens de droit tirés d’une règle communautaire contraignante lorsque, en vertu du droit national, celles-ci ont l’obligation ou la faculté de le faire par rapport à une règle contraignante de droit national.

(cf. points 37-39, 44-46, disp. 1)

2. Le droit communautaire n’impose aucune limite dans le temps pour introduire une demande visant au réexamen d’une décision administrative devenue définitive. Les États membres restent néanmoins libres de fixer des délais de recours raisonnables, en conformité avec les principes communautaires d’effectivité et d’équivalence.

(cf. point 60, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

12 février 2008 (*)

«Exportation de bovins – Restitutions à l’exportation – Décision administrative définitive – Interprétation d’un arrêt de la Cour – Effet d’un arrêt rendu à titre préjudiciel par la Cour postérieurement à cette décision – Réexamen et retrait – Limites temporelles – Sécurité juridique – Principe de coopération – Article 10 CE»

Dans l’affaire C‑2/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Finanzgericht Hamburg (Allemagne), par décision du 21 novembre 2005, parvenue à la Cour le 4 janvier 2006, dans la procédure

Willy Kempter KG

contre

Hauptzollamt Hamburg-Jonas,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Lenaerts et A. Tizzano (rapporteur), présidents de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues, A. Borg Barthet, M. Ilešič, Mme P. Lindh et M. J.-C. Bonichot, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. J. Swedenborg, administrateur,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

– pour Willy Kempter KG, par Me. K. Makowe, Rechtsanwalt,

– pour la République tchèque, par M. T. Boček, en qualité d’agent,

– pour la République de Finlande, par Mme E. Bygglin, en qualité d’agent,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. F. Erlbacher et T. van Rijn, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 avril 2007,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du principe de coopération découlant de l’article 10 CE, lu à la lumière de l’arrêt du 13 janvier 2004, Kühne & Heitz (C‑453/00, Rec. p. I‑837).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Willy Kempter KG (ci-après «Kempter») au Hauptzollamt Hamburg-Jonas (douane centrale, ci‑après le «Hauptzollamt») au sujet de l’application des articles 48 et 51 de la loi sur la procédure administrative (Verwaltungsverfahrensgesetz), du 25 mai 1976 (BGBl. 1976 I, p. 1253, ci-après le «VwVfG»).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 L’article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 3665/87 de la Commission, du 27 novembre 1987, portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles (JO L 351, p. 1), est ainsi rédigé:

«Sans préjudice des dispositions des articles 5 et 16, le paiement de la restitution est subordonné à la production de la preuve que les produits pour lesquels la déclaration d’exportation a été acceptée ont, au plus tard dans un délai de soixante jours à compter de cette acceptation, quitté en l’état le territoire douanier de la Communauté.»

4 L’article 5, paragraphe 1, du règlement n° 3665/87 dispose:

«Le paiement de la restitution différenciée ou non différenciée est subordonné, en sus de la condition que le produit ait quitté le territoire douanier de la Communauté, à la condition que le produit ait été, sauf s’il a péri en cours de transport par suite d’un cas de force majeure, importé dans un pays tiers et, le cas échéant, dans un pays tiers déterminé dans les douze mois suivant la date d’acceptation de la déclaration d’exportation:

a) lorsque des doutes sérieux existent quant à la destination réelle du produit […]

[…]»

La réglementation nationale

5 L’article 48, paragraphe 1, première phrase, du VwVfG prévoit que même lorsqu’il ne peut plus être attaqué, un acte administratif illégal peut être retiré en tout ou en partie, avec effet pour l’avenir ou avec effet rétroactif.

6 L’article 51 du VwVfG concerne la réouverture de procédures closes par un acte administratif devenu définitif. Son paragraphe 1 prévoit que l’autorité concernée doit, sur demande de l’intéressé, statuer sur l’annulation ou la modification d’un acte administratif définitif:

– si la situation de fait ou de droit sur laquelle repose l’acte s’est modifiée, après son adoption, en faveur de l’intéressé;

– s’il existe de nouveaux éléments de preuve qui auraient entraîné une décision plus favorable à l’intéressé, et

– s’il existe des motifs de réouverture conformément à l’article 580 du code de procédure civile (Zivilprozessordnung).

7 Le paragraphe 3 de cet article précise qu’une telle demande doit être introduite dans un délai de trois mois à compter du jour auquel l’intéressé a pris connaissance des circonstances permettant la réouverture de la procédure.

Les faits à l’origine du litige au principal et les questions préjudicielles

8 Il ressort de la décision de renvoi qu’au cours des années 1990 à 1992, Kempter a exporté des bovins vers divers pays arabes et de l’ex-Yougoslavie. À ce titre, conformément au règlement n° 3665/87 qui était en vigueur à l’époque, elle a demandé et perçu des restitutions à l’exportation du Hauptzollamt.

9 À l’occasion d’une enquête, la Betriebsprüfungsstelle Zoll (service de contrôle des douanes) de l’Oberfinanzdirektion (direction régionale des finances) de Fribourg a constaté que, avant leur importation dans lesdits pays tiers, une partie des animaux étaient morts ou avaient été abattus d’urgence lors du transport ou lors de la quarantaine dans les pays de destination.

10 Par décision du 10 août 1995, le Hauptzollamt a dès lors...

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