AKZO Chemie BV v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
Date03 July 1991
CourtCourt of Justice (European Union)
EUR-Lex - 61986J0062 - FR 61986J0062

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 3 juillet 1991. - AKZO Chemie BV contre Commission des Communautés européennes. - Article 86 - Pratiques d'exclusion d'une entreprise dominante. - Affaire C-62/86.

Recueil de jurisprudence 1991 page I-03359
édition spéciale suédoise page I-00249
édition spéciale finnoise page I-00261


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . Concurrence - Procédure administrative - Respect des droits de la défense - Obligation de la Commission de donner accès au dossier - Absence

2 . Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Exclusion des éléments de preuve non communiqués à l' entreprise destinataire

3 . Concurrence - Procédure administrative - Communication des griefs - Contenu nécessaire

4 . Concurrence - Position dominante - Marché en cause - Marchés regroupant l' ensemble des produits aptes à satisfaire des besoins constants et peu interchangeables

( Traité CEE, art . 86 )

5 . Concurrence - Position dominante - Existence - Détention de parts de marché extrêmement importantes - Indice généralement suffisant

( Traité CEE, art . 86 )

6 . Concurrence - Position dominante - Abus - Notion

( Traité CEE, art . 86 )

7 . Concurrence - Position dominante - Abus - Pratique de prix inférieurs aux coûts dans le but d' éliminer un concurrent

( Traité CEE, art . 86 )

8 . Concurrence - Position dominante - Abus - Pratique de prix inférieurs aux coûts de production - Justification - Alignement sur un concurrent - Conditions - Concurrent menant une politique indépendante

( Traité CEE, art . 86 )

9 . Concurrence - Position dominante - Abus - Obtention de renseignements sur les conditions consenties par les concurrents dans le cadre d' un plan d' élimination de ceux-ci

( Traité CEE, art . 86 )

10 . Concurrence - Position dominante - Abus - Contrats d' approvisionnement exclusif

( Traité CEE, art . 86 )

Sommaire

1 . Le respect des droits de la défense dans la procédure d' application des règles de concurrence exige que l' entreprise intéressée ait été en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les documents retenus par la Commission dans les constatations qui sont à la base de la décision . Toutefois, aucune disposition ne prescrit à la Commission l' obligation de divulguer ses dossiers aux parties intéressées .

2 . Lorsque la Commission arrête une décision retenant une infraction aux règles de concurrence à la charge d' une entreprise, elle ne peut se fonder sur des documents dont ladite entreprise n' a pas reçu communication durant la procédure administrative ayant précédé l' adoption de cette décision .

3 . La communication des griefs doit énoncer, de manière claire, les faits sur lesquels se base la Commission ainsi que la qualification qui leur est donnée .

4 . Dans l' examen de la position, éventuellement dominante, d' une entreprise sur un marché déterminé, les possibilités de concurrence doivent être appréciées dans le cadre du marché regroupant l' ensemble des produits qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et sont peu interchangeables avec d' autres produits .

5 . Sauf circonstances exceptionnelles, des parts de marché extrêmement importantes constituent par elles-mêmes la preuve de l' existence d' une position dominante . Tel est le cas d' une part de marché de 50 %.

6 . La notion d' exploitation abusive est une notion objective qui vise les comportements d' une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d' un marché où, à la suite précisément de la présence de l' entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence .

7 . L' article 86 du traité interdit à une entreprise dominante d' éliminer un concurrent et de renforcer ainsi sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d' une concurrence par les mérites . Dans cette perspective, toute concurrence par les prix ne peut toutefois être considérée comme légitime .

Des prix inférieurs à la moyenne des coûts variables ( c' est-à-dire de ceux qui varient en fonction des quantités produites ), par lesquels une entreprise dominante cherche à éliminer un concurrent, doivent être considérés comme abusifs . Une entreprise dominante n' a en effet aucun intérêt à pratiquer de tels prix, si ce n' est celui d' éliminer ses concurrents pour pouvoir, ensuite, relever ses prix en tirant profit de sa situation monopolistique, puisque chaque vente entraîne pour elle une perte, à savoir la totalité des coûts fixes ( c' est-à-dire de ceux qui restent constants quelles que soient les quantités produites ), et une partie au moins des coûts variables afférents à l' unité produite .

Par ailleurs, des prix inférieurs à la moyenne des coûts totaux, qui comprennent les coûts fixes et les coûts variables, mais supérieurs à la moyenne des coûts variables, doivent être considérés comme abusifs lorsqu' ils sont fixés dans le cadre d' un plan ayant pour but d' éliminer un concurrent . Ces prix peuvent, en effet, écarter du marché, des entreprises qui sont peut-être aussi efficaces que l' entreprise dominante mais qui, en raison de leur capacité financière moindre, sont incapables de résister à la concurrence qui leur est faite .

8 . Une entreprise en position dominante ne saurait justifier des ventes à un prix inférieur aux coûts de production en invoquant la nécessité d' aligner ses prix sur ceux d' un autre fournisseur, lorsqu' il est avéré qu' elle a entretenu avec celui-ci des contacts étroits sur la politique à suivre en matière de prix .

9 . L' obtention, par une entreprise dominante auprès d' entreprises dont elle entend s' attacher la clientèle, de renseignements sur les conditions consenties par un concurrent, ne saurait être considérée comme un moyen normal de concurrence lorsqu' elle s' inscrit dans le cadre d' un plan visant à l' élimination de ce dernier .

10 . Le fait, pour une entreprise se trouvant en position dominante sur un marché, de lier, fût-ce à leur demande, des acheteurs par une obligation ou une promesse de s' approvisionner, pour la totalité ou pour une part considérable de leurs besoins, exclusivement auprès de ladite entreprise, constitue une exploitation abusive d' une position dominante au sens de l' article 86 du traité .

Parties

Dans l' affaire C-62/86,

AKZO Chemie BV, ayant son siège social à Amersfoort ( Pays-Bas ), représentée par Mes I . Van Bael, J.-F . Bellis et A . Vanderelst, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me F . Brausch, 8, rue Zithe, BP 1107,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M . B . van der Esch, conseiller juridique principal, assisté de MM . T . van Rijn et L . Gyselen, membres du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . G . Berardis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire annuler la décision de la Commission des Communautés européennes du 14 décembre 1985 relative à une procédure d' application de l' article 86 du traité CEE ( IV/30.698-ECS/AKZO Chemie, JO L 374, p . 1 ),

LA COUR ( cinquième chambre ),

composée de MM . J . C . Moitinho de Almeida, président de chambre, G . C . Rodríguez Iglesias, Sir Gordon Slynn, MM . R . Joliet et M . Zuleeg, juges,

avocat général : M . C . O . Lenz

greffier : M . J . A . Pompe, greffier adjoint

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l' audience du 29 novembre 1988, au cours de laquelle la Commission a été représentée par M . T . van Rijn, membre de son service juridique, et Me T . Ottervanger, avocat au barreau de Rotterdam,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 19 avril 1989,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 5 mars 1986, AKZO Chemie BV a introduit, en vertu de l' article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, un recours visant à l' annulation de la décision 85/609/CEE de la Commission, du 14 décembre 1985, relative à une procédure d' application de l' article 86 du traité CEE ( IV/30.698-ECS/AKZO Chemie, JO L 374, p . 1 ).

2 Par cette décision, la Commission a constaté qu' AKZO avait enfreint l' article 86 du traité en adoptant à l' encontre d' une société concurrente, Engineering and Chemical Supplies ( Epsom and Gloucester ) Ltd ( ci-après "ECS "), un comportement destiné à saper l' affaire de celle-ci et/ou à provoquer son retrait du marché communautaire des peroxydes organiques ( article 1er ).

3 AKZO Chemie et ses filiales constituent la division "spécialités chimiques" du groupe néerlandais AKZO NV, qui fabrique des produits chimiques et des fibres artificielles .

4 AKZO UK, filiale à 100 % d' AKZO Chemie ( ci-après, la dénomination "AKZO" est utilisée pour désigner l' entité économique constituée par AKZO Chemie BV et ses filiales ), produit, au Royaume-Uni, des peroxydes organiques, qui sont des spécialités chimiques utilisées dans l' industrie des plastiques . Cette entreprise fabrique également des composés à base de peroxyde de benzoyle, l' un des peroxydes organiques, utilisés comme agents de blanchiment de la farine, ainsi que du bromate de potassium et des mélanges de vitamines, deux autres additifs pour la farine .

5 Le peroxyde de benzoyle et le bromate de potassium sont livrables en plusieurs dilutions selon les besoins du client . Le peroxyde de benzoyle...

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