Secretary of State for the Home Department v Muhammad Sazzadur Rahman and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:174
Date27 March 2012
Celex Number62011CC0083
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑83/11
62011CC0083

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 27 mars 2012 ( 1 )

Affaire C‑83/11

Secretary of State for the Home Department

contre

Muhammad Sazzadur Rahman,Fazly Rabby Islam,Mohibullah Rahman

[demande de décision préjudicielle formée par l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber), London (Royaume-Uni)]

«Droit des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire d’un État membre — Directive 2004/38/CE — Obligation de faciliter l’entrée et le séjour de ‘tout autre membre de la famille’ — Portée — Effet direct»

1.

La présente demande de décision préjudicielle offre, pour la première fois, l’occasion à la Cour de se prononcer sur la portée des dispositions de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE ( 2 ).

2.

Cette demande a été présentée à l’occasion d’un litige opposant Muhammad Sazzadur Rahman, Fazly Rabby Islam et Mohibullah Rahman, ressortissants bangladais, au Secretary of State for the Home Department, à la suite du refus de ce dernier de leur délivrer un titre de séjour au Royaume-Uni en tant que membres de la famille à charge d’un ressortissant d’un État membre de l’Espace économique européen (EEE).

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

3.

L’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 3 ) dispose que «[t]oute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications».

2. La directive 2004/38

4.

La directive 2004/38 réalise une œuvre codificatrice par la réunion en un seul texte d’un règlement et de neuf directives et l’intégration de l’acquis jurisprudentiel. En substituant à des régimes juridiques différents correspondant à l’appartenance à des catégories juridiques distinctes, fondées sur l’aptitude à exercer une activité économique, un statut unique reposant sur la citoyenneté de l’Union, elle confère une dimension nouvelle à la liberté de circulation, qui devient un attribut fondamental attaché à la qualité de citoyen de l’Union.

5.

La directive 2004/38 reconnaît, selon un système graduel, un droit de séjour aux «membres de la famille», qui sont définis à l’article 2, point 2, de celle-ci comme étant le conjoint ou le partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a contracté un partenariat enregistré, reconnu comme équivalent au mariage par la législation de l’État membre d’accueil, les descendants directs âgés de moins de 21 ans ou qui sont à charge et ceux du conjoint ou du partenaire ainsi que les ascendants directs à charge et ceux du conjoint ou du partenaire.

6.

La directive 2004/38 prend également en compte les membres de la famille élargie, en obligeant, sous certaines conditions, les États membres à favoriser leur entrée et leur séjour sur leur territoire.

7.

Aux termes du sixième considérant de cette directive:

«En vue de maintenir l’unité de la famille au sens large du terme et sans préjudice de l’interdiction des discriminations fondées sur la nationalité, la situation des personnes qui ne sont pas englobées dans la définition des membres de la famille […] et qui ne bénéficient donc pas d’un droit automatique d’entrée et de séjour dans l’État membre d’accueil devrait être examinée par ce dernier sur la base de sa législation nationale, afin de décider si le droit d’entrée ou de séjour ne pourrait pas être accordé à ces personnes, compte tenu de leur lien avec le citoyen de l’Union et d’autres circonstances telles que leur dépendance pécuniaire ou physique envers ce citoyen.»

8.

L’article 3, paragraphe 2, de ladite directive dispose:

«Sans préjudice d’un droit personnel à la libre circulation et au séjour de l’intéressé, l’État membre d’accueil favorise, conformément à sa législation nationale, l’entrée et le séjour des personnes suivantes:

a)

tout autre membre de la famille, quelle que soit sa nationalité, qui n’est pas couvert par la définition figurant à l’article 2, point 2), si, dans le pays de provenance, il est à charge ou fait partie du ménage du citoyen de l’Union bénéficiaire du droit de séjour à titre principal, ou lorsque, pour des raisons de santé graves, le citoyen de l’Union doit impérativement et personnellement s’occuper du membre de la famille concerné;

b)

le partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a une relation durable, dûment attestée.

L’État membre d’accueil entreprend un examen approfondi de la situation personnelle et motive tout refus d’entrée ou de séjour visant ces personnes.»

9.

L’article 8, paragraphe 5, de la directive 2004/38 prévoit:

«Pour la délivrance de l’attestation d’enregistrement aux membres de la famille des citoyens de l’Union, qui sont eux-mêmes citoyens de l’Union, les États membres peuvent demander la présentation des documents suivants:

[…]

e)

dans les cas visés à l’article 3, paragraphe 2, point a), un document délivré par l’autorité compétente du pays d’origine ou de provenance attestant qu’ils sont à la charge du citoyen de l’Union ou font partie de son ménage, ou une preuve de l’existence de raisons de santé graves qui exigent que le citoyen de l’Union s’occupe impérativement et personnellement du membre de la famille concerné;

[…]»

10.

L’article 10 de cette directive énonce:

«1. Le droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre est constaté par la délivrance d’un document dénommé ‘Carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen de l’Union’ au plus tard dans les six mois suivant le dépôt de la demande. Une attestation du dépôt de la demande de carte de séjour est délivrée immédiatement.

2. Pour la délivrance de la carte de séjour, les États membres demandent la présentation des documents suivants:

[…]

e)

dans les cas visés à l’article 3, paragraphe 2, point a), un document délivré par l’autorité compétente du pays d’origine ou de provenance attestant qu’ils sont à la charge du citoyen de l’Union ou font partie de son ménage, ou une preuve de l’existence de raisons de santé graves qui exigent que le citoyen de l’Union s’occupe personnellement du membre de la famille concerné;

[…]»

B – Le droit national

11.

La directive 2004/38 a été transposée au Royaume-Uni par le règlement de 2006 sur l’immigration (Espace économique européen) [Immigration (European Economic Area) Regulations 2006], tel que modifié par le règlement de 2009 sur l’immigration [Immigration (European Economic Area) Regulations 2009] ( 4 ).

12.

Sous l’intitulé «Membre de la famille», l’article 7 du règlement de 2006 dispose:

«(1) Sous réserve du paragraphe (2), aux fins du présent règlement, les personnes suivantes sont considérées comme les membres de la famille d’une autre personne:

(a)

son conjoint ou son partenaire civil;

(b)

ses descendants directs et ceux du conjoint ou de son partenaire civil qui sont:

(i)

âgés de moins de 21 ans; ou

(ii)

à sa charge ou à charge de son conjoint ou de son partenaire civil;

(c)

ses ascendants directs et ceux de son conjoint ou de son partenaire civil qui sont à charge;

(d)

toute personne devant être considérée comme un membre de la famille de cette autre personne en vertu du paragraphe (3).

(2) Une personne n’est pas considérée, en vertu du paragraphe (1), sous (b) ou (c), comme un membre de la famille d’un étudiant résidant au Royaume-Uni après la période de trois mois courant à compter de la date d’admission de l’étudiant au Royaume-Uni, à moins que:

(a)

dans le cas du paragraphe [(1), sous] (b), la personne ne soit l’enfant à charge de l’étudiant ou de son conjoint ou partenaire civil; ou

(b)

que l’étudiant ne relève également de l’une ou l’autre des catégories de personnes répondant aux conditions requises mentionnées à l’article 6, paragraphe (1).

(3) Sous réserve du paragraphe (4), toute personne qui est un membre de la famille étendue et qui s’est vu délivrer un titre familial EEE, une attestation d’enregistrement ou une carte de séjour sera considérée comme un membre de la famille du ressortissant de l’EEE concerné tant qu’elle continue de répondre aux conditions prévues à l’article 8, paragraphes (2), (3), (4) ou (5) par rapport à ce ressortissant de l’EEE et que le titre, l’attestation ou la carte n’ont pas cessé d’être valides ou n’ont pas été révoqués.

(4) Lorsque le ressortissant de l’EEE concerné est un étudiant, le membre de la famille étendue ne sera considéré comme un membre de la famille de ce ressortissant au titre du paragraphe (3) que si le titre familial EEE a été délivré en vertu de l’article 12, paragraphe (2), si l’attestation d’enregistrement a été délivrée en vertu de l’article 16, paragraphe (5) ou si la carte de séjour a été délivrée en vertu de l’article 17, paragraphe (4).»

13.

L’article 8 du règlement de 2006, intitulé «Membre de la famille étendue», dispose:

«(1) Aux fins du présent règlement, on entend par ‘membre de la famille étendue’, toute personne qui n’est pas un membre de la famille d’un ressortissant de l’EEE en vertu de l’article 7, paragraphe (1), sous (a), (b) ou (c), et...

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