Toufik Lounes v Secretary of State for the Home Department.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:862
Date14 November 2017
Celex Number62016CJ0165
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-165/16
62016CJ0165

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

14 novembre 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Article 21 TFUEDirective 2004/38/CE – Bénéficiaires – Double nationalité – Citoyen de l’Union ayant acquis la nationalité de l’État membre d’accueil tout en conservant sa nationalité d’origine – Droit de séjour, dans cet État membre, d’un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille du citoyen de l’Union »

Dans l’affaire C‑165/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench (chambre administrative), Royaume-Uni], par décision du 8 mars 2016, parvenue à la Cour le 21 mars 2016, dans la procédure

Toufik Lounes

contre

Secretary of State for the Home Department,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano (rapporteur), vice‑président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič, J. L. da Cruz Vilaça, J. Malenovský, E. Levits, C. G. Fernlund et C. Vajda, présidents de chambre, J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, S. Rodin, F. Biltgen, Mme K. Jürimäe et M. C. Lycourgos, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 mai 2017,

considérant les observations présentées :

pour M. Lounes, par M. P. Saini, barrister, ainsi que par Mme R. Matharu, solicitor,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. M. Holt ainsi que par Mmes C. Crane et C. Brodie, en qualité d’agents, assistés de M. D. Blundell, barrister,

pour le gouvernement espagnol, par Mme V. Ester Casas, en qualité d’agent,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme E. Montaguti et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 mai 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Toufik Lounes au Secretary of State for the Home Department (ministre de l’Intérieur, Royaume-Uni) au sujet du refus de délivrance d’une carte de séjour à l’intéressé.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 5 et 18 de la directive 2004/38 énoncent :

« (5)

Le droit de tous les citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres devrait, pour qu’il puisse s’exercer dans des conditions objectives de liberté et de dignité, être également accordé aux membres de leur famille quelle que soit leur nationalité. [...]

[...]

(18)

En vue de constituer un véritable moyen d’intégration dans la société de l’État membre d’accueil dans lequel le citoyen de l’Union réside, le droit de séjour permanent ne devrait être soumis à aucune autre condition une fois qu’il a été obtenu. »

4

L’article 1er de cette directive dispose :

« La présente directive concerne :

a)

les conditions d’exercice du droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;

b)

le droit de séjour permanent, dans les États membres, des citoyens de l’Union et des membres de leur famille ;

[...] »

5

Aux termes de l’article 2 de ladite directive :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1)

“citoyen de l’Union” : toute personne ayant la nationalité d’un État membre ;

2)

“membre de la famille” :

a)

le conjoint ;

[...]

3)

“État membre d’accueil” : l’État membre dans lequel se rend un citoyen de l’Union en vue d’exercer son droit de circuler et de séjourner librement. »

6

L’article 3 de la directive 2004/38, intitulé « Bénéficiaires », prévoit, à son paragraphe 1 :

« La présente directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2), qui l’accompagnent ou le rejoignent. »

7

L’article 6 de cette directive, intitulé « Droit de séjour jusqu’à trois mois », énonce :

« 1. Les citoyens de l’Union ont le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une période allant jusqu’à trois mois, sans autres conditions ou formalités que l’exigence d’être en possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité.

2. Les dispositions du paragraphe 1 s’appliquent également aux membres de la famille munis d’un passeport en cours de validité qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui accompagnent ou rejoignent le citoyen de l’Union. »

8

L’article 7 de ladite directive, intitulé « Droit de séjour de plus de trois mois », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois :

a)

s’il est un travailleur salarié ou non salarié dans l’État membre d’accueil, ou

b)

s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil, ou,

c)

s’il est inscrit dans un établissement privé ou public, agréé ou financé par l’État membre d’accueil sur la base de sa législation ou de sa pratique administrative, pour y suivre à titre principal des études, y compris une formation professionnelle et

s’il dispose d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil et garantit à l’autorité nationale compétente, par le biais d’une déclaration ou par tout autre moyen équivalent de son choix, qu’il dispose de ressources suffisantes pour lui-même et pour les membres de sa famille afin d’éviter de devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de leur période de séjour ; ou

[...]

2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s’étend aux membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un État membre lorsqu’ils accompagnent ou rejoignent dans l’État membre d’accueil le citoyen de l’Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c). »

9

L’article 16 de la même directive, figurant au chapitre IV de celle‑ci, intitulé « Droit de séjour permanent », est libellé comme suit :

« 1. Les citoyens de l’Union ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil acquièrent le droit de séjour permanent sur son territoire. Ce droit n’est pas soumis aux conditions prévues au chapitre III.

2. Le paragraphe 1 s’applique également aux membres de la famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui ont séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans avec le citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil.

[...]

4. Une fois acquis, le droit de séjour permanent ne se perd que par des absences d’une durée supérieure à deux ans consécutifs de l’État membre d’accueil. »

Le droit du Royaume-Uni

10

La directive 2004/38 a été transposée dans le droit du Royaume-Uni par l’Immigration (European Economic Area) Regulations 2006 [règlement de 2006 sur l’immigration (Espace économique européen), ci-après le « règlement de 2006 »]. Ce règlement utilise les termes « ressortissant de l’[Espace économique européen (EEE)] » à la place des termes « citoyen de l’Union ».

11

Dans sa version initiale, l’article 2 dudit règlement définissait la notion de « ressortissant de l’EEE » comme visant « tout ressortissant d’un État de l’EEE », étant précisé que le Royaume-Uni était exclu de la notion d’« État de l’EEE ».

12

À la suite de deux modifications successives de ce même règlement par l’Immigration (European Economic Area) (Amendment) Regulations 2012 (2012/1547) [règlement modificatif sur l’immigration (Espace économique européen) de 2012 (2012/1547), ci-après le « règlement 2012/1547 »], puis par l’Immigration (European Economic Area) (Amendment) (No 2) Regulations 2012 (2012/2560) [second règlement modificatif sur l’immigration (Espace économique européen) de 2012 (2012/2560), ci-après le « règlement 2012/2560 »], cet article dispose :

« On entend par : “ressortissant de l’EEE” tout ressortissant d’un État de l’EEE qui n’est pas également citoyen britannique. »

13

Les articles 6, 7, 14 et 15 du règlement de 2006 transposent, dans le droit du Royaume-Uni, les articles 2, 7 et 16 de la directive 2004/38.

Le litige au principal et la question préjudicielle

14

Au cours du mois de septembre 1996, Mme Ormazabal, ressortissante espagnole, s’est...

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