Secretary of State for the Home Department v CS.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:674
Docket NumberC-304/14
Celex Number62014CJ0304
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date13 September 2016
62014CJ0304

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

13 septembre 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Citoyenneté de l’Union — Article 20 TFUE — Ressortissant d’un État tiers ayant à sa charge un enfant en bas âge, citoyen de l’Union — Droit de séjour dans l’État membre dont l’enfant est le ressortissant — Condamnations pénales du parent de l’enfant — Décision d’éloignement du parent ayant pour conséquence l’éloignement indirect de l’enfant concerné»

Dans l’affaire C‑304/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal supérieur (chambre de l’immigration et de l’asile), Royaume-Uni], par décision du 4 juin 2014, parvenue à la Cour le 24 juin 2014, dans la procédure

Secretary of State for the Home Department

contre

CS,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič, L. Bay Larsen, Mme C. Toader, MM. D. Šváby, F. Biltgen et C. Lycourgos, présidents de chambre, MM. A. Rosas (rapporteur), E. Juhász, A. Borg Barthet, M. Safjan, Mmes M. Berger, A. Prechal et K. Jürimäe, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 juin 2015,

considérant les observations présentées :

pour CS, par M. R. Husain, QC, Mme L. Dubinsky et M. P. Tridimas, barristers, mandatés par M. D. Furner, solicitor,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. M. Holt et Mme J. Beeko, en qualité d’agents, assistés de M. D. Blundell, barrister,

pour le gouvernement danois, par M. C. Thorning et Mme M. Wolff, en qualité d’agents,

pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et R. Coesme, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, ainsi que par Mmes K. Pawłowska et M. Pawlicka, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes I. Martínez del Peral et C. Tufvesson, ainsi que par M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 4 février 2016,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 20 TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant CS, ressortissante d’un État tiers, mère d’un enfant en bas âge, citoyen de l’Union possédant la nationalité d’un État membre dans lequel il a toujours séjourné, au Secretary of State for the Home Department (ministre de l’Intérieur, Royaume-Uni), au sujet d’une décision prononçant l’expulsion de l’intéressée du territoire de cet État membre vers un État tiers, en raison de ses antécédents pénaux.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 3 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34), intitulé « Bénéficiaires », dispose :

« 1. La présente directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2, qui l’accompagnent ou le rejoignent.

2. Sans préjudice d’un droit personnel à la libre circulation et au séjour de l’intéressé, l’État membre d’accueil favorise, conformément à sa législation nationale, l’entrée et le séjour des personnes suivantes :

a)

tout autre membre de la famille, quelle que soit sa nationalité, qui n’est pas couvert par la définition figurant à l’article 2, point 2, si, dans le pays de provenance, il est à charge ou fait partie du ménage du citoyen de l’Union bénéficiaire du droit de séjour à titre principal [...]

[...]

L’État membre d’accueil entreprend un examen approfondi de la situation personnelle et motive tout refus d’entrée ou de séjour visant ces personnes. »

Le droit du Royaume-Uni

La loi sur les frontières

4

En vertu de l’article 32, paragraphe 5, du UK Borders Act 2007 (la loi de 2007 sur les frontières, ci-après la « loi sur les frontières »), lorsqu’une personne qui n’est pas un citoyen britannique est reconnue coupable au Royaume-Uni d’une infraction et est condamnée à une peine d’emprisonnement d’une durée de douze mois au moins, le ministre de l’Intérieur doit adopter une décision d’expulsion à son égard.

5

Il ressort de l’article 33 de la loi sur les frontières qu’une telle obligation est exclue lorsque l’éloignement, au titre de la décision d’expulsion, de la personne condamnée :

a)

violerait les droits dont jouit une personne en vertu de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ou

b)

violerait les obligations incombant au Royaume-Uni en vertu de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 [1954]) ; ou

c)

violerait les droits dont jouit le délinquant en vertu des traités de l’Union européenne.

Le règlement sur l’immigration

6

En vertu de l’article 15 A, paragraphe 4 A, de l’Immigration (European Economic Area) Regulations 2006 [règlement de 2006 sur l’immigration (Espace économique européen)], dans sa version modifiée au cours de l’année 2012 (ci-après le « règlement sur l’immigration »), qui prend en compte l’arrêt du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124), une personne qui répond aux critères prévus à cet article 15 A, paragraphe 4 A, bénéficie d’« un droit de séjour dérivé au Royaume-Uni ».

7

Toutefois, conformément à l’article 15 A, paragraphe 9, de ce règlement, une personne qui bénéficierait normalement d’un droit de séjour dérivé en vertu, notamment, dudit article 15 A, paragraphe 4 A, ne bénéficie pas de ce droit « lorsque le ministre de l’Intérieur a pris une décision au titre de l’article [19, paragraphe 3, sous b), de l’article 20, paragraphe 1, ou de l’article 20 A, paragraphe 1, du règlement sur l’immigration] ».

8

En vertu de l’article 20, paragraphe 1, de ce règlement, le ministre de l’Intérieur peut refuser de délivrer, révoquer ou refuser de renouveler une attestation d’enregistrement, une carte de séjour, un document attestant le séjour permanent ou une carte de séjour permanent « si le refus ou la révocation est justifié par des motifs d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique ».

9

En vertu de l’article 20, paragraphe 6, du règlement sur l’immigration, une telle décision doit être prise conformément à l’article 21 de ce règlement.

10

L’article 21 A du règlement sur l’immigration applique une version modifiée de la partie 4 de ce règlement à des décisions prises en rapport, notamment, avec des droits de séjour dérivés. L’article 21 A, paragraphe 3, sous a), dudit règlement applique cette partie 4 comme si « les références à un élément “justifié par des motifs d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique conformément à l’article 21” faisaient référence, en lieu et place de cet élément, à un élément qui “contribue à l’intérêt général” ».

11

Il résulte de ces dispositions qu’il est possible de refuser un droit de séjour dérivé à une personne qui pourrait normalement prétendre à un droit de séjour au titre de l’article 20 TFUE, tel qu’interprété par la Cour dans son arrêt du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124), lorsque cela contribue à l’intérêt général.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

CS, ressortissante d’un État tiers, a épousé au cours de l’année 2002 un citoyen britannique. Au mois de septembre 2003, elle s’est vu accorder un visa sur la base de son mariage et est entrée de manière régulière au Royaume-Uni, en bénéficiant de l’autorisation d’y séjourner jusqu’au 20 août 2005. Le 31 octobre 2005, il lui a été délivré une autorisation de séjour à durée indéterminée dans cet État membre.

13

Au cours de l’année 2011, un enfant est né de ce mariage, au Royaume-Uni. CS assurerait seule la garde effective de cet enfant, citoyen britannique.

14

Le 21 mars 2012, CS a été reconnue coupable d’une infraction pénale. Le 4 mai suivant, elle a été condamnée à une peine de douze mois d’emprisonnement.

15

Le 2 août 2012, il a été notifié à CS que, en raison de sa condamnation, elle était susceptible d’être expulsée du Royaume-Uni. Le 30 août 2012, CS a introduit une demande d’asile dans cet État membre. Cette demande a été examinée par l’autorité nationale compétente, à savoir le ministre de l’Intérieur.

16

Le 2 novembre 2012, CS a été libérée après avoir purgé sa peine d’emprisonnement et, le 9 janvier 2013, le ministre de l’Intérieur a rejeté la demande d’asile présentée par l’intéressée. La décision d’expulsion de CS du Royaume-Uni vers un État tiers a été prise au titre de l’article 32, paragraphe 5, de la loi sur les frontières. CS a contesté ladite décision en exerçant son droit de recours devant le First-tier Tribunal (Immigration and Asylum Chamber) [tribunal de première instance (chambre de l’immigration et de l’asile), Royaume-Uni]. Le 3 septembre 2013...

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